Chaque fois qu'il recevait ce genre de messages, Elyas était tout à coup plus tendu. Il décrivait les quelques pauvres mots sur son écran de téléphone d'un regard inquiet - quoiqu'il ne laissait rien paraître. Robin, qui lui racontait une blague, l'avait ramené à lui d'un coup de coude dans les côtes, et il avait ri avec lui, enfonçant le téléphone dans sa poche.
Il y avait pensé toute la journée. Il y avait pensé plus que d'habitude. Il y avait pensé, et Elyas était en colère d'avance. Il avait fini de se taire, il avait fini de se ranger, et pourtant, il était resté, ce jour-là. Il n'avait pas avancé avec Eulalie ou Cosmos, il était resté fidèle comme un chien qui refusait qu'on l'abandonne. Il était resté fidèle pour Monsieur Voltchenkov.
Il était presque sûr qu'il aurait été fier, si seulement il avait accepté l'invitation des Nova. Mais c'était trop, et Elyas ne pouvait pas se trahir jusque là. Il n'était plus l'enfant docile qu'il avait forgé. Elyas avait peur, mais n'était plus terrifié.
Il était entré dans le bureau, les muscles tendus, la voix sèche. Face à Placide qui était de l'autre côté du bureau, il avait baissé la tête, juste assez pour prouver qu'il était encore, quelque part, soumis. Même s'il se refusait à cette pensée.
« Vous m'avez demandé, Monsieur. »
Elyas avait peur. En fin de compte, il était terrifié.
Placide n'était pas vraiment du genre à sourire. Placide, de son visage l'on en connaît que les traits sévères et les sourcils froncés. La lèvre intérieure mordue en cas de désaccord et les poings serrés lorsqu'ils n'étaient pas rangés contre sa poitrine. Il n'était pas du genre à sourire. Encore moins aujourd'hui. Le regard semblait plus sombre qu'à l'ordinaire et son visage ne s'était pas décrispé depuis la matinée tant il était agacé. Agacé par toi, Elyas. Toi toi toi toujours toi -et il ne comprend pas ce que tu peux bien chercher en te rebellant de la sorte. Pourquoi tu fais ça ? Qu'est-ce que tu cherches ?
Il attend des réponses Placide. Tu vas les lui donner. Et puis, Elyas. Maintenant tu vas arrêter de le décevoir. Pas vrai ?
Parce qu'il n'est pas assez patient pour le supporter plus longtemps.
De la chaise près du bureau il se relève pour observer par la fenêtre derrière. Un soupir qu'il retient et pas un regard pour Ace qu'il sait présent depuis quelques minutes maintenant. Il était en avance, juste assez à l'heure pour apercevoir la colère de ses yeux. Le silence est pesant. La cigarette au bord de ses lèvres se consume bien trop lentement. Et c'est comme si le temps se jouait des maux, il s'arrête pour figer les tourments dans le marbre. Pour que tu le ressentes de plein fouet lorsqu'enfin tu daignes te présenter à lui, toujours aussi ponctuel. Elyas.
Les dents se serrent, les yeux ne quittent pas la fenêtre -fixent le vide fixent tout ce qui n'est pas toi. Il ne veut pas te voir maintenant. Pourtant...
Vous m'avez demandé, Monsieur.
La taffe est tirée aussi lentement que la fumée est recrachée. Placide n'a jamais été très démonstratif, tu étais probablement le seul à qui il ne cessait de montrer ses émotions. Ce n'est pas ce qu'il souhaite mais c'est qu'il est incapable de se contenir tellement l'attente est grande.
Il retourne au bureau pour y écraser le bout de sa cigarette et l'empêcher de plus se consumer. Toujours pas un regard pour Ace quand il le lève pour le planter sur toi.
À quoi tu crois jouer. Réponds.
Regarde moi quand je te parle. et en silence il attend que vos regards se croisent, debout les mains posées sur le rebord du bureau qui vous sépare. À quoi tu crois jouer, Elyas ? Ils brûlent de colère froide, ses yeux.
Ne va surtout pas lui faire croire que tu ne sais pas de quoi il parle.
La voix était distincte et fit parcourir dans son dos un courant électrique bref, qui le tendit des pieds à la tête. Les muscles en alerte, le regard figé, Elyas était resté interdit alors que son alice semblait parcourir ses veines. Ça brûlait sous sa peau. Les mâchoires étaient serrées à se les briser.
« Regarde moi quand je te parle. »
Il leva les yeux immédiatement. Il ne tremblerait pas.
« À quoi tu crois jouer, Elyas ? »
Il avait jeté un regard à Ace, derrière. Un regard de dédain, de mépris, pour celui qui restait là, maudit - immobile et froid. Il avait posé à nouveau son regard sur Placide, et il fut bien incapable de s'aplatir.
Il voulait, il le voulait vraiment, Elyas. Il voulait obéir, il voulait éviter ce schéma qui se répétait encore et encore - chaque fois. De toutes ses forces, il avait essayé ! D'obéir. D'être celui qu'on attendait. Mais Elyas brûlait d'un feu trop fort, brûlait d'une ambition plus grande. Il avait serré les mâchoires.
Désolé, Ace. Serré les mâchoires encore. Désolé, je ne pourrai jamais être comme toi.
« Je fais ce qui est juste, Monsieur. »
Il était resté droit. Il avait levé le menton. Il l'avait regardé et il s'était préparé. Il avait peur.
« Je fais comme mes parents me l'ont appris. »
Pouvait-il être blâmé pour avoir suivi et protégé ses amis ? Pouvait-il être blâmé d'être tombé amoureux ? Pouvait-il être blâmé de ne pas vouloir prôner l'oppression ? Pouvait-il être blâmé d'avoir pleuré ses parents ?
Il avait échoué. Échoué à surmonter toutes ces épreuves, échoué à être un élève parfait.
Échoué à être le fils que vous attendiez.
« Je ne crois pas que ce soit un tords d'aimer trop fort. »
Elior, Robin, Eulalie, Jodie, Oz, et tous ceux-là pour qui il s'était battu jusque là. S'il devait en payer le prix, tant pis. Il l'acceptait. Ils méritaient qu'il continue de les aimer, peu importe ce que ça lui coûtait.
Tu étais arrivé en avance, peut-être espérais-tu avoir une conversation particulière avec lui. Le coeur un peu trop lourd et les sabots qui trainent, tu étais entré tout de suite après avoir frappé. Peut-être pour éviter qu'il ne te réponde jamais, comme il avait la fâcheuse habitude de faire. Tu avais trop attendu, plus jeune... Attendu qu'il réponde "entrez" comme une métaphore à ta vie dans la sienne.
Mais dans un coin de la pièce c'est finalement Elyas qui se ramène. Tu le suis du regard comme tu fixerais un déchet. T'as tellement la haine, que ça déborderait presque de ta cervelle. Pourtant tu t'interdis tout dérapage, tu cicatrices les plaies et tu t'anesthésies les émotions. Ce n'était pas le moment de se scarifier l'esprit.
Comme d'habitude, ton professeur n'avait d'yeux que pour une coquille vide. Tu avais tellement à offrir, au delà de ta servitude. Elyas brillait trop pour toi, tapie dans l'ombre. Et la colère de Placide, tu la voulais pour toi. Tu voulais qu'il te remarque même si c'était pour te détester. Ça serait déjà ça de gagné.
A quoi tu crois jouer Elyas ? Sors du jeu, Elyas. Laisse-moi jouer Elyas.
Tu serres le poing et déglutit lorsqu'il répond, avec impertinence. Tu n'aurais jamais osé. Parce que tu ne poses pas de questions, tu ne trouves aucun problème. Le seul problème c'est lui et la résolution passerait par son annihilation.
Tu n'as aucune idée, de pourquoi tu es encore ici à devoir regarder. Tu sais juste que cette fois encore, tu ne détournerais pas les yeux.
Elyas se tourne vers toi et tu soutiens son regard, haussant les sourcils pour signifier ton mépris réciproque. Puis alors que ton visage vient chercher celui de votre professeur, tu as l'impression de voir un père aveugle. La cécité prenait les hommes tôt, mais lui te prenait juste aux tripes.
Tu ne dis rien, tu vois tout. Tu hurles intérieurement. Tu fermeras les yeux.
« Je fais ce qui est juste, Monsieur. » Ce qui est juste ?
La fureur redouble d'intensité tandis que ses mains posées contre le bois le démangent de plus en plus. Comme mes parents me l'ont apprit.
Les doigts se crispent si fort qu'ils ne pourraient trembler, pourtant à l'intérieur Placide tremble tellement tellement de rage qu'il a l'impression de mourir. Lorsqu'il te regarde, Elyas, il revoit le sourire de Jodie quand il regarde tes yeux il y aperçoit la lueur de ceux de ton père quand il entend ta voix il se demande alors
Pourquoi.
Pourquoi Jodie n'est plus là ? Et toi pourquoi t'es comme ça ? Pourquoi pourquoi pourquoi Elyas pourquoi tu te montres aussi indigne de tout ce que lui t'a apprit ?
C'est dégueulasse.
« Je ne crois pas que ce soit un tords d'aimer trop fort. »
Ça le fout en rogne.
« Bien sûr que c'en est un ! » la voix gronde comme le tonnerre, plus forte et plus tranchante que ses premiers mots. « L'amour que tu crois porter si fort n'est qu'une illusion, Elyas. » et eux, tous ceux que tu penses aimer ne sont que des boulets accrochés à tes chevilles.
Les doigts se crispent encore. Il ne prête même pas attention à la douleur lancinante qui en provient.
« Tu fais ce qui est juste ? Est-ce que tu te fous de moi ? »
Tu oserais, Elyas ? Tu es encore jeune. Tu ne comprends pas. Tu dois comprendre, Elyas. Tais toi.
« Ce qui est juste c'est ta position au sein de cette école, tes responsabilités, Elyas. » Tes étoiles et tous les sacrifices fait pour en arriver à aujourd'hui.
Alors en preuve ses mains claquent fort le bois du bureau avant qu'il ne le contourne lentement pour s'approcher. De toi, Elyas. De sa fierté. Pas d'Ace dans son coin non. De toi.
Mesure l'importance que tu as.
« Tu crois faire ce qui est juste en te rebellant mais tu te trompes. »
Stoppé au plus proche de toi, les bras le long de son corps et la tête baissée pour observer froidement le feu de tes yeux. Tant d'insolence, Elyas. Tu ressembles tellement à ta mère.
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Sujet: incendies | Placide + Ace + Elyas 
Chaque fois qu'il recevait ce genre de messages, Elyas était tout à coup plus tendu. Il décrivait les quelques pauvres mots sur son écran de téléphone d'un regard inquiet - quoiqu'il ne laissait rien paraître. Robin, qui lui racontait une blague, l'avait ramené à lui d'un coup de coude dans les côtes, et il avait ri avec lui, enfonçant le téléphone dans sa poche. 
