au piano

emojicouteau Messages : 146 Classe : C.

au piano
miel & elior

Hasardeuse, sa course avait fait des cercles et des huit dans les bâtiments. Le temps libre était maudit et vide de sens, il ne servait qu'à se perdre encore un peu, à s'oublier dans le silence, l'absence de mots et de gens. L'isolement lui jouait des tours, et comme un fantôme elle avait erré ici et là sans but et sans joie, finalement tombée dans des couloirs qu'elle connaissait bien même s'ils n'étaient pas les siens. Des chansons la berçaient au bord de ses lèvres, d'une voix absente et pratiquement inaudible qui s'effaçait immédiatement lorsque des silhouettes se croisaient.

Puis ce ne furent plus ses mélodies mais d'autres qui chantèrent à ses oreilles et elle était tombée dans une salle trop grande et trop vide dont les seuls échos étaient quelques notes adroites et vagabondes qui hantaient le piano.

A détailler le corps qui s'y donnait aux blanches et aux noirs, Miel n'eut pas trop de mal à définir son nom ; c'est qu'elle était plus attentive qu'elle voulait bien le croire et qu'elle n'avait jamais eu aucun soucis de mémoire, ni pour les visages ni pour les noms. Mais elle était presque sûre de n'avoir jamais entendu parlé de Elior Demaury et d'un piano. Et leurs océans dans les yeux ne s'étaient jamais rencontrés avant ce jour-là.

Elle s'en était retournée, sans un mot ou un sourire, rien de ce genre n'effleura son visage et elle était partie sans rien lui offrir, ni un nom ni une sonorité.

La semaine d'après elle y était revenue, à la même heure et cette fois elle avait apporté entre ses doigts hésitants mais habiles une feuille de papier qu'elle avait soigneusement plié. Puis son pas résonna avec les notes blanches (les notes noires) et le papier s'y glissa avec un regard un seul.

Il n'y avait ni sourire ni voix, il n'y avait que le corps de Miel qui partit après un contact bref et lointain, et une dessin d'un mouton dans un pré, des écouteurs dans les oreilles reliés à un smartphone dans l'herbe. Sur le minuscule petit écran, à pattes de mouche, elle avait écrit « Elior Demaury Sonata ».

la french girl d'elyas Messages : 646 Classe : E

sans un mot

octobre // miel

Paupières closes, seulement mue par la vision du cœur, y a les doigts qui enchaînent et se déchaînent - et ça caresse, ça marche, ça court et ça glisse, comme une danse de noir et de blanc, chaque note chantonne la partition d'une existence qui ose perdurer trop longtemps. L'intimité du secret - les ailes trop grandes en dedans qui se permettent de se dévoiler sous chaque tintement ; et derrière la peur et la colère, derrière l'esprit brouillon et bouillant, il y a la sensibilité qui s'exprime par son affiliation avec les touches de l'instrument.

Et c'est comme se parler à soi-même ; c'est comme écrire un roman sans le moindre mot, faire parler les émotions sans même esquisser le moindre mouvement de lèvre - la liberté sans les barreaux que sont les paroles et l'imprimé des feuilles à carreaux ; c'est une
vocation.
libération.

Ni larme ni d'esprit en fusion, ni froissement du visage ou déformation de l'être - tu n'es qu'une entité qui rend tout cela visible et palpable ; et peut-être est-ce là, la raison de ce pudique secret bien gardé que personne ne connaît si ce n'est peut-être celle à qui tu avais promis monts et merveilles pour l'éternité.

Alors, alors quand la curiosité du ciel vint à apparaître sous la forme de Miel - petite fille aux yeux du monde, véritable trésor à ceux de Colline - peut-être que, sans pouvoir t'arrêter, ton rythme s'est refrénée ; mais tout cela s'était envolé aussi vite que c'était arrivé et, tout aussi surprenant que cela pouvait l'être, tu n'en avais pas été embêté.

À elle, peut-être, tu la laisserais t'écouter.

Et puis, elle était revenue et repartie encore une fois, laissant derrière elle ce dessin qui eu grâce d'un sourire qu'elle ne vit jamais. Alors, alors tu avais continué, seul avec toi-même et tes pensées, peut-être un peu moins seul qu'il n'y paraissait.

Vendredi après-midi, dans la poche de Miel se trouvait son dessin, si ce n'est que le mouton n'était plus tout à fait seul : à ses côtés se trouvait un autre mouton et, juste au dessus de lui, une petite bulle de pensée avec inscrit à l'intérieur, d'une écriture presque illisible

« Miel Devray Sonata »

C'est que la prochaine fois qu'elle t'écoutera, c'est peut-être pour elle que s'inspirera tes doigts, cherchant, trouvant, s'égarant pour une chanson qui porte son nom et, sur le piano se trouvera un deuxième dessin, qu'elle prendra ou non, tu n'en sais rien - cela n'avait pas véritablement d'importance, tu le savais bien.

et sur le dessin
un mouton qui fait des altères
comme s'il faisait des efforts
comme s'il faisait de son mieux

emojicouteau Messages : 146 Classe : C.

au piano
miel & elior

C'était le vendredi soir, sans un mot et à peine quelques esquisses fébriles d'émotions sur le visage, que je découvrais les traits du nouveau dessin qui avait hanté la poche de mon uniforme. J'avais détaillé ses courbes rapidement et avais laissé le papier dont les plis quadrillaient, de manière brouillonne, les dessins maladroits mais pleins d'une vie tendre et fragile. J'interprétais rien, parce que je préférais me laisser bercer ; mes pensées étaient trop malhabiles pour qualifier le présent que tu m'avais adressé. La seule idée qui avait hanté mon demi-sommeil cette nuit c'était que j'y retournerai avec mon crayon et mon cahier.

Et j'y suis retournée t'y écouter. Les sonorités que tu faisais naître avaient quelque chose de plus malade que la veille - ou l'avant-veille, le temps était abstrait quand on t'écoutait. J'ai cru un instant que tes mains racontaient une histoire et que l'histoire parlait de moi, mais ça devait être un mirage, parce que Miel personne ne connaît. On sait que c'est sucré mais on oublie souvent que les abeilles sont fragiles.

Assise de l'autre côté de la porte entre-ouverte j'ai fait un croquis et cette fois il ne racontait pas l'histoire d'un mouton. Le petit prince c'était pas moi, y avait ni renard ni rose, et le dessin d'après je l'avais fait de mes petites mains noircies par le fusain. Le poussin dans sa combinaison d'astronaute se sentait un peu bête dans son décor qui tenait plus de la forêt que de l'espace. Mais tu comprends, Elior, moi j'ai rien à faire ici. Je suis un astronaute en pleine mer, un poisson dans un désert.

Sur sa combinaison il est écrit héros national et dans sa main gantée trop large il tient un dessin de deux moutons qui ont l'air plutôt heureux.

La mélodie s'est arrêtée et je me suis précipitée pour ne pas te rater. Je me suis levée et ai laissé tomber la feuille à tes pieds. Je me suis sentie bête, mais pas le temps de m'excuser ; je balbutie, ramasse, te le tends, et prends la fuite.

Chaque mètre que je fais un peu plus vers toi me rend fébrile, me fait peur. J'ai l'impression d'étouffer sous un regard qui me voit.

Qui me voit.
J'ai envie de pleurer, et c'est ce que je fais, tard le soir quand j'y repense, juste avant de fermer les yeux et d'oublier.

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sans un mot

octobre // miel

Il y des fausses notes dans la mélodie et quand bien même tu voudrais les arranger, tu sais pertinemment que cela t'es impossible - tu n'avais pas la prétention de la connaître, comme tu n'avais pas la prétention de connaître qui que ce soit ; et ce constat avait quelque chose de particulièrement déprimant.

Cependant, elle ne t'étais pas pour autant inconnue et tu cherchais avant tout à exprimer la manière dont tu te la représentais à travers les touches de la panoplies des sons qui se trouvaient face à toi - et tes fausses notes ne te paraissaient plus si fausses à l'oreille, car elles faisaient partie intégrantes de ce qu'était pour toi, Miel Devray.

Un soupire et les mains qui s'arrêtent, en l'air comme en suspend et tu laisses tes prunelles passer la barrière de ton épaule pour constater l'absence de sa présence - et peut-être aurais-tu dû t'en douter. Alors, alors tu te redresses, déjà prêt à partir pour replonger dans ces instants de vie ou la solitude n'avait pas sa place, quand tu la vis, soudainement face à toi, le souffle court et un dessin qui vint voler jusqu'à tes pieds - et déconcerté, tu ne pus que tendre les mains quand elle te le tendit d'une façon plus polie avant de disparaître aussi vite qu'elle était apparue.

Le papier qui se déplie et le regard qui se pose, tu analyses son dessin avec un petit sourire aux lèvres et des sourcils interrogés - il y avait trop de façon de l'interpréter que tu ne savais pas quoi choisir ; mais dans un sens, ce n'était pas si grave, tu penses ; le fait est, que cela te faisait plaisir et si tu ne comprenais pas la profondeur de ses tracés, tu pouvais toujours les aimer.

Tu ne sais pas quand tu finis par trouver du temps libre pour glisser à nouveau un dessin dans sa poche - peu subtilement, cette fois-ci, tu le concèdes - mais c'est ce que tu fis : les deux moutons se retrouvaient maintenant tout deux sur une planète et tenant un fil qui reliait la combinaison du poussin toujours dans les astres, ils semblaient tirer tout deux vers le bas pour l'aider à redescendre - pour qu'il puisse, dans un sens, les rejoindre.

Un sourire sans une parole, mouvement des doigts comme forme d'excuse et tu t'en vas sans savoir si tu la reverras, si à nouveau elle t'écoutera, si un jour, il lui prendra l'envie

de redescendre

emojicouteau Messages : 146 Classe : C.

au piano
miel & elior

Combien de dessins avons-nous échangé ? Combien de notes ont décliné nos identités ? J'ignore si les semaines qui passent témoignent de la construction de quelque chose ou si tout ça est vain, mais plus les jours avancent et plus j'ai l'impression que je te sais, que tu me sais, et qu'on a rien besoin de plus toi et moi.

Alors Elior, aujourd'hui, le pas lent vers le piano que tu bénis de nos mélodies en secret, j'ai décidé de parler. Pas d'un mot, mais de plusieurs, et crois-moi c'est inédit, je ne suis pas sûre que ça arrivera encore. Parce que les mots me rendent un peu fragile, ils délivrent des sentiments que je ne veux donner à personne.

« Bonjour. »

Je crois bien que c'est la première fois que je te le dis. Je crois bien que c'est la première fois que je te donne ma voix.

« Je n'ai pas de dessin aujourd'hui. »

Je ne me suis jamais encombrée d'aucun tact, d'aucune fioritures, ça n'était pas mon genre les politesses inutiles, les hésitations maladroites. Mais j'ai pointé du doigt le piano.

« Je pensais donner autre chose. Je peux ? »

Je n'ai pas attendu ta réponse, et me suis installée à côté. Avec notre famille, on a appris beaucoup de choses. Papa était un homme de goût, et la musique avait toujours fait partie intégrante de nos vies. Au piano, c'était moi dont les mains étaient les plus habiles.

Et j'ai joué des notes, c'était un peu le jazz qu'on écoutait quand on était petits, c'était plein d'une âme un peu rauque comme si le piano avait trop fumé dans les bars, tard le soir. C'était le cœur de nos danses, c'était cette ambiance-là qui se dégageait de nos échanges.

J'ai arrêté de jouer, et je t'ai regardé. Cette fois je ne fuirai pas. Cette fois j'attends la réponse, immédiate. J'ai pris mon courage à deux mains, ou c'est peut-être juste que mes jambes ne répondent pas.

la french girl d'elyas Messages : 646 Classe : E

sans un mot

octobre // miel

Elle était apparue devant toi comme une hallucination de ton esprit et, à l'entente de sa voix, tu t'étais rendu compte que tout cela était bien réel alors que l'étonnement t'avait rendu muet, permettant à peine de lui répondre poliment à la salutation tandis qu'elle s'asseyait à tes côtés.

Et tu l'avais observé, avant d'y perdre le regard pour écouter chaque son qui s'échappait de sous ses doigts ; l'air perdu, tu semblais t'imprégner de ce qu'elle te délivrait et, même si la force de sa présence imposée te chamboulait et te déstabilisait ; il y avait un sentiment étrange et paradoxal d'excitation et d'apaisement - et de soulagement.

Mais à cet instant, tu n'avais pas la réponse à ce que tu ressentais - alors tu te perdais dans la musique et dans les paroles qui n'étaient pas prononcés ; tu n'avais aucune conscience de ce que délivrait ses sons, mais tu t'en faisais ta propre interprétation avant que le silence ne regagne sa place entre vous.

Et alors, à nouveau tu l'observes et en réponse, tu n'as qu'un sourire qui vint fleurir sur tes lèvres et peut-être même qu'un frisson eu l'audace de parcourir ta chair.

C'était inédit.

— Merci. souffles-tu ; parce qu'aujourd'hui encore, elle te donnait quelque chose, mais en réponse, Elior, qu'avais-tu à lui offrir ? Tu n'en avais toi-même pas la moindre idée.

Ton cœur battait si fort, que cela te faisait mal.

Et tu rigoles, mal à l'aise de toi-même.

— C'était... tu as beau chercher, tu n'as pas les bons mots pour décrire l'avalanche de sentiments qui déferlaient sur toi comme un flot inarrêtable de pensées brouillonnes. ... c'est fort. avoues-tu finalement en changeant la conjugaison tout en fuyant soudainement ses prunelles.

— Quand l'as-tu apprise ? demandes-tu finalement et, tu ne sais pas vraiment si c'est pour faire la conversation, mais la réponse semblerai peut-être t'aider à comprendre ce qu'elle t'avait offert - mais tu ne savais pas très bien, si elle y répondrait vraiment.

et heureusement que vous étiez assis

emojicouteau Messages : 146 Classe : C.

au piano
miel & elior

La musique éteinte au bout de mes doigts, je sens grandir l'angoisse quand ta voix parle de moi. J'ignore ce qui pousse mes muscles à avancer, j'ignore quelle énergie m'a traversé, mais la peur m'a rattrapée et maintenant je me sens figée, là, prise en otage par tes yeux et les questions que tu poses.

Je préférais quand on ne parlait pas.
Je préférais quand on était assez loin.
Peut-être ai-je sur-estimé mon courage. Je ne crois pas être prête à te montrer plus de Miel, aujourd'hui. Car je ne crois pas que plus de Miel soit prête à exister.

Alors je me suis levée, sans te répondre. Je t'ai regardé pendant plusieurs longues secondes.

Mes pensées font la course, et j'imagine tout ce qui doit te traverser. Peut-être que tu vas porter sur toi des formes de culpabilité insipide, peut-être que tous les événements vont se répéter dans ton imagination, retracer tout ce que tu aurais fait de travers.

Mais rassures-toi, Elior Demaury, ici c'est moi qui suis malade.

Je n'ai pas répondu, j'ai passé la porte, et je t'ai laissé dans le silence, la chanson encore en écho contre les murs immenses. Tant pis pour cette fois, je ne te dirai pas qui est Miel Devray, car elle n'a pas eu envie de respirer, elle a eu trop peur, et s'est ravisée.