A

You got to keep me focused
you want it? say so

alma fitzgerald, irlandaise, universitaire spé artistique
entrée à 3 ans à l'académie
dit qu'elle kiffe mais a-t-elle le choix

♝

Chorégraphie
Alice diffus.
????? PHY PSY ou TECH???? aidez moa

Spoiler:

00:11 Super soirée!!! je suis en retard sur un devoir à rendre, et selon tous mes pronostics sur deux autres à partir de demain minuit. Le plus pressant est un exposé + compte rendu sur un spectacle de danse contemporaine de 3h que je dois faire depuis deux semaines. Bien entendu, je suis en train de regarder ledit spectacle en vitesse x2.5 sur dailymotion tout en me faisant les ongles de pieds.

00:51 J’ouvre mon téléphone sur une notification d’un match avec un type que bien sûr je n’aurais pas le droit de sortir pour aller rencontrer. De toute façon avec ma chance, ça va être un laideron, un psychopathe, ou un rappeur soundcloud. Peut-être, qui sait, les trois en même temps.

00:52 J’ouvre le message. Le mec est trop beau. !!!!!!!!!!! Prise de panique, j’éteins mon tel aussitôt et le jette au fond de mon tiroir. Non mais ça va pas? Je suis INCAPABLE d’engager une conversation avec un type comme ça, encore plus à cette heure ci. Je vais en profiter pour me concentrer sur mes devoirs. Où ai-je la tête?

00:55 J’ouvre word pleine d’espoir et regarde pensivement l’écran pendant cinq bonnes minutes.

01:00 Je rallume mon téléphone, envoie un screen du mec à trois groupchats et un DM à Thomas.

01:05 Thomas ne me répond pas. Je n’en peux plus. Je vais faire cent squats pour me calmer.

01:10 J’abandonne au trente-et-unième squat. Thomas me répond en me proposant des phrases d’accroches. Je lui répond que c’est hors de question que je fasse le premier pas. Thomas me demande ce que je lui demande alors, je lui que je ne lui demande rien mais du soutien, il me dit que je ne sais pas ce que je veux, je lui répond qu’une mèche décolorée dans les cheveux, ça ne lui irait de toute façon pas. Il me laisse sur vu.

01:15 Le mec de l’appli engage la conversation. J’hyperventile, renvoie un DM à Thomas, qui maintenant me boude. J’ai l’ambition de faire cent pompes et m’arrête bien sûr à la moitié.

05:00 Mon réveil sonne car dans un passé lointain je me suis laissée croire que je pourrais finir mon projet à l’aube. Je ferme les yeux cinq minutes.

05:53 Je réouvre les yeux et me saisis de mon ordi en panique.

06:45 Après avoir péniblement remplit trois pages dans une langue pseudo anglo-saxonne et ajouté 12 vieilles images sur un powerpoint tout en ricanant comme une hyène cocaïnomane, je me sens enfin prête à entamer ma journée.

07:30 Forte d’une douche et d’un repas nourrissant de coca light et de barre chocolatée, je pars gaiement vers les portes du pénitencier.

07:45 Mensonge complet. Je ne suis pas partie encore parce que j’ai été tagguée dans un challenge tiktok, que je n’aurais pas le temps de le faire aujourd’hui avant 18h et là tout le monde l’aurait fait avant moi. Ah moins que je ne le fasse aux toilettes? Oubliez ça craint grave. Bien sûr j’ai changé de haut pour l’occasion et du coup je dois en changer. Ne me dites pas que je vais être en retard, parce que j’étais vraiment vraiment bien partie pour une fois.

8:10 Je me fais bousculer par des primaires sur le chemin des cours. Des PRIMAIRES. À ce point là autant s’avouer vaincue, rentrer chez moi, et recommencer la journée demain à zéro. Je vois que Thomas a décidé enfin de me répondre parce qu’il a des trucs à me raconter et j’en profite pour me plaindre en envoyant trois messages vocaux.

8:45 Assise en attendant que les présentations d’exposés commencent, j’ai encore des pulsions meurtrières mais me rapelle que j’ai aussi un jour été naine et mal élevée. Je rêvasse en pensant à quand j’étais en classe A, avec les copains. Me revient aussi ma coiffure de bouffonne de l’époque et autant vous dire la rêverie tourne vite au cauchemar.

08:55 La prof commence à faire cours normalement et je me rends compte que mon exposé est en fait pour demain et que je ne suis restée debout pour rien. Quelle vie ! Quels rebondissements ! J’affecte un air bienveillant en écoutant ma brave enseignante pour qui je suis à présent débordante de gratitude.

09:01 Mon reflet dans l’armoire m’informe que mon air bienveillant est en fait un air benêt. Je décide illico de refaire la gueule tout le reste de la journée.

10:10 Je profite d’une pause entre deux cours pour me rattraper mon retard de travail. Je sors toutes mes affaires et perd pour une raison inconnue une heure et demi sur mon téléphone. Je stalke le type d’hier et en tombe aussitôt follement amoureuse.

11:45 Je m’empresse de rejoindre les potes pour déjeuner. Nancy m’aide à envoyer une réponse audit mec. Je lui explique pendant 20mn ce que j’ai eu le loisir d’overthinker au lieu de travailler, et elle est assez diplomate pour faire semblant d’écouter. Henry abandonne cette politesse au bout de 3 minutes.
Je me réconcilie avec Thomas au niveau du dessert et je le supplie de faire un flip the switch challenge avec moi si j’accepte de l’aider à se teindre les cheveux. Il me dit qu’il ne veut plus se teindre les cheveux. Je ne sais même pas pourquoi je me démène encore pour mes amis dans ces conditions...

14:10 Jones et moi entrons royalement en cours avec une demi heure de retard.

14:35 J’apprends fort marrie que le devoir que je pensais faire ce soir était lui, pour le coup, vraiment pour aujourd’hui. La vie est pleine de surprises !!! Fort heureusement Jones étant en retard sur le rendu d’encore avant je pense réussir à le rendre d’ici demain sans encombre.

16:30 Je travaille sur mon Alice, plus spécialement une choré que je prépare depuis quelques semaines maintenant. Pas pour me la raconter mais pour le moment je fais des trucs de ouf.

17:30 Je me rafraichis d’un coca light en me déménant sur le devoir que j’aurais du avoir fini quelques heures plus tôt.

20:30 J’envoie ça avec milles excuses à mon prof. J’échange trois messages paniquée avec M. Application, mais il m’envoie un message un peu trop osé et prise de panique je le supprime. Qu’ai-je fait???

20:41 Persuadée que je ne trouverais jamais l’amour, j’envisage un instant depuis les affres de ma dépression de m’épiler les sourcils.

20:45 Je reçois un mail encourageant d’un de mes coachs re: ma nouvelle choré et je change d’humeur tout au tout. D’ici deux ans je me casse d’ici et grâce à mon talent surnaturel je deviens la coqueluche des stars. Je rêvasse à une vie loin d’Irlande à bronzer dans une maison avec villa et un tigre de compagnie.

21:10 Je ressombre dans le blues. Je n’aurais jamais dû supprimer ce type et maintenant je vais finir toute seule. Je scrolle pendant une heure.

22:13 Je me rends compte que je n’étais pas dépressive mais que j’avais simplement oublié de dîner. Je m’enfile un paquet de bonbons et me voilà pleine de suffisamment d’énergie pour harceler tous mes amis sur les réseaux sociaux.

23:10 J’envisage de poursuivre mes persécutions en personne en frappant à la porte d’une copine. Pour leur bien à toutes je décide qu’il est trop tard pour cela et me prépare pour une nuit régénérante.

23:51 Je caresse l’idée de me faire un masque de beauté alternatif à base d’huiles essentielles et d’un yaourt volé au réfectoire mais ait de vagues souvenirs de ma dernière idée de la sorte et du visage monstresque dont j’en ai jadis hérité. Je décide donc de repousser cette mauvaise idée-là à plus tard, comme ma dernière deadline de la semaine. Quarante squats, vingt-huit pompes et trente-six messages plus tard, je m’endors du sommeil du juste.

C’est une histoire idiote (mais je connais peu d’histoires malines). Elle est de surcroît très courte. Tout commence ici, à l’académie, et y finit de même. À ce rythme là autant ne pas commencer du tout, et facile de croire que rien ne changera jamais.

Dans cinq ou six vieux cahiers, cachés sous les lattes du parquet, il y a ce que cette histoire aurait pu être. Certaines versions sont ouvertement fantastiques, mais les plus touchantes sont toujours les plus communes. Des histoires d’enfant qui ferait de la pâtisserie dans la cuisine avec sa mère, que son père viendrait voir au spectacle de danse, des faux souvenirs de la banquette arrière de la voiture en allant vers la mer. D’autres plus romanesques la voient s’enfuir de l’Académie vers dix ans et vivre dans la forêt, élevée par des loups, ou rejoindre la maison familiale, être accueillie à bras ouverts. Mais cela ne sert à rien d’en parler. Quand elle y pense, sa gorge se serre, ses yeux s’embuent, et Alma se remplit de ce mauvais mélange de tristesse, de gêne et de colère.

Mais il y a toujours demain. À onze, douze ans, elle est trop vieille pour les histoires, pense-t-elle, et juste assez grande pour saisir le précipice d’opportunité que le futur représente. Elle souhaiterait placer tout ce qu’elle a d’impatience et de rêve sur la balance, et croire que derrière le voile insaisissable des années à venir se cachent la vie, la vraie, l’amour. Elle mériterait non, pour une fois ? D’un autre côté, si tout cela s’échappe encore, alors qu’elle tend la main...
Non, elle ne se laissera pas avoir, cette fois.

Quel horreur que la jeunesse ! Quelle horreur qu’avoir de l’espoir. C’est du gâchis d'énergie et un piège qu’on tend à soi-même. Toute personne ayant un peu de respect pour elle même devrait se résigner à ne rien attendre du monde, à en affronter les déceptions avec droiture et sans sensibleries. C’est en tout cas comme ça qu’Alma espère endurcir son coeur.
De vous à moi, ça ne marche pas très bien.

Alors que reste-t-il à faire? Bouger, sauter sur le lit, courir, tout projeter sur ses amis,  s’agiter, se mentir, crier, se distraire, se protéger, hurler de rire, pleurer, se cacher, se barricader, se rouvrir, se refermer encore, se faire encore plus d’amis, mentir toujours, enfouir, rêver mais la porte fermée, s’en vouloir de rêver, bouger encore plus vite, ne pas se laisser abattre, ne pas se laisser tomber. Et puis danser, pardi.