l'odeur du sang sur les talons décidément, où que l'on aille ça sentait la mort - toute cette dynastie en décomposition -
les rues de la basse-ville putrides d'où l'on vient
les sombres entrailles du palais où l'on termine ;
poignets noués on n'a plus aucune raison
de danser.
au fond des cachots il s'était dit
tant pis, c'était toute une vie vouée à l'échec. un mécène pour père adoptif, s'était efforcé de sortir les enfants qu'on était de la misère, et on y retournait quand même. ses frères et sœurs l'avaient pourtant prévenu, dissuadé de se mêler aux éventails du palais - ils acceptaient le fait qu'on était la lie de la société et qu'il fallait s'en contenter - mais c'est l'empereur qui avait raison
on était un idiot
car il n'y a que les idiots
qui songent à se venger.
une urgence de rire aux éclats, de faire ricocher la voix sur les dalles et tous les murs de pierre glaciale, mais rien que sourire fait mal. quelle ironie. que leur père s'efforce de calmer son effronterie, qu'il apprenne à divertir joliment l'élite de ce pays,
tout ça pour que ce soit une œillade revêche
qui le fasse terminer ici.
il voyait les lampions rouges en double et puis en triple, regardait trouble l'architecture or et vermeil tandis que les autorités revinrent pour le traîner à sa perte - songea alors qu'au moins il aurait connu le privilège d'être malmené et saigné dans le plus grandiose des décors.
et c'est dans un bruit sourd que les genoux heurtent le sol tout à coup - c'était la prise des gardes à ses bras qui le maintenaient debout jusqu'à lors - tout le corps se voûte, sans qu'on aie à lui réclamer des révérences.
agenouillé là sans savoir où, le front effleurait presque le sol et il entendit les pas des tortionnaires s'éloigner. il avait presque envie de poser les lèvres sur le parquet de bois, tant il n'en avait jamais vu d'aussi somptueux - et puis
sonne comme un glas
la voix du tyran.
électrise l'échine, fait rouvrir les yeux, car au creux d'eux, il y a une lueur d'espoir. le voir de plus près, c'est tout ce qu'on voulait
et même si les mains étaient menottés
Min-jun n'avait jamais été aussi proche
de pouvoir les porter à la gorge du roi.
il se redresse alors, avec une lenteur éprouvante, et puisqu'on lui avait parlé, il fallait répondre. la gorge sèche, un goût métallique sur le palais, il passe la langue sur les lèvres où avait séché le sang qui cascadait du nez tout à l'heure
avant de baisser humblement la tête.
mon Seigneur, je vous prie d'être clément.
bien que ce soit un trait dont vous êtes dénué
mais ça on le tait -
je ne voulais pas vous manquer de respect - simplement que je pensais que vous ne regardiez jamais les danseurs de la cour...
au lever les regards, à demi-clos innocents pour de faux,
et malgré toute l'attitude rampante de gratitude -
il y avait une pointe de sarcasme dans la voix éraillée.
... j'espère que le spectacle vous a plu.
ponctué d'un sourire ébréché - qu'il s'avance
même si c'était pour trancher le cou
on aurait alors le sien à portée.