7 heures moins quart

TROIS ÉTOILES Messages : 151 Classe : E.

7 heures moins quart
diane & nausicaa

La nuit n'était plus si noire et le ciel déjà annonçait une journée claire. Il n'y avait eu ni rêves ni cauchemars seulement l'illusion d'avoir vécu des heures, les avoir traversées sans avoir rien ressenti. Diane vivait dans un monde mental où la pensée était une reine despotique et négligente, paranoïaque et absurde, fondée par les projections d'une réalité défigurée.

Elle s'était habillée d'une robe blanc cassé qui lui arrivait juste au-dessous du genou, et avait pris avec elle un sac dont la bandoulière en or témoignait encore des injustices que leur école - son église - créait. Dedans elle y avait glissé le fruit du travail de plusieurs heures nocturnes, et laça ses sandales rose pâle à ses chevilles. Elle avait quitté sa chambre en remettant en place sur son poignet la montre (6h30) qu'elle s'était offerte le mois passé et attribua un dernier regard à sa chambre dont la morosité l'avait rendue anxieuse.

La pièce était chargée de souvenirs plus vides les uns que les autres et le gouffre dans lequel elle semblait se dépêtrer lui donnait chaque fois le vertige. Ce n'était pas anodin si elle décidait de la quitter dès les premières heures du jour : elle prenait la fuite.

Il lui avait fallut dix minutes (6h40) pour atteindre le foyer et plus particulièrement ses toits. En arrivant elle avait cherché du regard l'est où se levait le soleil, et avait esquissé un sourire (des témoignages d'émotions qui se libéraient plus facilement lorsqu'il n'y avait personne pour les voir) lorsque les couleurs tendres du ciel commencèrent à lui offrir le réconfort dont elle avait eu besoin toute la nuit. L'aube offrait à l'horizon des liserés orangés qui réchauffaient un peu son cœur froid et endormi.

Lorsque, derrière elle, elle entendit les pas de celui qu'elle supposa être Nausicaa, elle ne se retourna pas, mais son visage semblait apaisé - au moins plus que d'habitude. La fatigue devait jouer.

« J'ai cru que c'était toi qui t'étais endormi. »

(6h45)

DEUX ÉTOILES Messages : 85 Classe : E

On s'éveillait matin, on se levait joyeux, La lèvre affriandée, en se frottant les yeux On allait, les cheveux emmêlés sur la tête, l'œil tout rayonnant, comme aux grands jours de fête

du jour au soir toutes les fleurs restent immobiles les corolles intactes, sans jamais se fermer en fonction des heures ; on les a tranché pour les lui offrir, figées à vie. malgré l'abondance de bouquets à sa porte qu'il porte à sa chambre les roses et les iris ne l'ont jamais bercé comme il faut. les fragrances doucereuses alanguissent l'esprit et puis c'est tout, il reste là étendu à contempler les draps et le temps passe sans lui. dans ces moments-là il n'est pas bien sûr d'exister pour de bon alors pour occuper les songes vagabonds il lit parfois les petits mots noués aux tiges, comme pour se souvenir de son nom. et lorsqu'il voit écrit Nausicaa sur les cartes de vœux il se dit qu'il existe encore un peu, pas comme toutes ces vieilles religions oubliées car plus personne ne croit en elles.

alors il garde les yeux ouverts, laisse la nuit embrasser ses paupières elle colore sombre sous les regards. aurait pu éteindre toutes les lumières si celles néonisées des messages rétro-éclairés n'avait pas glissé des lueurs éveillées dans les iris. s'il n'avait pas l'habitude des insomnies l'incroyable talent de Diane aurait pu être celui de dévorer les rêves ; car il est six heures et demi et le soleil se lève.

Nausicaa l'imite. s'habille de blanc car il exècre l'anthracite, la chemise de cotton trop grande manque de couvrir les mains toutes entières et tombe presque aux genoux des jeans, assortie aux tennis il en retrousse les manches et s'éclipse. guidé par les premiers rayons éclaboussant les couloirs c'est comme chasser l'aurore, elle grandit au fil des étages qu'on gravit. et lorsqu'il passe finalement la porte coupe-feu menant au toit du foyer, Diane drapée de blanc (cassé) elle aussi, accroche tous les éclats d'aube.
s'il ferme les yeux une seconde
c'est parce que le ciel est trop clair.
j'suis pas un dégonflé qui se pointe pas aux règlements de compte.
le dos des doigts passe sur les yeux clos, comme pour chasser l'éblouissement, il les entrouvre pour marcher vers elle et l'Est, vient s'arrêter à ses cotés face au jour. nitescence sur les traits tirés, c'est comme ressusciter que de tendre les joues pour que la matinée les y appose les lèvres. et quand le soleil a redonné des couleurs au visage, il le tourne finalement vers Diane.
alors, t'es bien là aujourd'hui ?
car hier ce n'était pas le cas et sans avoir dormi,
comment être sûr qu'on est enfin demain ?

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7 heures moins quart
diane & nausicaa

Pareils aux tournesols de l'autre côté des champs de blé, ils s'étaient éveillés au soleil qui les saluait avec paresse. Demain était à ce moment où le jour d'après avait commencé, et, pour Diane, ce jour-là avait commencé à côté de Nausicaa. Aujourd'hui avait eu le mérite d'être baigné de lumière.

Elle était restée silencieuse, la question en suspends, car elle n'avait pas de réponse à lui donner. Diane n'était habituellement pas sourde aux sanglots de son propre intérieur, mais pour une fois elle voulait croire qu'elle allait bien.
Qu'elle était bien, là, aujourd'hui.

Alors elle ferma les yeux, quelques secondes, et sa poitrine se souleva pour accueillir l'air qui la gonflait.
Mais ça ne lui réussissait jamais de vouloir être aveugle.
En ouvrant les yeux elle était heureuse de rencontrer le soleil qui s'était fait, lentement, moins timide.

« Non. »

Elle avait légèrement tourné la tête vers Nausicaa pour le regarder. Les rayons du soleil commençaient à peindre de lumière leurs yeux fatigués. Le tableau lui aurait arraché un sourire si sourire ne lui demandait pas une énergie considérable qu'elle n'avait plus à disposition.

« J'ai passé les soixante dernières heures éveillée sans vraiment l'être, je n'ai pratiquement rien avalé et maintenant, en plus, je me sens inconfortable parce que je n'ai pas la moindre idée de comment je suis censée... »

Être, parler, agir.
Une chose était sûre, elle n'avait pas envie d'être cette fille négative qui se plaignait sans cesse ; et la fatigue lui avait joué des tours à nouveau, car elle avait été négative et commençait à se plaindre. Elle s'en voulait, et s'était arrêtée de parler en constatant qu'elle avait échoué à être parfaite.
Elle aurait du se taire, comme toujours.

Alors de son pouce et de son index elle fit mine de lui tirer dessus avec son pistolet sur-mesure.

« Pan. Je t'ai bien eu, j'ai gagné. »

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On s'éveillait matin, on se levait joyeux, La lèvre affriandée, en se frottant les yeux On allait, les cheveux emmêlés sur la tête, l'œil tout rayonnant, comme aux grands jours de fête

Diane ailleurs, si tu n'es pas là, alors où ? c'est vrai que tes regards semblent revenir de loin. soixante heures en suspens, volatilisées quelque part dans l'atmosphère. à décrire les nuits blanches d'affilée, ça fait écho dans l'esprit embrumé de Nausicaa. l'état dans lequel on se retrouve après trois soirs sans fermer l'œil lui rappelle le sentiment de flotter qu'on avait dans les aéroports à l'enfance. des heures qui ne veulent plus rien dire, tant elles changent dès qu'on franchit une frontière. et les panneaux lumineux des terminaux, incohérents à force, ils passent d'une langue étrangère à l'autre toutes les dix secondes. c'est se sentir partout et nulle part à la fois. alors tu ne sais pas
comment tu es censée

et comme les heures,
les répliques suspendues elles aussi.

Nausicaa t'avait dévisagé l'air d'attendre la suite sans se soucier du délais. conscient du décalage horaire, normal que ça mette du temps à arriver et si ce n'est pas pour ce matin, la fin de la phrase, ça ne fait rien ; demain le jour se lèvera encore. distrait, à être attentif aux signaux que tu émets, Diane tu en profites pour dégainer ; tire la première, comme dans la chanson de la fille revolver.

jouant le jeu, il plaque les mains sur le cœur et fait mine de chanceler, serre le tissus blanc au creux des doigts comme s'il allait bientôt se tâcher de rouge et grimace pour de faux.
arg- traître ! à faire genre t'es pas là et blablabla tout ça pour m'avoir par surprise-
et il se détourne pour finir d'agoniser, se laisse tomber assis et puis s'allonge à même le sol les omoplates épousant le béton froid il ferme les yeux sans cesser de tenir là où on est sensé être blessé. la comédie comme excuse pour s'affaler, on soupire les derniers mots.
c'était pas juste, comme duel. j'ai pas fermé l'œil depuis presque aussi longtemps qu'toi, et le dernier truc que j'ai mangé, j'm'en souviens pas... j'me vengerai. et ce s'ra terrible.
avant de rester immobile, pour mourir au soleil. sent les rayons picoter la peau rendue presque translucide par l'insomnie, l'étau des côtes étouffant jusqu'à maintenant, tout à coup sept heures au tournant et Nausicaa respire enfin paisiblement. c'était peut-être ici qu'il fallait dormir.

mais il faut vérifier si tu n'as pas disparu Diane alors les regards se lèvent à leur tour, voient d'abord l'oranger du ciel avant de te retrouver encore debout.
tu t'assois pas ?
au travers des cils c'est encore moins évident de deviner à quoi tu penses, et on ne parle même pas de comment tu te sens.
vas-y je sais que t'as gagné pas la peine de continuer à me regarder de haut comme ça.
insouciant, le souffle amusé
à trop voyager on oublie de prendre des couleurs, Diane, même en transit, dans les terminaux comme sur les toits, il faut tenter de se poser.

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7 heures moins quart
diane & nausicaa

Les bras s'étaient jetés à la poursuite du corps de Nausicaa, comme pour en arrêter la chute. Les mains avaient cherché dans le vide de quoi le rattraper, l'empêcher de tomber, mais trop tard, le mal était fait, et désormais sa victime jonchait le sol. Accompagnant son mouvement, son corps s'était penché en avant, puis elle s'était relevée.
Elle avait freiné dès qu'elle s'était sentie emportée, avait reculé en sentant sa poitrine s'affoler, avait tout repris sous son contrôle pour ne pas avoir l'air trop bête, pour ne pas s'écorcher les genoux sur le sol, pour ne pas
tomber avec Nausicaa.

Elle avait fait faner son sourire (ou ce qu'il en était), et avait tourné la tête vers le soleil qui se levait pour elle (c'est ce dont elle se berçait du moins).

« Tu t'assois pas ? »

Elle l'avait regardé.

« Vas-y je sais que t'as gagné pas la peine de continuer à me regarder de haut comme ça. »

Et elle avait ri ; pas d'un rire pâle comme elle riait d'habitude ; d'un rire clair et léger, qui chanta à ses lèvres fatiguées. Son visage avait enfin recouvré de sa lumière.

« On est mauvais perdant ? »

Elle hocha un peu la tête, et partit s'asseoir à côté de lui. D'abord il y avait ses mains sur le sol, et puis elle se retourna à nouveau vers le soleil, tant pis pour la robe blanche elle l’époussetterait plus tard.

Elle releva une jambe et enfouit son visage près de son genou, croisa ses bras autour de son tibia.

« Je veux croire que le soleil se lève pour moi. »

Elle ne faisait pas que se bercer de cette idée, elle l'épousait comme une philosophie.

« Il me rappelle qu'une nouvelle journée a commencé et que je peux abandonner celle d'hier. »

Celle qui faisait mal ; qui était trop longue ; et trop pleine de honte.
Chaque matin, le soleil donnait à Diane l'espoir que cette journée était celle où ça allait changer, où elle aurait fini de errer à la rechercher des jardins de fleurs.

La journée d'hier n'en était qu'une autre plus. Et à regarder la lumière inonder le paysage, Diane s'était apaisée. Elle avait retrouvé un peu de son sourire, avait penché la tête vers Nausicaa - sa joue contre son genou.

« Bienvenue dans un nouveau aujourd'hui. »