Les origines ne furent pas acteur de la sculpture de ton entité, ni rien d'autre, d'ailleurs. De cette histoire fade à la terne relation avec une famille qui n'était pas vraiment la tienne, tu n'en gardais qu'un vague souvenir.
Pas de douleur, pas de manque.
Encore trop jeune lorsque tes parents t'avaient confié—un nourrisson incapable de conscience—tu avais rejoint les bras de ton oncle, séparé de ces géniteurs qui ne voulait que ton bien. Funambules sur le maigre équilibre de leur commerce local, tes parents ne pouvaient se permettre de suivre l’Exode familial jusqu'en Irlande. Faute de mieux, il leur avait fallu faire des sacrifices.
Ton oncle et ta tante t'élèveraient, comme leur propre fils.
Ou plutôt, ils élèveraient leur fils comme toi—car lui vint après.

Liu portait les empreintes du parfait petit garçon, et toute la bienveillance que son être retranscrivait avec un effrayant naturel te poussa rapidement à la distance. Entité libre, terriblement effrayé par la proximité d'une si avenante compagnie, la béante différence entre vos personnalités marqua l'ébauche de tes débauches.

Promenades à toutes heures, évasions éparses;
Insolente chronique sous couvert de charme.
Les notes suivaient, à l'occasion,
Mais toi, à l'inverse, personne ne pouvait te suivre.

La barrière linguistique n'adopta pas même le titre d'obstacle, tant ta sociabilité écrasait l'écart culturel—et l'apprentissage des coutumes se fit presque trop naturellement. Entre chinois et anglais, tu jouais de cette dualité comme un Joker pour tes inqualifiables écarts : tes notes instables et une assiduité discutable furent le fer de lance de ton comportement. Ce fut à l'issue de quelques années que sans préavis, les professeurs abandonnèrent l'idée d'améliorer ton cas.

Enfant à problème.
Comprenait-il seulement ce qu'on lui disait ?
Avait-il conscience des us et coutumes ?

Une frustration superposée de racisme, les murmures en crescendo couvrant le silence de tes pensées évasives comme une toxicité ascendante—et pour toute réponse, tu te fermais au monde.
Car le monde ne te méritait pas.

Tu avais neuf ans lorsque tu fis ton entrée à l'académie. Pour sa nature particulière, ton Alice n'était pas aisée à justifier auprès de tes proches mais la dangerosité qu'il représentait poussa tes parents à accepter la situation, en dépit de tes protestations.
Là-bas, ta liberté semblait mise en péril.
Mais là-bas, plus que tout, ta scolarité fut mise en péril.

Ton entrée à l'académie fut probablement l'un des pires regrets du personnel engagé. Neuf ans que tu arpentais l'école, les plus anciens n'avaient probablement jamais connu de garnement aussi dissipé. Tu avais beau être charmant, tes élégantes manières ne suffisaient pas à éluder tes âneries—et très vite, ta réputation se forgea.

Inaccessible. Trouble-fête.
Fêtard, néanmoins—mais peu fréquentable.

Qu'ils parlent, tous.
Au fil des ans, tu étais resté le même et l'école te plaisait davantage,
Immense terrain de jeu pour tes désirs inchangés;
Qu'ils se moquent, tous.
Imperméable au monde, tu vivais d'un imprédictible quotidien.
Qu'ils t'envient, tous.
Car à toi,
La liberté te tend les bras !