le coeur d'eau bleue + nadia + mozart

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Là où naissent les couleurs nouvelles,
Là où mon cœur et mon âme sont restés

Notes au firmament, il l’entend, il reconnaît. Il y a sans doute l’hésitation dans les pas : est-ce vraiment elle ? Amadeus ne connaît pas les notes comme il connaît sa voix, enregistrée là, mais il sait avoir entendu l’air une fois. Et cela lui suffit pour suivre le son, tête sous les feuilles des arbres qui dansent – le grand bal est ouvert, les joyaux d’émeraude parent encore les robes, bientôt, ils tomberont. Et il n’aime pas l’hiver pour cette simple raison. Il passait là seulement, perdu après les cours, cherchant refuge là où il pourrait trouver une tranquillité pour travailler. Amadeus n’aime pas encore devoir écrire, devoir s’exercer à l’art des mots, de l’intelligence qu’il ne possède pas et qu’il ne prétend avoir. Alors, il préfère s’isoler comme pour tenter de tirer de lui-même ce brin d’intention. Sans doute mauvaise idée que de se laisser guider dans les grands parcs, mais l’air lui manque. Amadeus aime les dernières brises de septembre, celles qui sont encore chargées de leurs rêves d’été – il n’en a pas.

Je savais que ça serait toi.

Ou bien l’ignorait-il. Peut-être reconnaître une quelconque emprunte dans une mélodie ? Sans doute, accompagne-t-il la phrase dans une tentative de sourire, un muscle se bougeant sur son visage et sans doute que les lèvres n’y répondent pas. Amadeus ignore les propres mystères de sa chair ne se mouvant que lorsqu’électricité passe dans ses veines. Cependant, là, il y a Nadia, l’air qu’il ne saurait décrire. Douce quiétude posée sur sa bouche, il y voit encore une maturité qu’il saurait avoir et plus : toujours ce quelque chose que lui, aimerais. Mais Amadeus, le cœur vide, désireux, désirant, mais elle est là et c’est suffisant pour le moment.
Il espère, trop tard, ne pas la déranger, la main se pose sur ses lèvres comme un regret. Il n’y a pas à couper le silence et le préfère sans doute le laisser intact. Alors, il s’installe simplement à ses côtés avant qu’il ne soit trop tard, avant que les notes se meurent lorsque tombe les dernières lignes de la mélodie. Amadeus aimerait sans doute lui en glisser un mot, mais toujours, il s’y interdit. Ils n’en tireraient aucun bien.

Il l’a déjà croisé de la même manière et cela ne l’étonne pas de la revoir encore une fois ici. Ils n’ont sans doute pas beaucoup échangé, pas beaucoup dit, mais pour lui, ce fut assez. Il tente encore d’y glisser de quoi qualifier les contours des brides de ce souvenir. Qui y a-t-il de charmant ? Il y a voit seulement le quotidien, la douceur des choses flottantes sans qu’il n’y ai à redire. On dirait encore qu’Amadeus est un grand romantique, pendu à la corde de ses propres sentiments et sans doute est-ce ainsi – il finira par manquer d’air. L’oxygène qu’elle lui donne lui suffit amplement. Et lorsqu’elle s’arrête cette fois-ci, il ne peut s’empêcher de ponctuer :

Ça te va très bien.

Mais il n’en dit plus. Sans doute simplement les couleurs nouvelles dispersées sur sa peau, la lumière ou le simple cadre les entourant lui suffisaient pour être belle. Et Amadeus, les yeux kaléidoscopes n’aurait su faire s’échapper la somptuosité de cette simplicité.

Invité

Elle se laissait rythmer par ses habitudes, par les autres
C'était devenu comme un rituel depuis des années, quelque chose dont elle ne dérogerait jamais
Nadia prenait le temps, au moins trois fois par semaine de s'exercer au saxophone dans les parcs
Elle pensait aux autres - beaucoup certainement - qui se consacraient à leurs devoirs en sortant directement des cours
Mais la véritable raison est que le son du saxophone ne sonnait pas assez bon entre ces murs blancs
Tous deux s'y sentaient mal, alors ils fuyaient pour rejoindre un ciel libre, là où sa musique et son inspiration se libéreraient
Elle jouait en intérieur uniquement pour le club de musique et c'était tout
Elle ne supportait pas le résonnement, la mélancolie qui s'échappait d'elle autrement
Ou peut-être était juste son instrument qui commençait à fatiguer, si elle avait pu, elle l'aurait changé, mais c'était hors de ses moyens
Elle alla se poser à son emplacement préféré, sous le tilleul au fond du parc, la ou les passants passaient peu, la ou elle ne dérangerait personne pour mieux se terrer dans les bois
Et c’est sous l’ombre des feuilles qu’elle entama Windmills Of Your Mind de Mark Maxwell
Et elle se laissa emporté par les notes graves de son saxophone, fermant les yeux pour apprécier le tout, son instrument, le paysage, la tranquillité
Elle ouvrit les yeux, surprise qu’on l’aborde, combien de temps avait passé ?
Ce n’était ni plus ni moins Amadeus, qui encore une fois se tenait devant elle
Elle ne connaissait pas grand-chose sur lui malheureusement, il était venu une fois l’écouter comme un oiseau qui se pose sur une branche et il était revenu encore
Alors pour lui, elle continua encore un peu le spectacle, tira sur la mélodie pour la faire durer un peu plus longtemps
Elle ne cherchait pas à l’épater, elle pensait que surement il ne venait que pour ça, surement un mélomane romantique

« Tu es encore là. »

Il n'y avait aucune animosité dans sa voix
Nadia se contentait d'énoncer un simple fait, Amadeus était encore venu,
La surprise des premières fois s'était faite remplacée par la chaleur des retrouvailles
Ils ne se connaissaient pas tant que ça pourtant
Ils ne se connaissaient même pas à vrai dire

« Merci, mais je ne vois pas de quoi tu parles. »

Elle avait beau tourné sa phrase dans tous les sens, elle ne comprenait pas, elle était certaine cependant qu'il ne parlait ni de sa coiffure ni de sa tenue
Amadeus savait manier les mots pour qu'ils paraissent encore plus doux lorsqu'il les prononçait
Mais Nadia ne les comprenait pas totalement malheureusement

« Tu es beau, Amadeus. »

Elle tordit sa bouche dans une insatisfaction totale
Amadeus l'était certes, mais dans son for intérieur, on ne disait pas ce genre de choses aussi facilement, aussi rapidement
Cela lui semblait être des courbettes forcées et maladroites, tout ce qu'elle ne désirait pas
Puis, l'on disait cela aux gens proches, pas aux spectateurs du soir

« Je ne suis pas douée pour ce genre de choses. »

Elle l'aimait c'était certain
Mais elle ne l'aimait pas d'amour, elle l'aimait comme on chérit la nostalgie, les souvenirs passés qui réchauffent les cœurs, elle l'aimait comme un cognac bu dans une ambiance tamisée, elle l'aimait comme elle aimait son saxophone, elle l'aimait comme elle aimait la brise sur son visage
Elle l'aimait simplement et personne n'avait rien à redire à ce sujet

« Je suis sincère en tout cas. »

Elle s'était étonnée les premières fois où elle avait pris le temps de regarder son visage
Nadia n'avait jamais trop su comment mettre des mots ou des idées sur sa peau lisse et blanche, sur ses traits fins et élégants
Elle avait conscience que ce n'était pas la norme, mais le plus important est qu'elle savait qu'elle aimait ce qu'elle voyait
C'était suffisant
Elle n'était pas jardinière, mais elle le comparait aux verdures de son passé, les parfums qu'elle avait pu respirer et les textures qui l'avaient écorché
Amadeus était une belle fleur indéniablement
Surement lui redirait-elle d'une autre façon, avec de plus beaux mots

« Mais c'est bien un problème ça, je ne sais rien d’autre à ton propos. Tu es beau et tu t'appelles Amadeus. »

Ce n’était qu’une invitation à se découvrir, mais elle retordit sa bouche
Elle ne s'y fera pas de parfois d'avouer tout aussi facilement, rapidement
Un jour elle ferait taire sa bouche traitresse

« Qu'est-ce qui t'amène ici ? »

Elle alla se poser à ses côtés
Il ne leur fallait pas grand-chose à eux deux, pas besoin de se faire semblant pour le paraitre, pas besoin de grand discours grandiloquant
S'ils voulaient se taire, ils le faisaient
S'ils voulaient discuter, ils le faisaient
Ils voulaient profiter de l'instant présent et c'était chose faite
Ils se contentaient de la plus simple des relations humaines et ils en étaient satisfaits

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Là où naissent les couleurs nouvelles,
Là où mon cœur et mon âme sont restés

Il eut sans doute l’envie de lui expliquer mais décrire une scène était trop pour ses mots, trop pour ses mains dans l’envie de pouvoir lui montrer une vision qui est sienne, mais rien. Elle le prend de cours. Il l’a sans doute déjà entendu, dans des rires étouffés, les boucles s’emmêlant dans les doigts tournants. Ici, tout cela n’a pas la même saveur, le même poids dans les mots. Toujours dans l’authenticité s’y glissant là et les gracieuses paroles de Nadia. Et dans un battement de cœur – il a l’habitude de courir -, sa bouche s’ouvre sur une pensée disparue dans la brume. Sans doute elle aussi y voyait quelque chose qu'il ne saurait pas voir. Trop féminin, trop masculin, quelque chose dans un mélange des deux, il en avait entendu des paroles, jeunes, Il les avait avalé et maintenant il n’osait boire autres concoctions, autres visions. Il ne se voyais pas beau ;il la voyais elle. Et elle suffisait à combler ta vision de mirage. Le soleil lui caresserait le visage, elle l’effleurerait d’une main, les doigts ne s’y brulerait pas. Et les yeux ne manqueraient pas de s’y assortir. Alors sa bouche tente d’y sourire. Les lèvres se pincent en tentant d’y attraper les rayons – la joie au bout de tes prunelles. Il baissa la tête, gêné.
Et sans doute aurait-il gâché cela si elle n’avait pas arrêté.

Tu peux te forger une opinion de moi comme j’en façonne une de toi petit à petit, faisons ça, si tu le veux ?

Il aurait encore peine à lui dire qu’elle l’oublierait sûrement lorsqu’encore ses jambes l’auraient menée loin d’elle. Amadeus, pistolet en main, se tirerait dans les pieds, dans le cœur sans qu’il ne sache expliquer. Il n’y pense pourtant pas à présent, les yeux fuyants quelques instants. Il finit seulement par montrer un simple cahier. Même s’il avait choisi une spécialité sportive, il avait dû se renouer un tout petit peu avec l’écrit. Les stratégies et tout le reste n’étaient pas non plus sa spécialité. Amadeus aimait sans doute courir ou encore la course l’aimait lorsque ses jambes pouvaient sentir l’air les frôler, lorsqu’il pouvait sentir la chaleur lui monter. L’effort lui plaisait sans doute, mais encore, il avait du mal à être régulier, à voir ce qu’il pourrait faire de sa vie ainsi et son Alice ne l’aurait aidé : l’amour durait moins de trois ans et il en était convaincu. L’amour durait le temps de se lasser, trop vite. Amadeus revint à la pensée principale :

Je voulais lire un peu ou étudier, je ne sais pas.

Il lui aurait bien fallu quelque chose pour se permettre de rester dans les rangs.

Tu voudrais continuer dans la musique ?

Tu te disais que sans doute, faisait-elle la même chose.Tu te disais que sans doute, faisait-elle la même chose. elles et les mélodies comme des amants, les partitions s’y joignant. Il aurait sans doute aimé apprendre quelque chose de ce genre, il ne savait même pas dessiner. Les arts étaient un mystère et il s’y plaisait à les voir évoluer sous la vision de quelqu’un d’autre. Elle n’y échappait pas. Cela la rendait attrayante et la qualité était applaudie par Amadeus, en silence, les yeux baignés dans la lumière qu’elle lui transmettait.

Je ne suis jamais allé voir jouer un orchestre jouer, le club de musique ou quelque chose du genre, les concerts lui échappaient aussi du bout des doigts, il n’aimait se sentir pressé et les artistes qui lui plaisaient ne passeraient jamais à leur porté, pas encore, mais j’imagine que tu serais repérable parmi les rangs.

Le visage concentré et l’instrument aimer entre les doigts. Il ajouta assez bas, comme un maigre regret s’installant à leur côté :

J’espère que je n’interromps par l’entraînement, au moins.

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Peut-être était-ce le mot de trop ?
Elle le savait bien après tout, qu’on ne disait pas ça à la légère
Mais les mots s’étaient enfuis et on ne pouvait plus les tenir en laisse, comme des cendres lâchées dans le vent
Et c’est le cœur navré qu’elle voit sa tête se pencher
Est-ce à ce point dur à entendre ? Elle ne peut pas comprendre malheureusement
Elle se contentait de hocher
Tout était simple avec Amadeus et ça lui plaisait
Il n’y avait pas à tourner du pot

« Tu voulais, mais est-ce que tu le feras ? »

Nadia aurait bien ricané légèrement, mais elle se retint
Elle ne savait pas vraiment comment il l’aurait pris et ce n’était pas nécessaire d’exposer ses glottes de la sorte
Elle l’aiderait après, peut-être cela pourrait-il l’encourager

« Je ne sais pas vraiment…J’aime jouer c’est sûr, mais je ne me vois pas faire ça pendant 8 heures par jour. » Elle ne se voyait nulle part surtout, mais elle ne serait plus ici « Je n’ai pas de plan de carrière, j’avais pensé à gérer des chambres d’hôtes dans un coin avec de la verdure et la mer. Sinon, je laisserai quelqu’un m’embaucher pour mon don, mais bon… »

Elle hausse les épaules, la mine un peu dépitée
Elle n’avait pas de plan pour son avenir, mais se reposer sur son alice ne faisait même pas partie de sa liste « à ne jamais faire »
Cette idée n’existait pas, ni dans son esprit, ni dans celle des autres ni dans tout le continuum espace-temps et plus encore
Il était hors de question qu’elle utilise son alice pour une quelconque raison
Le problème était que si elle n’apprenait jamais à l’utiliser, elle poserait bien des problèmes à quiconque, alors elle était obligée de vivre dans la contradiction et le déchirement de soi-même
Nadia n’aimait pas avoir des problèmes communs à tous ceux qui se trouvaient dans cette académie
Elle préférait se poser des questions inutiles, celle qui font stagner voire même régresser, car avec elles, on gagnait un recul irremplaçable
Ainsi, on était forcément bien placé pour dire si tout était mieux avant
Et tout était bien au présent pour elle

« Je n’ai pas spécialement envie de torturer des gens pour le moment, donc je »

Elle se stoppe net et fixe Amadeus avec ses plus gros yeux, comme si elle avait lâche un terrible secret
Mais c’est vrai
Il n’était pas au courant
Elle tourne 7 fois sa langue dans sa bouche
Elle ne voit pas comment elle pourrait enjoliver son alice

« Je suis une poupée vaudou en quelque chose. Si je me tranche la gorge et bien…Il n’y pas de sang, juste » Elle prit une immense bouffée, comme si c’était là sa dernière respiration avant de se noyer « De la douleur. Pour moi et pour quelqu’un d’autre »

Elle laisse flotter un silence
Elle n’avait pas pensée aborder son don
C’était stupide après tout, ils avaient convenu de se découvrir l’un l’autre
Mais elle aurait qu’il ne sache pas, pas pour lui, mais pour elle
Parfois, elle oubliait tous ces grands détails qui les enveloppaient et réunissaient tous ici
Les alices, l’enfermement depuis des années, les catastrophes de la vie
Dans ce parc, le soir, ils étaient juste des étudiants qui se rassemblaient pour vouloir aimer quelque chose
Aimer leurs amis, un proche, eux-mêmes, autre chose
Elle aussi, voulait aimer lorsqu’elle se trouvait sous cet arbre
Mais elle ne trouvait toujours pas encore les bonnes réponses, alors elle jouait
Elle jouait depuis 5 ans

« Je suis arrivée récemment. Tu peux venir si tu veux, ils sont sympas comme tout et je ne vois pas pourquoi ils refuseraient. Ça leur fera plaisir. »

Elle lève les yeux
Ciel, il faut toujours qu’elle soit précise
C’est vrai, ils étaient tous adorables, tous de précieux amis et elle regrettait peut-être de l’avoir rejoint si tard, mais ce n’était pas le problème

« D’accord, ça me fera plaisir surtout. »

Léger sourire
Il n’avait rien demandé mais elle se permettait malgré tout de se corriger
C’était comme ça qu’elle était et pas autrement

« Oh non, ne t’en fais pas, je fais ça juste…pour me divertir ou vider mon sac j’imagine. »

Elle fixe son saxophone, presque amoureusement
C’était son trésor, le seul qui était réellement à elle et dont elle ne voudrait pas se séparer
C’était véritablement le seul objet qui réveillait chez elle de la mélancolie, de la fierté, l’envie de liberté et le désir de rester seule
Puis elle finirait par le remplacer
Par un plus beau, plus confortable, plus facile à manier et au son parfait
Et la danse recommencerait
C’est ce que font les humains entre eux, non ?
Ils s’aiment, parfois se lassent ou trouvent mieux ailleurs, puis ils se séparent
À la différence des saxophones, les humains ne se mettaient pas sous vitre sous une lumière chaude, pour capturer à jamais un sentiment désuet

« Tu veux essayer ? » balanca t-elle en lui tendant son instrument

Ça lui paraissait logique après tout
Elles les aimaient tous deux, mais ils ne s’étaient jamais vraiment rencontrés
Peut-être que les mélomanes aimaient écouter, mais jamais ils ne l’écouteraient d’aussi près si ce n’était pas eux les musiciens

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Là où naissent les couleurs nouvelles,
Là où mon cœur et mon âme sont restés

Les doigts s’y posent délicatement. Il y aperçoit un reflet de lui, un reflet d’eux sur la surface polie. Amadeus a peur de le briser, de ne pas savoir quoi en faire – il ne saura pas de toute manière. Il prend le temps d’étudier Nadia encore une fois.

Je doute que tu n’aies envie de te trancher la gorge non plus.

Le courage du geste, la folie lorsque la main serre le couteau et le rouge d’une passion qu’il imagine mal être la sienne. Il la voyait avec difficulté faire mal à quelqu’un d’autre, se faire mal à elle même de cette même manière. Alors, si seulement, tout irait bien. C’est difficile à dire, pour lui la limite est si fine qu’il est difficile de l’observer. Il n’a jamais pensé à leurs alices avant qu’une personne ne lui dise que c’était important. Et certains comme eux, pourrait vivre sans. Et certains s’y accroche pourtant. Amadeus ose difficilement se mettre à sa place ; il ne possède pas ses yeux et l’esprit est trop tranquille lorsqu’elle tente d’aborder les rebords de leurs cœurs. Il pense seulement qu’elle devrait prendre soin d’elle, mais cela sonne hypocrite, faux et l’idée se perd tandis qu’elle naît dans un coin de sa pensée. Elle trouverait quelqu’un pour lui prendre la main et s’assurer que le chemin ne la fasse pas trébucher et cela ne serait pas lui. Mais rien de tout cela ne vit le jour sur ses lèvres.

Et puis, tu pourrais peut-être t’en servir autrement, un jour.

Lorsqu’ils seraient enfin capables de dominer la chose qui les habite. La pensée est romantique, trop. Des petites douleurs comme des signaux à quelqu’un loin d’elle, des petits baisers transmis sans qu’un mal ne vienne les fausser, si seulement. Amadeus se contente de hausser les épaules, doucement.

D’une manière ou d’une autre, je me vois pas te définir par cela.

Ils avaient encore tous leurs défauts à chair ouverte, les plaies ne se refermeraient pas. Amadeus ne penserait jamais qu’elle pourrait glisser le sort sur lui et quand bien même, quoi ? Il avait oublié que lui aussi aurait pu s’arracher un bout de vie, aussi simplement que cela. Il ne lui en voudrait pas. Ils étaient imparfaits et si beaux comme cela.
Elle avait encore un début de rêve. Il n’avait rien de tout cela.

Je viendrais. Qui sait peut-être que je viendrais même dans les magnifiques chambres près de la mer, ça semble être un petit coin de paradis. Je ne sais pas ce que je ferais d’ici là, mais j’espère être assez riche pour pouvoir venir.

Et il viendrait aussi la voir jouer.
Amadeus ne détestait pas se lier à la foule, mais il était suffisamment convaincu ne connaître personne là-bas pour être sûr que cela ne leur ferait pas plaisir. La petite silhouette de Mozart se dresse dans son esprit, mais encore, il ne saurait se dire qu’il sourirait à la nouvelle. Il était convaincu pourtant que cela lui ferait plaisir à elle et c’était suffisant pour le moment. Les yeux se baissent pour admirer encore le noir s’étirant dans le soleil au bout des doigts. Et lorsqu’il le relève sur elle, il souffle :

Montre-moi.

Les pieds se tournent vers elle. Il n’était pas nécessairement gauche, mais n’avait sûrement jamais touché un instrument de sa vie. Amadeus marchait de note d’amour et de courses enfarinées, les pieds pour s’enfuir et jamais il n’avait pris le temps de considérer une autre activité. Il avait encore du mal à imaginer son corps penché sur la chose, son squelette dans un espace qui n’était pas le sien, qui ne sera pas, il savait. Il tente d’y glisser un semblant de malice, mais toujours s’y noie dans son visage mort. Les yeux se plissent.

Ça sera une excuse pour ne pas le faire, étudier, je parle.

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Amadeus avait toujours des mots admirables qui sortaient de sa bouche, toujours les pansements qu’il fallait pour soigner les petites calamités surprises de la vie
Il suffisait juste de l’écouter et de se laisser convaincre qu’il avait entièrement raison et que vous, vous étiez complètement à l’ouest
Il ne lui fallait pas grand-chose, juste qu’en quelques paroles vous vous retrouviez hypnotisé, tout avait l’air si simple avec lui, pas de jugement de valeur, pas de jugement d’acte, juste des conseils et des constatations
Nadia ne pouvait s’empêcher de penser que pour être aussi bon pour guérir les maux des autres, il était probable que lui-même souffre en secret
Elle ne lui souhaitait pas cela
Elle aimerait qu’il éventre sa tête et qu’il expose ses peines, mais pour rien elle ne le forcerait

« Merci Ama.»

Elle n’avait vraiment rien d’autre à dire que des remerciements légers
Qui étaient pourtant lourds de sens pour elle, mais elle ne se serait pas épanchée de milles merci pour lui, les mots auraient perdu tous leur sens et elle toute sa salive
Elle espérait bien qu’il viendrait, lui et bien d’autres, dans un cadre inoubliable
Même si la venue de cette pensée lui apportait de la joie, elle n’en restait pas moins incertaine
Cela demandait du temps, de la patience, de l’autorité, une organisation hors du commun et de l’argent
Elle n’avait aucun de ces critères en sa possession et savait bien qu’il serait difficile de les réunir, ne serait-ce qu’à cause de l’argent
Nadia n’avait rien n’exceptionnel à vendre, ni sa personne, ni ses compétences valaient quelque chose dans un monde où l’on demandait à tous d’être un leader charismatique
Peut-être finirait-elle par tenir une petite ferme, en se contentant du strict nécessaire

« Je te forcerai à étudier, ne t’en fais pas. » Amadeus aurait mieux fait de se taire, on ne rigolait pas avec les études, surtout dans cette Académie « Pour le tenir, ta main droite est toujours situé en bas. Comme on est assis, tu peux utiliser tes jambes comme support aussi. »
Elle positionne ses mains sur le laiton froid, elle n’est probablement pas la meilleure prof qui soit
Non, c’était une certitude, elle ne serait jamais professeur, incapable de montrer à autrui ce qu’elle exposait à tous, mais elle avait conscience que tout le monde n’est pas un bon élève aussi
Ce n’était rien de plus qu’une découverte pour Amadeus, un rapprochement permis pour quelques minutes

« Pour bien saisir le bec, tu dois rentrer tes lèvres, tu sais comme les vieux qui n’en ont plus. C’est un peu particulier au début, mais on s’y fait, fais juste attention à tes dents. »

Elle s’autorise à regarder plus longtemps que la normale ses lèvres
Elle en était presque jalouse, comment faisait-on pour s’entretenir de la sorte ?

« Maintenant tu peux souffler, si tu as bien positionné tes lèvres, tu feras un do. Pas besoin d’utiliser les touches, on fera ça après. »

Elle ne peut s’empêcher de penser « Dans un petit moment »
Maitriser un saxophone, c’était ardu et long et pour peu qu’il n’était pas habitué à souffler longtemps, il s’essoufflerait très vite
Elle ne savait pas pourquoi elle avait choisi le saxophone comme instrument, il y en avait des beaucoup plus accessibles, mais ses sonorités graves et envoutantes lui avait fait du charme dès le début

« Si tu veux actionner des touches au hasard, n’hésite pas. C’est comme ça qu’on se fait l’oreille. »

Qu’importait le temps qu’on passait avec un instrument, si personne ne mettait les mains dans le cambouis, on n’avançait à rien, Amadeus ne deviendrait pas un immense musicien pour une vie, mais peut-être qu’il le serait au moins pour cette nuit

« Pour qui tu aimerais jouer ? »

On ne jouait pas obligatoirement pour un spectateur, mais rares sont les musiciens qui s’enfermaient et s’isolaient dans des no man’s land, alors s’il n’y avait pas l’envie de se montrer pour une personne, il y avait bien une raison qui les poussaient à jouer
Elle voulait tout savoir le quoi ou le qui, bien qu’elle soit celle qui avait jeté cet instrument dans ses mains