where everything stays ;; blanche + ivy

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where everything stays ;; blanche + ivy

les naïvetés primaires subsistent même après leur entrée au collège. Ivy songe parfois, à ces choses provenant d’un passé pas si lointain. Les jours passés à l’ombre d’arbres différents, maman jamais très loin et un silence pesant sur ses épaules - en rien comparable avec le silence rare de ces lieux. L’académie on s’y fait vite, pour ivy peut être plus vite que les autres mais le résultat est là. Le calme est entre ces arbres, entre les traces de pas des autres enfants - qui avancent à grand comme à petit pas sur un même chemin ; celui d’un futur qui n’attend rien.
ivy ne s’imaginait pas grandir, elle ne se voyait pas changer et pourtant elle était capable de dire qu’elle allait un peu mieux chaque jour - sans se l’expliquer. Loin des mots compliqués qu’elle s’efforçait d’apprendre - ses pensées étaient simplifiées, noyées dans une innocence relative ; celle qui se veut ignorante des problèmes des grands.

elle se tord, s’enroule sur son banc - les yeux imprimés dans le bleu du ciel. quelque chose attire son regard de l’autre côté, là où les arbres l’appellent. Elle s’approche, tel un animal à peine menaçant dans l’ombre de la verdure qui finit par la recouvrir - ah, en fait c’était rien. les pensées qui se perdent aussi vite que les feuilles tombent à cette période de l’année.
d’un pas peu pressé ivy se dirige vers sa place auto attribuée ; elle aimerait redécouvrir son banc comme elle l’avait laissé mais une silhouette, dos à elle, s’en est emparé. elle reste figée dans l’ombre quelques minutes le temps de prendre son télescope invisible en main ; ses doigts forment un rond autour de sa pupille qui fait mine de s’aiguiser à la vue de cette silhouette familière. oh mais c’est elle ! elle dont le nom lui échappe encore - ivy a du mal, même après cinq années passées sous ces toits, on s’habitue difficilement aux nouveaux arrivants (du moins dans un premier temps), toujours plus de visages à compter. ivy porte cependant un regard des plus compatissant envers ces nouveaux arrivants - enfants qui comme elle ont dû franchir ce portail. La crainte dans le fond des yeux, les questions qui s'emmêlent et de la curiosité - la même dont elle fait preuve envers ses nouveaux camarades, même si ivy se retient beaucoup de les approcher (son alice ne lui permet pas).

elle, est arrivée il n’y a pas si longtemps. elle est avec elle en cours, elles ignorent surement tout l’une de l’autre et ivy souhaite plus que tout, mettre fin à cette situation. Sortie de l’ombre soudainement au rythme d’un « bouh ! » ni trop fort ni trop effacé dans le vent. ivy ne perd pas de temps et ne se garde pas cachée dans le dos de sa nouvelle camarade - escaladant l’arrière du banc pour s’y déposer - enfin assise normalement, le sourire aux lèvres et ses mots lancés. « c’est comment ton prénom déjà ? on est dans la même classe non ? moi c’est ivy. » une flamme vient de s’allumer dans ses yeux. C’est le feu insatiable de la curiosité, celui qui a mille questions sur le bout de la langue et qui se retient de les poser par soucis de politesse. elle ne voudrait pas l’intimider, ni la faire partir de ce banc - loin de là.
« si tu as besoin de quelque chose, tu peux venir me voir. c’est pas facile les premiers jours ici… ni les premières semaines… ni les premiers mois. » ivy se lançait régulièrement dans des déclarations soudaines - de bonne foi. Ces mots loin d’être sortis par politesse appartenaient désormais à sa camarade que ivy se contentait de fixer, son sourire toujours présent - à se demander si ses intentions pures seraient perçues.

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Elle tenait entre ses doigts maigrelets les vestiges froissés d’une lettre de sa tendre matriarche. Le papier semblait déjà jaunir, nécrosé par quelques larmes que Blanche avait invraisemblablement versées, sans en comprendre la nature - d’un clin de l’oeil elle s’était mise à déverser un infime torrent contre l’encre sombre de sa plume, ses épaules agitées d’incompréhensibles sanglots. La tristesse qu’elle ressentait alors n’avait pas de nom et, dans sa quête d’en déchiffrer la cause, petite Lefebvre s’était égarée dans le parc, avide des plantes qui ravivaient ses souvenirs.
Le manoir lui manquait tant qu’elle s’en roulait en boule, dans le creux de la nuit. Ses petits pas hagards l’avaient guidé jusqu’aux abords d’un banc et, déconfite, Blanche s’y était installée.

Elle relisait la lettre (ou, du moins, ce qu’il en restait - des ordres, rien de plus) quand, à son dos vulnérable, tu surgis. L’apostrophe arracha à sa gorge juvénile un cri incontrôlé et sa voix, si peu habituée à s’élever sur de telles octaves, se craquela en un gémissement étranglé ; son coeur, lui, semblait vouloir s’échapper de sa poitrine. L’inexplicable sentiment qui s’empara d’elle avait des saveurs d’un traumatisme passé, quand autour de son poignet d’apatrides doigts s’étaient enroulés - quand le sourire du prédateur revint dans son crâne, c’était au tien qu’elle accrocha ses yeux. Moi c’est Ivy.

Les palpitations de son sang dans ses veines tiraient de petits tremblements misérables à ses mains et pourtant un rire mort-né se risqua à grimper le long de son larynx, ravalé en trombe dans un déglutit embarrassé. Blanche. Je m’appelle Blanche. L’accent sur sa langue faisait fleurir sur ses joues de penauds coquelicots, mais elle se risquait à un anglais mesuré.

Tu poursuivis et l’enfant s’agrippa au moindre de tes mots, la candeur de ses yeux dévorant les traits de ton visage. D’accord. Merci.. Je crois que j’ai besoin de beaucoup de choses. Elle pourlécha ses lèvres nerveusement et, fourrant la lettre dans son sac, en profita pour en extirper un carnet, dans lequel elle avait inscrit ses plus pressantes questions. Je ne suis jamais… Sortie de chez moi. Je ne sais pas ce que je fais ici. On m’a dit- on m’a dit que c’était pour la chance que j’apporte aux autres. Mais j’ai peur que mes parents m’aient.. Laissée.

Sourcils froncés de souci, elle lut la première phrase. Qu’est-ce que cette école ? Mère me disait que les écoles n’étaient pas faites pour moi, parce que j’étais trop spéciale. Pourtant, je suis ici. Pourquoi ? Et toi, pourquoi es-tu là, Ivy ? Elle avait peur, sans doute.

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son regard accroché à ses lèvres, épiant les mots du coin de l’oeil. ses pieds s’agitant dans le vide peuvent donner la fausse impression d’une intention de s’en aller partir loin d’ici c’est ce que beaucoup de gens veulent. Les rêves des enfants effacés - ivy ne songe pas comme les autres, elle est sur un autre prisme de pensée, difficile à lire parfois. En tout cas, elle ne compte pas s’en aller ni se détourner de la discussion qu’elle a elle même engagée. ivy compte rester sans compter les années qui sont encore devant elle, les secondes passent déjà - à des années lumières de sa perception - elle qui ne retient que les mots de Blanche, son nom sur le bout de la langue, prête à le répéter mainte et mainte fois sans se lasser. Elle pourrait même passer du temps à s'entraîner, histoire d’être sûre de ne rien écorcher à son nom - dont la sonorité est encore inusuelle à ses oreilles.
Mais ivy n’a pas de temps à accorder aux répétitions ; pas dans l’instant présent où Blanche a besoin d’elle. Ses yeux se penchent sur les mots de son carnet sans vraiment les lire ; sa curiosité réellement renforcée par l'envie de connaître Blanche dont elle ne sait rien, mais elle reste sûre d'une chose.

« tu es dans une école spéciale, c’est pour ça que tu es là. Et moi aussi je le suis- en fait on l’est tous. » infusant autant d'enthousiasme que possible à ses mots, ivy est la bonne personne à interroger pour obtenir la version la plus ensoleillée des choses - celle dont l’optimisme dépasse certains. « on t’as dit que tu portes chance ? tu dois avoir un chouette alice alors ! » ses mains sont jointes et dans ses yeux naissent les prémices d’un désir, celui qui souhaite en savoir plus (celui qui aurait souhaité avoir plus - du moins tout sauf ça). ivy a conscience du fait qu’elle ne fait pas partie des roses qui brillent par leur beauté, mais plutôt celles dont on se heurte aux bords corsés.
ces maux là, elle tente de les balayer sous des jours toujours plus ensoleillés. « tout le monde en a un ici. Certains sont moins cool que d’autres mais… on est tous ici pour apprendre à contrôler ça. » ses mains bien gardées près de son corps pour éviter de déborder, elle se contente de fixer Blanche du coin de l’oeil, son sourire toujours affirmé.

« en tout cas je suis certaine que tes parents ne t’ont pas abandonnée. Ils t’attendent dehors, c’est sûr. » remplie de ses convictions motivées par un instinct ; ivy manque de preuves, de vérités mais elle en trouve et en recherche sans s’arrêter - au fond de son coeur là où la raison de tait.
ivy laisse retomber son affirmation dans l’air comme on laisse un soupir s’effacer. Le temps finira bien par emporter ses pensées alors elle se dit que le moment est bien choisi pour de demander à voix haute : « au fait tu sais ce que c’est ton alice, Blanche ? » la curiosité mordante bien qu’elle n’aie pas vraiment envie de se frotter à son propre alice - la vraie raison du pourquoi elle se tient là et pas ailleurs.

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where everything stays

Une école spéciale. Les mots résonnaient dans son esprit, glas auquel elle se résignait d’un soupir mesuré. Sûrement qu’elle n’avait été capable d’aimer suffisamment, et les ultimes sentences de sa matriarche paraissaient tatouées à l’intérieur de ses paupières, psalmodiés dans l’inlassable silence qui l’entourait d’ordinaire.
Avec toi, elle se surprenait déjà à les oublier.

Oui. Je porte chance, j’ai rendu des gens heureux. Et pour toute récompense, l’exil. Un alice ? Son nez se fronça d’une incompréhension désagréable - le précepte lui paraissait ridicule, et Blanche jurait que l’une des amies de sa mère portait ce nom. Alice c’est un prénom, en France. Ici, c’est un mot qui me qualifie. Je n’aime pas cet endroit. Plus que l’académie, c’était la langue qui la frustrait ; des années à parfaire son français, pour qu’on la forçât dans une nouvelle culture. L’anglais avait un goût désagréable sur sa langue.

Ils t’attendent dehors, c’est sûr. Oh, sans doute - ils attendaient qu’elle leur revînt, qu’elle reprît sa place sur son trône de verre. Il n’y avait que la ruine à son horizon et, condamnée à retrouver son enclos, la brebis se chargeait d’une profonde inspiration. Je ne suis pas sûre de vouloir rentrer. C’était une confession, chuchotée du bout de ses lèvres impies. Mais je ne veux pas rester non plus. C’est une mauvaise situation. Plus que de se confier, elle laissait simplement ses pensées dégouliner du fond de sa gorge ; ses yeux plongèrent dans les tiens, le sourcil arqué d’inquisition à ton ultime question.

Je ne sais pas. Je crois que je suis un porte-bonheur. Père m’appelait ainsi, lorsqu’il parlait à ses amis. Ses amis qui s’échouaient à son chevet, qui la priaient de leur apporter fortune et bonheur. Qui complimentaient la pâleur de ses cheveux, le rose de son teint ; qui chantaient les louanges de sa diction et de ses prouesses. Mais je ne suis pas sûre. Je pense- je pense que je ne sais rien, à vrai dire. Ses doigts serrèrent le carnet d’une nerveuse impulsion, la tentative d’un sourire ourlant la commissure de ses lèvres. Parle-moi de toi, Ivy. J’aimerais qu’on soit amies - je n’en ai eu qu’un, et il m’a quittée.
Doucereuse ironie - pour toute la chance qu’elle cédait, Blanche semblait incapable de s’en accaparer les vestiges. Quel.. Quel alice, tenta-t-elle, as-tu ?

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Blanche dans tout son être et même en son nom lui évoque une certaine fragilité. Blanc comme neige, fragile qui se brise au moindre pas. Elle a les yeux chargés d’un poid que Ivy ne connaît pas. Elle se contente de conserver son regard attentif, celui qui essaye de compatir au mieux et qui s’efforce de capter les désirs des autres enfants amenés en ces lieux.
Ivy peut se faire à l’idée que l’on puisse haïr ce jardin d’eden cloîtré. Mais elle comprend encore mieux ces mots qui disent je ne suis pas sûre de vouloir rentrer - car elle non plus, ne veut pas mettre un pied dehors de peur d’être enchaînée à quelque chose de plus lourd encore que cet endroit. Elle a simplement évoqué la possibilité d’une famille à retrouver - le genre de pensée qui plaît à la plupart des enfants ici - cela dit, Blanche n’est peut être pas comme les autres. Peut être est elle plus comme elle c’est ce que Ivy pense, le visage inspiré par ses mots - laissant de dessiner un espoir, des envies. Car dans le fond Ivy sait qu’elle demeure tristement différente, antithèse d’un porte bonheur qu’elle ne sera jamais.

Enfin, Blanche vient lui confier ses propres souhaits. Ivy connaissant sa mission se sent aussitôt redevable mais enthousiaste à l’idée d’endosser ce rôle d’amie tant le mot pendu à ses lèvres douces réchauffe son coeur. Son sourire semble s’agrandir tandis que Blanche vient trancher par son ultime question, celle qu’elle aurait aimé retarder encore quelques temps mais personne ne fait marche arrière, pas même Ivy. « ah, eh bien je... » hésitante, comment expliquer ? « je ne peux pas te le montrer mais j’ai des épines qui apparaissent sur mon corps quand on le touche. » ses mains s'emmêlent sous son regard inquiet. « j’aimerai bien faire en sorte que ça n’arrive pas mais pour l’instant… tu ne dois pas trop m’approcher. » le coeur serré à l’idée de se priver de certains aspects de l’amitié, mais Ivy n’a pas d’autre choix. Elle espère que Blanche l’aime toujours - le mot est fort - qu’elle n’a pas envie de la fuir car chez Ivy se dessine déjà un attrait pour sa présence, elle aimerait la garder près d’elle sans la blesser.
« par contre on pourra faire plein d’autres choses que les amies font comme heu… je sais pas tout ce que tu veux tant que ça n’implique pas d’être touché par surprise ou par accident- » elle cesse un instant pour éviter de penser aux pires scénarios. Elle aimerait voir de belles choses se profiler à l’horizon de ses années à passer avec Blanche mais elle ne se laisse pas le temps de les imaginer. « on pourra faire le tour de l’académie. » et le tour du monde, une fois sorties d’ici.