casque sur les oreilles, tu pensais être en paix pour la soirée, tu avais travaillé tes cours, pris le temps d'écouter un peu de musique et la main dans un sachet de mélange sucré tu semblais déterminée à rentrer dans cette petite bulle protectrice qui se formait autour de toi lors de tes lectures. tu voulais y rentrer, t'y enfermer pour imaginer le temps d'un instant que les mots étaient réalité, qu'ils n'étaient pas juste une simple description mais la réalité, ta nouvelle réalité éphémère.

et l'on vint fissurer cette bulle avant de venir l'éclater en mille morceaux sans aucun état d'âme. fermant le livre avec un claquement sec, n'oubliant pas le juron volontairement audible qui s'était échappé en un grognement, tu avais juste enfilé un gilet pour cacher tes épaules alors que tu portais ton débardeur habituel et tes bas de pyjama bien trop grand pour toi. la porte finalement ouverte, te voila en face de ace avec ton casque encore sur les oreilles et la mine très peu réjouie, tu forçais même un peu la mauvaise humeur alors que tu le laissais te tendre son téléphone, si l'on pouvait encore appeler ça comme ça.

- « ackerleeeey ! mais quel plaisir de te voir à ma porte en pleine nuit avec ce sourire si désagréable et cette politesse arrachée à un cadavre. »

pas un seul sourire pour marquer l'ironie de tes mots, pas un seul geste, tu étais juste la, à tenir la poignée de ta porte alors que ton autre main venait remonter ton pantalon de pyjama qui semblait vouloir glisser. dans un soupir tu retires finalement le casque de tes oreilles avant de croiser tes bras sur ta poitrine, tentant de paraître plus imposante que tu ne l'étais réellement.

- « il te manque des mots dans ta phrase, j'ai pas compris ce que tu voulais. »

te voila à vouloir jouer à la casse-pied de service avec lui, tu savais que ça ne servait à rien mais au moins cela te soulageait et te servait te vengeance, en quelque sorte. tu avais ce petit sourire faussement innocent sur les lèvres comme pour définitivement rentrer dans ce jeu stupide que tu aimais lancer dès que tu n'étais pas spécialement ravie de la situation.

qu'essayait-il de faire au juste ? te demander un service ou juste te descendre gratuitement sur ton existence entière ? tu l'ignorais mais en tout cas il avait une drôle de manière d'attendre que tu lui fasse une faveur. silencieuse, tu ne rajoutes rien à sa remarque, tu n'en étais pas moins agacée, la mine un peu plus sombre tu tentais de canaliser tous les noms d'oiseaux qui venaient à tes lèvres maintenues fermées avec une certaine difficulté.

et finalement, le pompon. il te file cinquante rabbit si tu lui fiches la paix. un premier temps perplexe et finalement, c'en était trop, tu éclates de rire sous son nez en éxagérant un peu tes manières. après tout, il avait commencé les hostilités, tu avais bien l'intention de les poursuivre. au moins il aura une réelle raison de te traiter d'enfant à portée de main. tu respires, calmant ton palpitant et essuyant les quelques larmes que ton rire soudain avait provoqué et tu reviens alors à fixer ses deux billes qui lui servaient d'yeux, la mine presque outrée par tant de culot.

- « tu veux que JE te laisse tranquille ? »

tu agites tes mains, tentant de comprendre, abusant clairement sur tes manières comme pour lui montrer l'absurdité de sa demande. eurêka !

- « j'crois que c'est plutôt toi qui es venu m'emmerder, ace. »

fausse illumination soudaine, tu remontes encore une fois ton pantalon, retrousse ensuite les manches de ton gilet avant de croiser de nouveau tes bras en laissant ton corps s'écraser contre le cadre de la porte.

- « cinquante c'est pas assez pour le coup et tu fais que aggraver ton cas à chaque fois. bientôt ça te coûtera moins cher d'aller en acheter un neuf, qui l'eut cru. »

haussement d'épaule, sourcils qui s'agitent comme pour placer une énième provocation, tu n'avais pas l'intention de lui céder aussi facilement la chose. son esquimau de smartphone il pouvait bien se le garder cette fois-ci. tu aurais même déjà du lui claquer la porte au nez à ce stade.

- « ou alors tu gardes le reste de ton argent pour te prendre des cours de politesse ? j'suis sûr y'a moyen de trouver un bouquin sur "comment demander un service sans être un connard" pour ton budget. »

un regard supplémentaire vers lui et finalement tu viens jouer avec tes doigts puis tes ongles dont le vernis commençait à progressivement s'écailler.

tu l'écoute s'expliquer et cette fois-ci tu trouvais ça étrangement plus agréable. comme quoi, lorsqu'il y mettait un peu du sien, il pouvait s'en sortir comme un grand. tu voulais faire une remarque pour le piquer un peu à ce sujet mais après quelques secondes de réflexion, tu te disais que ça n'était clairement pas l'idée du siècle. l'énerver alors qu'il daignait mettre un peu sa fierté de côté c'était mettre de l'huile sur le feu.

un sourire espiègle s'étire alors qu'il insiste sur la formule magique, ne cachant pas ta fierté quand au fait d'avoir réussi à lui arracher ces mots tends la main pour qu'il te donne son...icerberg qui commençait à fondre progressivement. dans l'état, tu ne pourrais pas le réparer, il fallait virer tout ce qui l'entourait. voila pourquoi tu détestais quand il venait, c'est jamais aussi simple qu'avec les autres, non. il faut que "môsieur" congèle son truc.

- « tu vois quand tu v- »

que venait-il de dire, là, à l'instant ? tu restes là, à le fixer la bouche ouverte alors que tu semblait chercher désespérément à comprendre ce qu'il venait de dire et à quel moment ça a pu en venir là. le divorce. est-ce qu'il s'était cru dans un livre de anastasia ou quoi ? tu prends une profonde inspiration, raclant ta gorge pour chasser une confusion peu éloignée de la gêne qui venait de s'installer dans le creux de cette dernière.

- « le divorce. carrément. je me souviens pas que tu m'aies passé la bague au doigt pourtant. »

ton sourire revient alors en grande pompe avec cette lueur de malice dans les yeux alors que tu montre ton doigt dénué de bijoux.

- « gros radin. même pas foutu de m'offrir une alliance. »

énième taquinerie, tu finis par enfin daigner te bouger vers ton meuble de rangement, là où il y avait au moins un sèche-cheveux qui t'aiderait à faire disparaître ce qui restait de glace autour de son appareil, tu avais même poussé un peu la porte, l'invitant presque à rentrer pour ne pas attendre comme un idiot sur le pas de ta porte.