La neige tombe dehors, elle masque l’herbe et commence à s’accrocher au bitume. À l’intérieur, il fait bon, le feu réchauffe la pièce centrale et la télévision en fond sonore tourne sans que personne n’y prête vraiment attention. Maman et Papa sont là ce soir, mais demain matin, ils vont partir tôt. Allongée sur le ventre et sur le tapis, Faith fait tourner les pages du magazine de Noël, il faut qu’elle fasse sa liste, c’est ce que lui ont dit ses parents. Un feutre à la main, elle entoure les cadeaux qu’elle espère avoir et à la fois, l’oreille distraite, elle écoute la conversation de ses parents : des banalités qu’elle ne comprend pas. Quand elle a fini, elle se met sur ses genoux et tend le magazine à son père, les yeux pétillants et les lèvres pincées dans un sourire crispé. Ses parents feuillettent et plus les pages tournent, plus leurs sourcils se froncent, jusqu’à ce que : «
Hum… chérie, tu veux vraiment la boite à outils ? » «
Oui !! » La gamine d’à peine cinq ans bondit sur ses deux pieds. «
Et aussi les tokie wokie ! » Maman prend le magazine des mains de Papa et s’agenouille près de Faith, un beau sourire aux lèvres, mais avec un faux contact dans le regard. Elle feuillette un instant, ses gestes sont vifs et elle finie par montrer une page à sa fille. «
Tu n’aimes pas cette poupée Faith ? » L’enfant se dandine un instant. «
Si… elle est jolie. » Il y a eu comme un soupire de soulagement, suivie d’une embrassade et d’un
« il faut que tu ailles te coucher ma puce ». Faith a haussé des épaules. Ce qu’elle aurait vraiment voulu à Noël, c’est que ses parents arrêtent de partir tout le temps ; qu’ils restent avec elle, dans cette maison trop grande pour elle.
Les petits pas feutrés descendent les escaliers couverts de moquette. Le cœur qui bat fort dans la poitrine, la jeune Faith de huit ans et demi, rejoint la cuisine en pleine nuit, pendant que sa nounou, Jenna, ronfle sur le canapé du salon. Les yeux écarquillés, elle tâtonne à l’aveuglette jusqu’au frigidaire qu’elle ouvre en grand, se laissant éblouir par la lumière. Papillonnant un instant des paupières, elle finie par s’emparer de la brique de lait pour en boire à grandes gorgées, jusqu’à ce qu’une voix s’élève : «
T’es pas encore couché ? » Faith manque de s’étouffer en sursautant. Même si elle rattrape in-extrémiste la brique, il y a du lait partout. Le palpitant s’agitant dans un nouveau désaccord, elle marque un long silence, attendant de vérifier que Jenna est toujours profondément endormie. Faith fronce alors les sourcils et fusille le frigo de son regard azur. «
Ne parle pas aussi fort Willy ! » Le frigo s’esclaffe. «
C’est toi qui devrais chuchoter Faith ! Personne ici à part toi ne peut m’entendre. » Elle soupira par le nez et s’empara de l’éponge pour nettoyer son carnage. «
Bon. T’arrives pas à dormir ? » Faith haussa des épaules tout en reposant la brique de lait dans Willy. «
Comme d’hab, insomnie. » «
Raaaah ! J’espère que c’est pas à cause des parents ? Ils vont pas tarder à rentrer. » Une nouvelle fois, elle haussa des épaules. «
J’en sais rien, ils n’ont jamais été là et je ne sais pas si ça changerait grand-chose maintenant... » Papa et Maman sont stewards et ils sont très rarement à la maison, pour ne pas dire jamais. Faith a majoritairement grandi seule et avec Jenna, sa nourrice attitrée, qui l’a prend un peu pour une dingue soit dit en passant. La brunette referme la porte du frigo. «
Tu devrais quand même essayer de dormir, Faith. » «
Je sais. » Elle soupira et fini par prendre le frigidaire dans ses petits bras. «
Merci Willy, j’sais pas ce que j’ferais sans toi. » Sa voix s’est brisée un instant, puis elle a séché trois larmes avant de remonter les escaliers jusqu’à sa chambre.
«
Tu me soûles ! » «
Non, c’est toi qui me gaves ! » «
T’es jamais contente !! » «
Pardon ?! » «
Quoi encore ? » «
Pffff… t’es qu’une antiquité de toute façon. » «
RÉPÈTE UN PEU POUR VOIR !! » Faith a une dizaine d’années et alors qu’elle passe la porte de sa chambre après une journée d’école, la voilà encore confrontée à une énième dispute entre son PC et son imprimante. Elle lève les yeux au ciel, soupire et laisse choir son sac avant de s’avancer pour s’affaler sur son fauteuil. La dispute se poursuit comme si elle n’était pas rentrée et cela semble avoir pris des proportions gigantesque. Elle roule des yeux. «
Bon. C’est quoi le problème cette fois. » Hector son ordinateur et Flavie son imprimante, essaye de s’exprimer tous les deux en même temps et Faith est bien obligé de les stopper. «
PAS EN MÊME TEMPS ! » Flavie explique le problème : en gros, Hector fait une crise de jalousie, car Flavie peut se connecter en WiFi avec les autres appareils électroniques et ça fou la merde dans leur relation de couple. Faith posa un coude sur le bureau et cala son menton dans le creux de sa main. «
Tu sais Hect’, j’pense pas que c’est parce que Flavie peut imprimer des trucs depuis n’importe qui, qu’elle ne t’es pas fidèle. » «
MAIS OUI ! C’est ce que j’essaye de lui expliquer depuis au moins une heure ! » «
Rooooh et oh ! C’est pas ma faute si tu t’exprimes aussi bien qu’une Gutenberg ! » Faith facepalma. «
Non mais j’hallucine ! T’as cru que t’avais l’allure d’un MAC PRO peut-être ?!! » «
Bon les gars ! Vous vous aimez, pourquoi vous vous cherchez TOUT LE TEMPS des problèmes ? » Faith commençait à être à bout, faut dire que c’était un peu la spécialité de Flavie et Hector, la mettre à bout. «
Héhé, c’est les histoires de grand ça Faith. » La jeune fille haussa un sourcil. «
Ne l’écoute pas Faith chérie, il dit ça juste pour t’embêter. » «
Mouais… mais c’est bon, vous ne vous crierez plus dessus ? » «
Promis. » Faith braqua son regard vers le PC. «
Hector ? » «
Ouais ouais, c’est bon, tu peux aller faire tes devoirs. » «
HAHAHA ouais c’est ça. » Faith se leva et s’étala sur son lit ; sa tête lui semblait être à deux doigts d’imploser.
Elle avait douze ans quand le gouvernement a débarqué chez elle pour venir la chercher, entre autres. Elle était spéciale Faith et ça elle le savait, contrairement à ses parents, qui trop absents ne s’étaient jamais rendu compte de rien. Une femme était avec elle durant le trajet jusqu’en Irlande, jusqu’à l’Académie Alice. La femme avait un joli visage et un beau sourire, elle se pencha vers Faith qui fixait le paysage défilant. «
Tu n’as pas l’air plus perturbée que ça de quitter ta famille... » Comme toujours, l’adolescente hausse des épaules. «
Ils n’étaient jamais là. » Le sourire de la femme se fit plus triste. «
Même tes amis du collège ? » Faith soupira. «
Si un peu, mais il y aura des gens comme moi là-bas non ? Ici, je ne pouvais pas vraiment en parler. » Jenna l’a toujours pris pour une enfant dérangée et elle n’a jamais voulu être la freak girl de l’école, donc Faith a gardé le silence. La femme s’enfonça dans son siège. «
Donc personne ne va te manquer, c’est un peu triste. » La brunette releva la tête pour fixer la femme. «
Je n’ai pas dit ça, bien sûr que des êtres vont me manquer, surtout Willy. » «
Qui est Willy ? » «
Mon frigidaire. »