Laissez moi juste profiter un peu de cette journée de printemps pour faire des photos.
Ce matin, je savais déjà qu'il ferait beau, que cette journée serait agréable et l'envie de créer, de capturer ce que je peux voir, trouver ma vision du printemps qui pointe son nez, avait doucement fait son chemin dans ma tête, jusqu'à se transformer en besoin irrépressible. J'avais donc attendu que mes cours de la journée se terminent, que je puisse enfin me mettre à l'aise dans des vêtements plus confortables que ces merdes d'uniformes. J'avais emporté mon appareil et m'étais dirigée dehors avec l'idée de me rendre vers le labyrinthe, histoire de l'immortaliser à ma façon. Mais quelque chose avait attiré mon attention.

Erreur n°1.
Je me suis arrêtée près de quelque végétation que je trouvais particulièrement jolie. J'avais dans l'idée d'éditer tout ça plus tard, pour rendre mon univers plus réel, l'insérer dans ces plans banals que je pouvais voir tous les jours. J'adore faire ça, essayer de faire en sorte que tout le monde puisse voir ce monde qui nous entoure à travers mes yeux. Enfin, ça, c'est si je laissais les gens le voir, ce que j'ai franchement pas envie de faire, ni maintenant, ni dans un futur proche.

Erreur 2.
Je l'ai vue bouger, je vois généralement tout autour de moi. C'est sûrement l'une des compétence que l'on apprend à force d'avoir une vie merdique et de vouloir éviter les autres êtres humains. On analyse tout autour de soi, on repère ceux qui vont nous mettre hors de nous, on apprend à éviter les situations à risques, on apprend à être alerte. Donc, quand je l'ai aperçue quitter son poste de gribouillage pour se diriger vers moi, j'aurais dû avoir le réflexe de bouger, histoire que l'idée de venir m'aborder avec quoi qu'elle ait pu avoir en tête, la quitte très clairement.
Mais non Sam, décidément, cette putain de branche valait vachement le coup que tu te fasse emmerder par Miss Parfaite.

Elle se tient donc là, à coté de moi, à me regarder avec ses petits yeux brun, son petit visage tout rond, on dirait presque une petite poupée. Elle parle se sa voix fluette, trop mélodieuse pour que je puisse lui reprocher d'être désagréable. Son parfum empeste l'air d'une odeur fruité, en accord avec le petit sourire qu'elle affiche sur son visage.
Oh t'as vu que je prenais des photos ? C'est bien, t'as deviné ça toute seule ou c'est l'appareil que je tiens dans les mains qui t'as mise sur la voix.
Je daigne alors tourner la tête dans sa direction, sans dire un mot. Et bien évidement, elle a les dents blanches, ses cheveux sont presque parfaitement coiffés, juste dérangés par le vent qui semble rendre le portrait final encore plus angélique.
Ah tu veux partager mon point de vue ? C'est bien, mais qui te dit que j'en ai quelque chose à foutre de ton point de vue sûrement plein de bisounours et de rose bonbon ?
Toujours sans daigner desserrer la mâchoire, je baisse les yeux sur ce dessin qu'elle vient très certainement de commencer. Et bien sûr qu'elle dessine bien. Ce ne serait pas la petite Miss Parfaite sinon n'est-ce pas ?

Erreur n°3.
Je réprime cette envie qui me traverse, celle de choper son petit carnet tout mignon, d'arracher cette page de traits fins et délicats et de la réduire en boule juste pour pouvoir lui faire bouffer. Qu'elle chiale un coup, juste pour ajouter un peu de laideur sur cette bouille qui semble tout droit sortie d'un film d'animation.
Tu t'appelles Mia ? Encore une fois, qu'est-ce que j'en ai à foutre espèce de sombre conne ? Tu t'attends à ce que je te réponde et qu'on deviennent les meilleures amies, unie par les liens sacrés de l'art ?
Mia... Est-ce que tu pourrais encore plus faire en sorte que les gens te trouvent mignonne ? Bah ouai, en plus de ta gueule, il fallait bien que ton prénom fasse penser à un petit chaton qu'on a envie de rendre dans ses bras et de caresser, évidement !
Je laisse échapper un soupir non dissimulé, clairement interprétable comme un "Franchement casse toi, j'ai pas envie de voir ta gueule", mais vu qu'elle me fixe encore avec son air incroyablement niais, j'imagine que le message n'est pas passé.

- J'ai pas vraiment envie de partager mes "points de vue" avec toi. Je vois pas en quoi ça pourrait t'intéresser.

Pourquoi est-ce que je ne me contente pas de juste fermer ma gueule et partir ?
Erreur n°4.

Un mélange d'odeur se fait alors sentir. Quelque chose de froid, de salé, comme en bord de mer lors de l'hiver. C'est désagréable, est-ce que ça vient d'elle ? La senteur fleurie qui m'avait agressée quelques minutes plus tôt semble s'être doucement dissipée au fil de ma réponse. Cela semble correspondre à la disparition de son air enjoué, son sourire qui s'évanouit doucement pour laisser place à une apparente insécurité. Et, on va pas se mentir, ce point là me fait déjà plaisir.

Et elle parle. Sa voix fluette et guillerette est à présent tremblante et remplie de doute. Je vais pas le cacher, ça me fait vraiment plaisir. Et une envie me vient soudain, celle de faire définitivement disparaître cet air niais et jovial de son visage. Que l'idée de revenir m'accoster ne lui traverse plus jamais la tête.
Comment je peux le savoir ? C'est vraiment pas compliqué de deviner que t'as pas les outils pour comprendre mon point de vue.

Pourtant, elle reste forte dans sa posture, se tient toujours face à moi, continue de parler, de me faire chier avec ces mots qui ne font effleurer mes tympans. Son odeur fleurie resurgit, je comprend que ça vient d'elle, tout semble coïncider avec ce qu'elle montre de ses émotions. Elle semble regagner en confiance, respirer lentement pour reprendre le contrôle d'elle même. C'est fou comme elle est transparente, comme il est facile de lire en elle. C'est fou comme j'ai besoin de t'abattre

Il faut que je réponde, que je sorte de cette observation mutique, que je la brise, pour qu'elle cesse de m'importuner. Pour qui elle se prend pour m'imposer sa présence nauséabonde ? Que croit-elle apporter aux autres en venant les interrompre ? Tu penses que tes dessins sont jolis ? Tu penses que je veux faire des jolies photos ? Tu crois sincèrement que j'ai besoin de toi dans ma vie ?

- Et qu'est-ce qui te fait penser que j'ai envie qu'une personne aussi insignifiante que toi s'intéresse à moi ? Tu veux montrer tes dessins de merde ? Tant mieux pour toi. Mais je vais pas te mentir, j'en ai rien à battre alors trouve quelqu'un d'autre. J'ai pas envie de faire des photos jolies, j'ai pas envie que tu me donnes ton avis. Si la seule chose qui t'importe c'est de faire des jolies choses, c’est que t'es sacrément conne et que t'as rien à faire avec moi.

Je sais mon ton froid, mes yeux sévères, mes mots durs. Ils sont aussi durs que tu as l'air douce et vulnérable. Mais qu'elle idée as-tu eu de venir me faire chier ? Tu devrais savoir que les gens comme toi devraient éviter les gens comme moi. Beaucoup d'autres petites débiles de 16 ans pourraient en témoigner, alors pourquoi tu ne te renseignes pas avant de savoir si tu peux aborder quelqu'un ? Est-ce que tu as si peu d’instinct de survie?