leonard est tout à fait disgracieux. il se mue dans une danse saccadée dénuée d'une quelconque finesse, la transe est horripilante tant il semble captivé par ses propres mouvements. alors voilà. dans ce bazar où il paraît tout-à-fait en son élément, leonard en a oublié le regard meurtrier de l'en-dehors. dans cette valse qui n'a peu de sens même pour lui-même (on ne réfléchit pas vraiment à seize ans, du moins quand on s'avère être lui) il s'est permis de l'oubli d'une hiérarchie à vie, et que son avenir repose sur son nom.

ce nom, il ne l'a pas vraiment hérité - disons qu'on lui a cédé. le plus légitime propriétaire est une ombre aux fils d'or et aux mains blanchies par le contact avec le papier, un reflet qu'il abhorre. son mépris s'est forgé aux traits qu'il refuse depuis six ans de voir, et il se complaît à haïr chez les autres tout ce qui le mène à maximilien.
ce n'est pas tant l'être qui le répugne, ni même ses gestes ou ses faits, c'est plutôt l'ensemble qu'il s'efforce à représenter. leonard ne veut pas de la douleur de la séparation, si elle doit se faire.
alors il l'a programmé oui, il y a bien longtemps - ce qui est terrible c'est qu'il se rappelle des mots comme s'il les avait appris par coeur et sait publiquement que toi de même.

alors quoi ?

qu'est-ce qui le mène à cesser sa révolte ? qu'est-ce qui a refait poser son doigt sur toi, sans aucune gentillesse tangible non - mais sans agressivité pour autant ? sûrement la crainte du futur qu'il ne visionnait pas jusqu'ici.
il a suffit d'une question.
et plus tard..? et plus tard quoi ? n'est-ce donc pas lui, qui a fait voeu naïf d'une vie indépendante du temps ? il a tué un peu de sa petite flamme qui crie, en formulant dans sa tête l'éventualité du rien.
si tu te décides odieux, il doit se plier pour convenir un tant soi peu : mais c'est trop douloureux de flancher son ego. alors il tente l'approche neutre, le tapotement du terrain, petit pas par petit pas. il s'avance dans la bibliothèque. il t'a cherché partout car il ne sait pas où il peut te trouver - il ne connaît ni tes goûts, ni tes habitudes.
tu es comme un parfait étranger non par le sang, mais par l'esprit.

il t'aperçoit dans les rangées et s'avance sans hésiter. yo ! ça sonne pas juste mais il s'en fout. c'est ainsi, peu importe si c'est étrange - la relation l'est irrémédiablement. est-ce que ça va ? je peux pas t'expliquer pourquoi je te reparle mais c'est important que tu vois que je suis pas qu'un petit con, ok ? il ne sourit pas, il veut juste ne pas avoir à mettre des lames dans sa manche en prévision de grands dangers.

il est d'une délicatesse. c'est un fait global et immuable, maximilien ressemble aux fleurs qui s'apprêtent à faner. dans ce manque de vie et cette façon de se mouvoir et même de respirer, leonard interprète une immense tristesse, un grand vide où il pourrait sauter - mais il a peur des hauteurs comme il a peur de son frère.
c'est étrange tout cela.
sa voix lui semble étrangère tandis que ses mots sont toujours les mêmes, ça tend son coeur et ses sentiments contradictoires - il déteste cette crainte de lui faire face. il déteste le fait d'avoir dû lui dire sincèrement sa raison de sa venue et n'aimerait ne pas s'attarder face à cette silhouette malingre de vie.

du moins il lui semble parce que de nombreuses choses lui indiquent le contraire, comme son engagement dans le club de volley ou bien ses notes qui relèvent du prodige. quelle obstination à le mépriser alors qu'il devrait l'admirer ! sûrement est-ce simple de virer de l'un à autre sous le poids croulant de la pression, et peut-être qu'il refusait de se savoir moins illuminé. il se rend bien compte que ça ne le rend pas légitime mais il se persuade que si maximilien aurait aimé que ça se passe autrement, il aurait fait en sorte qu'ils se réconcilient bien plus tôt.
non leonard ne cherche pas la paix mais la certitude d'une future tranquillité s'il faut penser à plus tard. ça ne t'énerve pas que je vienne te voir comme ça ? tant mieux, mais ça l'étonne. il a oublié les mécanismes du prince. sa voix est presque timide puisque chuchotée. il ne bouge pas et laisse son regard glisser sur tous les nouveaux détails, ça fait longtemps qu'il n'a pas pris la peine d'observer en détail maximilien. ses traits se sont raffermis et l'enfance s'envole peu à peu. il semble irréel, immaculé dans sa blondeur la plus pure. oui c'est ça. tu vas dire quoi sur moi à tes parents quand on sortira ? parce qu'il partira sûrement avant et qu'il ne peut pas se permettre d'être condamné à peine sorti d'une prison dorée.