RTA, un cours sans fin. Le but, entraîner son don. Je ne voulais pas y participer. Un soupir et la classe se sépara en binôme. Je me retrouvais avec Amandine. Une jeune fille un peu trop mièvre pour que je me sente moins tendu. J’avais beau protesté le résultat était le même. J’aurais à risquer la vie de quelqu’un d’autre.

A l’issue de la formation des groupes, nous éparpillâmes dans l’immense salle. Je choisis sans me rendre compte  coin gauche, pas très de loin d’une porte. Au cas où si les bouffées prenaient le dessus et qu’il était plus sage de partir. Nous voilà, tous les deux. Je le regardais droit dans les yeux, avec un rictus d’agacement. Mieux valait commencer les hostilités avant qu’elle se mette dans la tête que je suis une âme égarée à sauver. Même si cela m’arrachait le cœur.  Je raclais la gorge et cracha ses mots :

« Soyons clairs, j’ai pas du tout envie de travailler avec une mademoiselle parfaite. T’as pas besoin de moi, donc tu te débrouilles. »

Clair et net. Je pris une chose et me posait avant de m’écrouler sur la table face à la lycéenne. Je n’avais vraiment pas envie d’obtempérer. Si cette prison m’allait à merveille, ce n’était pas forcément le cas de ma camarade qui de souvenir pouvait mouvoir ses cheveux. Je me demandais distraitement si elle avait une vie autre part, des amis qu’elle avait dû quitter, une famille qui l’aimait, tout ce que j’avais perdu en devenant un monstre. L’automne s’était bien installée, si je tournais davantage la tête, peut-être que je pourrais voir les feuilles tomber aux grès de vent. Mais je gardais la méduse dans mon champ de vision, si elle se faisait plus insistante.

Pourquoi si peu d’élève était comme l’autre méduse, à chercher juste des excuses pour jouer à Pokémon ou quoique ce soit d’autre tant que ce n’était pas travailler?  En y réfléchissant davantage, une telle classe aurait déjà mené l’Académie à sa perte. Mauvaise idée. Il ne restait plus qu’à montrer le plus de résistance, au pire je prétexterais des douleurs et ma condition d’Alice limité pour être dispensé, peut-être que cela marcherait.

Tant que je n’avais plus à sentir la mort entre mes doigts.


@Amandine Feather

Comme prévu Amandine ne voulut pas me laisser tranquille. Je regardais ses cheveux osciller dans une noble danse. C’était un joli don, inoffensif et qui ne semblait pas du premier coup d’œil parsemé la mort à la moindre seconde d’inattention. Qu’il devait être agréable de ne pas être tous les jours sur le qui-vive. Je ne laissais transparaître aucune émotion dans mon regard.

Si j’aboyais suffisamment fort, aucune main viendrait si risquer.

Je la laissais déblatérer seule, portant davantage mon attention sur l’extérieur. Sa proposition de la discussion était alléchante, mais il y avait le risque qu’elle s’intéresse un peu trop à ma personne. C’était un pari risqué, et il semblait que l’ignorer tout le cours la rendrait de plus en plus insistante. Je commençais à avoir l’instinct de ce genre de chose avec les années. Je me redressai, la fixant d’un œil mauvais. Je raclais la gorge et je finis par siffler avec hostilité :

« Je crois que t’as pas compris le principe de se débrouiller seule. Tu sais vraiment pas ce que j’ai fait hein ? T’as vraiment envie de perdre un bras en moins c’est ça ?»

Commençons par une menace classique. Je voulais juste lui faire comprendre que je n’avais aucune intention de coopérer. Bien sûr cela m’attristait d’être méchant avec elle, alors qu’elle voulait me trouver une alternative à cette torture. Me remémorer la scène broyait mon cœur. Un contact malencontreux, une main vidée de son eau qui ne pouvait être sauvée. Ce regard rempli d’effroi, une autre victime de malédiction. A cette époque j’avais encore un peu d’espoir que tout s’arrange. Je devais avoir dix ans je crois. Tant de naïveté qui avait tant coûté.

L’espoir n’était pas pour les monstres.

Je me laissais alors couler davantage sur ma chaise, marquant la pause quelques instant.  Je fixais le plafond, soupirant et fit mine de lâcher un peu de lestes. Juste la bonne dose pour qu’elle croie que je lui faisais une petite fleur. Juste pour garder la bonne distance.

«Supposons un instant que j’ai un Alice puissant, tu crois qu’avec ton pouvoir de pacotille tu vas m’apprendre quelque chose ? Tu vas me dire que par le pouvoir de l’amour ou une autre niaiserie on peut tout faire ? Si c’est ça passe ton chemin Miss parfaite.»

Il fallait juste perdre plus de temps, toujours plus. Je n'attendrais que le bruit de la cloche. Bientôt les cours se terminerait même si ce serait les deux heures les plus longues de la journée. Ensuite je pourrais retourner dans ma pesante solitude?


@Amandine Feather