Dans ce début de printemps, Moïra se sentait d'humeur à l'oisiveté. Elle avait repris ses entraînements intensifs et avait bien envie de se détendre dans un coin peu fréquenté de l'académie.

Naturellement, son esprit l'avait conduit jusqu'à la forêt bleue, un endroit féerique, presque surnaturel, dans lequel il régnait souvent une atmosphère douce et agréable. Contrairement à son habitude elle profitait de ce temps libre pour faire cette petite escapade. Ayant récemment découvert ce qu'elle voulait faire de sa vie, elle avait décidé d'être plus présente, plus assidue dans ses cours. Bon, cela ne relevait malheureusement que très peu son niveau... Mais les profs l'avaient noté, donc ça devait déjà être pas mal ! Il fallait juste qu'elle perde ses mauvaises habitude d'école buissonnière (au sens propre du terme d'ailleurs).

Récemment, elle avait donc souvent rêvé de danse, de cours et de sa passion, qu'elle pouvait faire partager à tous ceux qui voudraient progresser dans ce domaine, et cela suffisait à la mettre de bonne humeur.

Vagabondant donc à travers les arbres, notre jolie brune se laissait aller à ses pensées d'avenir radieux. Elle laissait son regard se poser partout autour d'elle, appréciant chaque seconde de ce moment de calme, qu'elle s'autorisait à elle même. Plus tard, elle ferait sûrement un détour par les serres, histoire de prendre soin de ses plantes favorites.

Elle vit alors une petite silhouette qu'elle reconnu immédiatement, assise contre un arbre. La petite Eden, celle qui avait provoqué ce déclic si important dans l'esprit de Moïra était posée là, profitant sûrement comme elle du calme de cette forêt si paisible. Un sourire sur les lèvres, elle s'approcha sans faire de bruits. Elle voulait profiter du fait qu'Eden ne l'ait pas remarquée pour lui faire une petite blague.
Prenant le contrôle d'une petite fleur près d'elle, Moïra la fit avancer jusque dans le champs de vision de la petite fille, tel un serpent sous le charme d'une musique harmonieuse.

- Bonjour Eden ! Je suis ton amie la petite Jonquille des bois ! Tu veux bien être ma copine ?

Avec une petite voix aiguë, Moïra tentait d'imiter ce qui ressemblait à la voir d'une jonquille dans sa tête. Pas forcément l'imitation du siècle, mais, après tout, qui a déjà entendu une jonquille parler hein ? Elle s'amusait de manipuler ainsi ces petites plantes, ses marionnettes de toujours.

Un doux vent venait frôler les cheveux de Moïra qui restait toujours bien cachée derrière la verdure. Et puisqu'une fleur n'était pas assez à son goût, elle prit le contrôle des quelques jonquilles qui se tenait à coté.
Ces derniers mois, elle s'était beaucoup entraînée à contrôler de plus en plus d'éléments en même temps. Lorsqu'elles les contrôlait pour former un gros élément, cela ne lui posait aucun problèmes, puisqu'elle n'avait qu'une seule chose sur laquelle se concentrer. Mais elle avait remarqué ses limites quand elle tentait d'animer plus d'une demi douzaine de fleurs en même temps, mais ayant des comportements différents, comme dans un spectacle de marionnette. Bon, cela lui prenait déjà énormément de concentration, mais il arrivait aussi que certains de ses pantins improvisés ne cessent de l'écouter et reprenne sa forme de base, comme si l'alice de la jeune fille était limité à un certain nombre de contrôle. Et pour notre jolie Moïra, ça n'était pas acceptable, elle avait des plans, des envies, une inspiration qui ne devait pas être limitée par des contraintes de ce type.
Tout prétexte était donc bon pour pratiquer et c'est donc bientôt une petite dizaines de fleurs (ses sessions d'entraînement avaient portées leurs fruits), qui se pavanaient devant les yeux d'Eden, qui s'était mise à regarder autour d'elle.

Bien sûr, Moïra savait qu'elle n'était pas dupe, elle devait se douter une réelle personne était à l'origine de ce petit ballet de jonquille, mais que voulez-vous, elle aimait parfois en rajouter.

- Nous sommes les esprits du petit peuple de la forêt bleue. Tu as été choisie, toi seule a le privilège de nous voir, nous t’observons depuis ton arrivée ici. de sa petite voix de jonquille.

Riant intérieurement, Moïra s'imaginait déjà la petite Eden, complètement convaincue de l'existence du petit peuple de la forêt. Mais voilà, dans sa volonté de mieux voir la scène, la jeune danseuse se prit les pieds dans une racine au sol, ce qui manqua de la faire tomber de tout ton long sur le sol si elle ne s'était pas rattrapée in extremis à une branche. Rappelons tout de même que Moïra avait pas mal d'équilibre et de très bons réflexes...

Les bons points ? Pas de bobo, pas de chute.
Le mauvais point ? Elle avait très certainement grillé sa couverture de Jonquille parlante...

Et zut !
Il suffit d'un geste, d'une toute petite maladresse. Sa couverture était fichue.
De toutes façons, ayant très peu d'aptitudes dans l'improvisation, l jeune danseuse n'aurait pas vraiment su comment conclure cette idée de jonquilles peuple des bois
et d'enfant élu correctement. Acceptant simplement sa défaite, la jolie brune se dégagea du buisson sans faire d'histoire. Bon, on va pas dire que ce soit la menace de la petite fille qui l'avait convaincue, mais cela l'intrigua tout de même un peu. Maman Fiona ?
Une fois sortie, elle s'approcha d'Eden avec son sourire caractéristique sur les lèvres, quoiqu'un peu entaché par la honte de s'être faite attraper dans cette blague un peu stupide.

- C'est juste moi t'en fais pas Eden ! Désolée, je voulais pas te faire peur, j'avais trop envie de te faire une petite surprise.

Elle s’interrogea alors sur sa phrase. Maman Fiona devait être une élève beaucoup plus âgée, ou alors une adulte qui avait pris Eden sous son aile. Comme quoi, la jeune brune avait bien raison de voir le monde comme étant bon, les gens comme étant gentils, malgré ce que certains semblaient lui dire.
Se rapprochant encore de l'endroit où s'était posée la petite Eden, elle s'assit dans l'herbe, près d'elle, espérant qu'elle l'y rejoigne malgré la mauvaise plaisanterie.

- Ça te dérange pas si je viens m'asseoir avec toi ? J'imagine que tu voulais peut-être restée toute seule vu toute l'agitation qu'il y a eu dernièrement...

Il y avait eu beaucoup de raffut à l'académie ces derniers jours avec le festival sportif, toute cette histoire de parents débarquant sans prévenir... Un peu de calme pour oublier cette situation en compagnie d'Eden n'était pas de refus.

Les doigts caressant légèrement l'herbe, Moïra se sentit rassurée que la petite Eden l'autorise à rester avec elle. Elle se serait senti stupide si elle avait dû se relever et quitter ce petit coin de la forêt. Mais heureusement, la jeune enfant n'avait pas l'air de lui en vouloir, à en croire le fait qu'elle vint rapidement rejoindre Moïra, posant doucement la tête sur son épaule.
Si notre jeune sportive avait du mal avec les personnes qui envahissaient son espace personnel, étant donné sa nature peu tactile, cette scène ne lui posa aucun problème. Il faut croire qu'avec les enfants, rien ne marchait réellement de la même manière, elle se contentait d'apprécier la complicité qui naissait doucement entre les deux jeunes filles. Un petit soupir apaisé traversa son visage avant qu'Eden ne parle.

Moïra avait été aux premières loges pour assister au festival, étant donné qu'elle se trouvait près du stade étant donné qu'elle faisait partie de la cérémonie d'ouverture. Si tout s'était bien déroulé au départ, un bande de parents énervés avait fini par débarquer. Tout avait été très flou et, très vite, un maximum d'élèves ont été évacués.
Elle avait tenté ces derniers jours, de ne pas y penser. A vrai dire, elle ne pensait quasiment jamais à ce qu'étaient devenu ses parents.

Elle avait donc juste eu le temps de voir Eden paniquée avant de sortir du terrain. Elle n'avait pu aller la rejoindre sur le moment, mais elle se demandait comment la jeune fille avait pu se sentir à la suite de cet événement.
Heureusement, ce fut elle qui aborda le sujet en premier, évoquant ses propres parents. Qu'avait-elle bien pu vivre avec eux pour que la simple idée de les voir l'effraye ?

- Tu n'aimerais pas les revoir ? demanda-t-elle, peu convaincue que cette question était une bonne idée.

Une drôle se sensation envahit le cœur de notre jeune brune. Voir cette petite fille si répulsée par la simple idée de voir ses parents lui faisait froid dans le dos. Qu'avait-il bien pu se passer dans sa vie pour qu'elle en arrive là ? Seulement 8 ans et déjà beaucoup trop de vécu traumatisant pour cette petite Eden.
Moïra savait bien que beaucoup de ses camarades avaient eu des problèmes avec leurs parents. Cela semblait être un motif très récurent pour tous les jeunes possédants un alice. Mais elle n'avait jamais creusé ces sujets. Les autres semblaient la protéger de leurs histoires, qu'elle ne se rende pas compte qu'il existait des personnes réellement malveillantes dans ce monde. Pour cette jeune fille, les gens étaient profondément bons, trop de choses de la vie réelle lui échappaient. Les vols, les manipulations, les abus, la violence, tant de points qui lui échappaient qu'elle ne voyait que comme des légendes urbaines dont on entend à peine parler.

C'est sans doute ce qui la poussait à ne très peu penser qu'à ses parents. Sans en être consciente, elle ne voyait que le bon coté des choses, occultant complètement le fait qu'elle avait été abandonnée par des parents qu'elle dégoûtait, qu'elle effrayait par sa différence. Parce qu'ils voyaient son pouvoir comme une chose repoussante et dangereuse alors qu'elle n'y voyait qu'un don poétique et magnifique.

Eden semblait stressée. Que devait-elle faire ? Avait-elle envie de parler ? Voulait-elle se changer les idées, parler d'autre chose ? Elle semblait se frotter les bras, un geste instinctif qu'il lui semblait difficile à contrôler. Moïra avait la sensation que quelque chose de bien pire se cachait derrière.
Elle lui prit alors la main, comme pour arrêter son mouvement, comme pour lui dire d'arrête, qu'elle va se faire mal, qu'il ne faut pas. Elle sentait l'hésitation, le besoin de parler, de se confier. Et si notre jeune sportive pouvait prendre un peu de sa peine pour l'aider à se décharger, elle n'hésiterait pas à le faire.

- Est-ce que tu veux en parler...?

Loin de vouloir la forcer, elle lui caressait doucement la main. Elle n'avait rien à craindre, elle pouvait lui faire confiance. Tels étaient les messages que notre jeune Moïra tentait de lui transmettre.