Cela le rendait triste au début, entendre ses parents se disputer tout le temps. Maman qui vous garde éveillé pour que vous témoigniez que papa rentre tard et pue la bière. Papa qui vous explique que si c’est lui qui vous emmène à l’école c’est parce que maman n’est pas fiable et que les femmes ne savent pas conduire. Cela le rendait triste d’écouter qu’il avait ruiné leurs vies et qu’il n'avait pas d'avenir car il était juste une erreur de plus dans l'histoire de cette famille, et qu'il était dégueulasse d'être toujours un peu poisseux et de s'accrocher à tout comme du scotch avec sa sueur -papa dit que c'est la puberté très en avance. C’était triste mais à force il s’est habitué.
C’était sa vie, c’était comme ça alors il a fini par l’accepter, pragmatiquement.

Ce n’était plus triste. C’était juste gênant. Il soupirait le matin, les mains sur les hanches en constatant les assiettes cassées, et ajustait la couverture de papa qui dort sur le canapé. Et puis il allait à l’école tout seul, c’était plus calme, et il pouvait jouer avec le chien errant du quartier.
On l’appelait vieux Jibby, et comme son nom l’indique il était… Vieux. Mais il était tout seul aussi, un peu comme lui. Alors il demanda penaud à ses parents s’il pouvait venir vivre avec eux. Maman a dit non et comme elle avait dit non, Papa a dit oui, et Vieux Jibby a rejoint la famille.

Tout ça pour crever de vieillesse trois jours plus tard.

En entrant en primaire, Faolan se fit une amie, une vraie. Ils se trouvèrent des noms de super-héros et ils allaient sauver le monde et tous les chiens de l’univers. Papa et Maman étaient content de pouvoir se débarrasser de lui le weekend et lui pouvait les passer au calme, avec sa meilleure amie pour la vie.

Tout ça pour qu’elle déménage un mois plus tard.

Les bonnes choses ne durent jamais. Elles vous rendent mou et chaud à l’intérieur, vous leur donnez une part de vous-même qu’on vous rebalance à la gueule sans pitié et le monde devient plus froid et sans saveur qu’avant. Les mauvaises choses ne le dérangent pas, ne le dérange plus. Elles ne rendent rien mais ne prennent rien non plus. C’est les bonnes choses qui dérangent, qui font mal.
Alors il n’en veut plus.

La puberté devint plus gênante avec le temps. Maintenant la puberté l’empêchait carrément d’enlever son t-shirt. C’était très gênant la puberté dis-donc. Surtout quand on l’a aussi tôt. Alors on a décidé d’aller en parler au docteur, juste au cas où.

Ils sont venus, avec leur argent et leurs promesses et leurs beaux discours. Papa et Maman était d’abord abasourdis, puis enthousiastes, ils l’ont couvert de bisous en lui disant qu’ils avaient toujours su qu’il était spécial et qu’il était leur fierté et la meilleure chose qui soit arrivée de leur vie. C'était désagréable comme sensation.

Il a eu un peu peur.
Il a encore un peu peur.
Mais il fait de son mieux.