on reste comme ça, on est bien,
dis moi juste si on se voit demain

Le plan tombe à l’eau et l’eau tombe sur le plan en fines gouttelettes. Amadeus finalement avait réussit à capturer Mozart, la note sur la bouche, do ré mi et fa lorsque son cœur bat la mesure. Il ne sait pas réellement ce qui a convaincu l’autre. Ils n’ont pas réellement parlé ou bien ont échangés quelques magazines, des fragments du dehors, des tissus passant sur leurs doigts comme des serpentines.

On peut rester là un instant, le temps que ça se calme ?

Il tente, nerveusement. Il n’y verra rien, il sait. Mais sa voix s’envole et bientôt, il ne saurait quoi lui dire. Vous avez toujours été comparé d’une manière ou d’une autre et il en a toujours entendu parler : Mozart le beau, toi, Amadeus, lié qui êtes-vous ? Si vos noms se complètent vos passions, se touche et un jour, vous en avez parlé, comme ça. Ici, tout fini par se savoir, sans aucun doute.

Je suis désolé, je ne pensais pas que ça se finirait comme ça.

Mais ça venait à peine de commencer. Alors, Amadeus, pris au cœur pas sa gêne, laisse ses mains se cacher dans les poches de son pantalon. Mozart est comme tous, beau. Amadeus ne sait vraiment faire la différence. Mais Mozart possède ce qu’il n’a jamais su avoir. Mozart s’habille comme s’il ne pensait pas au reste – et lui, il sent encore leurs regards brûler. Mozart, le cou serré, le cuir et les pics d’argent qui percent la poitrine. Le sang se verse et il ne sait où poser les pieds – les yeux. Les échanges donnés ici et avant le bercent. Il n’a que rarement entendu sa voix, comme s’il cherchait à te la dissimuler cependant, elle ne fuit pas. Quelque chose dans l’air lui a sans doute confirmé les ressemblances prêtes à vous libérer. Mais ici, Amadeus est prisonnier. Nul part où partir.
Vous aviez prévu de vous balader enfin dans le cadre d’un faux extérieur qu’on vous autorise. Amadeus s’est toujours demandé si la ville était réelle, si derrière les montagnes, il n’y avait plus rien, si encore, les paysages dont il ne se souvient plus très bien n’étaient pas que le bruit de ses chimères enfantines. Oui, vous aviez prévu de vous balader, et à peine arrivé vous voilà bloqué par la pluie battante, les poings en dehors, personne ne passera sur le ring. Et vous auriez pu courir, vous en foutre, vous laissez porter. Aucun parapluie à portée pour ceux voulant s’en protéger.

Mon père me disait qu’il y avait des sirènes dans la pluie qui venaient chercher les enfants s’aventurant là-dessous.

Il souffle lorsque finalement le résident de sa poitrine menace de ne plus payer le loyer. Sans doute, a-t-il oublié l’abandon ou sans doute n’y a-t-il plus raison d’en parler. Ils n’en parlent jamais, c’est son impression. Amadeus ose seulement glisser ses yeux vers son compagnon. Il ne sait pas réellement s’il oserait se perdre sous la pluie avec lui comme s’ils pouvaient attendre le bus comme de grands enfants, les pieds dans les flaques. L’idée même lui paraît romantique, mais il n’en dit mot.

on reste comme ça, on est bien,
dis moi juste si on se voit demain

La candeur de la réponse siffle à tes oreilles et ton cœur marque un arrête : home run lorsque la balle s’évanouit au loin. L’enfance est partie, impossible pour vous de la rattraper. D’habitude sans doute, la remarque t’aurait attristé, mais ici, il y a plus et tu te contentes de rétorquer :

J’sais pas, ça fait longtemps que je ne me considère plus comme un enfant.

Ils ne leur restaient que leurs derniers obstacles à franchir à Mozart comme à sa suite Amadeus. Le premier plus loin dans la course que le premier : un an d’écart, un an de trop. La seule peine de voir ses ainés s’en aller fendait le cœur d’Amadeus, tordait ses sentiments comme pour tout essorer : il resterait sec sans rien à ressentir. Mais d’un autre côté, de l’autre côté : ils seraient libres, peut être, enfin. Il relève la tête comme pour tenter de relever ce qu’il ressent.

Mais on n’est pas encore des adultes, alors on a qu’à vérifier.

C’est tout ce qui frôle ses lèvres tandis que d’un pas le voilà séparé de Mozart. Le voilà, corps donné aux monstres de la pluie, le voilà, bientôt trempé. Amadeus se tourne vers son compagnon et encore sa bouche se tord dans une expression satisfaite. Encore, sous le son de l’eau se déversant sur son squelette, il dit :

De toute manière, on ne possède aucun bateau à couler.

Et c’était vrai.Ils ne leur restaient que leurs derniers obstacles à franchir à Mozart comme à sa suite Amadeus. Il se disait qu’il s’en sortirait ou qu’il ne serait déjà plus là pour voir les murs s’effondrer. Certains auraient été heureux. Certains se seraient laissés prendre par les chants perçant l’averse. Amadeus se serait laissé charmer autrefois. Alors, il revint d’un autre pas, valse, chercher Mozart, son nouveau cavalier.

Tu as peur ?

Mais de quoi deux grandes enfants auraient pu avoir peur ? Le ton s’envola, l’humeur entendue dans la symphonie. Une main venue cueillir les doigts de Mozart. La paume chaude couvrant la chair de l’autre sans aucun avertissement. Amadeus ne pensait sûrement pas à la possibilité qu’il se défasse de la prise. Un contact de quelques secondes seulement, le temps de le glisser d’un coup sec à ses côtés. Le temps de le faire glisser sous l’averse, sous le bruit où les oreilles n’auraient entendu que le bruit de l’eau sur le bitume. Aucune demoiselle à saluer. Mais ils imagineraient, ils savaient faire, depuis tant d’années. Et Amadeus, les épaules tournées vers celles de son camarade se demandait simplement s’il pensait comme lui à leur jeunesse, s’il pensait comme lui à la suite de ce début d’aventure : les deux pieds serrés, leurs os trempés. Les deux pieds serrés, leurs chaussettes finiraient mouillées tandis qu’Amadeus s’imbibait du regard de Mozart à ses côtés.
Mais qui pourrait les blâmer ? Un seul instant de liberté, ils en avaient l’âge.

on reste comme ça, on est bien,
dis moi juste si on se voit demain

C’est ce qu’on dit avant de se faire attraper par les pieds.

Les yeux le quittent quelques instants. Il n’y a pas d’horizon, le reste est laissé à l’imagination. Il n’y a plus d’horizon, le soleil ne le révèle et devant eux l’averse voudrait les engloutir. Oui, ils seraient les deux mourant en premier. Qui a disparu, que se passe-t-il ? Ils n’auront jamais la suite et ne verront jamais les crédits défiler. Qui incarnait Amadeus et Mozart sans Wolfgang ? La question ne sera pas à toutes les bouches. Un petit rôle suffirait amplement.

Combien de temps on attend avant de ne plus être considéré enfants ?

Combien de temps on s’obstine à croire qu’on peut toujours rêver ? Cela faisait longtemps que les corps avaient changé. La voix n’était plus la même et Amadeus maintenant aurait pu difficilement passer pour une fille comme avant. Il n’y avait plus rien de gracieux, les muscles s’étaient forgés de par les activités. Alors, les deux sous la pluie espère sans doute qu’elle ne partirait jamais. L’orage gronde. Amadeus compte la distance. À quoi ressemblaient ses peurs ? À quoi ressemblaient les sirènes ? On ne lui avait narré demoiselles aux longs cheveux flottant dans le crachat, mais plutôt les peurs prenant apparence réelle. Il se demandait ce qu’il verrait, ce qu’il aurait dû voir enfant. Il était sûr que rien n’avait changé. Parce que personne n’était resté et que jamais la passion ne semblait vouloir être à ses côtés pour l’éternité. Tout avait une fin, tout avait encore une finalité, un point pour ponctuer jusqu’à la moindre de ses phrases. C’était douloureux et c’était tout ce qu’il connaissait. Il n’était qu’un passage et personne ne yeux restait au coin de ses prunelles.

Je ne sais même pas si je sautais dans les flaques quand j’étais enfant et toi ?

Et toi ? Est-ce que tu te souviens quand tu n’étais pas encore là ? Même ici, il ne se souvient pas. Qu’avait-il fait passé dix ans ? Le temps avait filé bien plus vite que lui n’avait vu sa propre personne grandir. Était-ce pareil pour lui ? Il revint à Mozart, les cheveux trempés. Il aurait eu envie de courir. Amadeus aimait encore la pluie, être en dessous aussi et rare étaient ceux qui partageaient l’activité.
Amadeus avait toutefois été doté d’un organisme capable de survivre à la maladie et il n’avait jamais attrapé un rhume pour plus que ça. Alors, il ne pensait pas à demain. Il ne pensait pas aux chaussettes et chaussures qui seraient étalées près du radiateur pour tenter de les sauver.

On peut toujours réparer ça non ?

Les questions s’emballent avant que les réponses ne puissent suivre. Il aurait peut-être peur que Mozart se perdre sous les gouttes ou qu’il s’y fasse écraser. Il n’a pas vraiment conscience que lui n’ont plus n’y survit pas. Le noir de ses cheveux collés à son front, il tente encore de repousser quelques mèches. L’eau perle à leurs mentons. Il se dit encore que n’importe qui avec des lunettes n’y aurait pas survécu. Ils avaient leurs deux yeux et plus pour s’en accommoder. C’était seulement pour rire, pour passer le temps.