on rime à rien ❞ (juno)

\|	la vie est belle : j'ai envie de tout détruire ; juno-bianca & stelian

— ça ne va pas.
tout est redevenu normal depuis cette nuit-là, les cours, les élèves tout s'est envolé aussi vite que ça s'était instauré, ce climat d'effroi de stupeurs et tremblements dans l'académie tout entière, ce nid douillet pour toutes les ambitions les plus cruelles, les dédales les plus sombres de l'esprit qui s'extirpe de leur coquille pour muter en noirs desseins.
les emplois du temps sont cadrés, millimétrés, le corps enseignement à peine éraflé ((en apparence)) par les cris de terreurs de la veille - c'était presque la veille, à relativiser.
ça ne va pas.

Stelian a vu, cette nuit-là, les regards amoureux les baisers invisibles envoyés en secret en cachette, les désirs de toucher caresser l'autre qui lui appartiendra dans un second temps, loin des autres, dans un univers intime et imperméable à la laideur du monde : il a vu tout ça, spectateur, là où il voudrait être acteur. Il a vu sa cadette, sa soeur adoptive, de coeur (( dans son coeur elle est bien plus mais on a pas le droit de le dire pas vrai ? )) pas de sang il l'a vu s'échapper de ses bras possessifs maladifs pour se réfugier dans l'étreinte d'Anaël Quinn - qui ?

l'ultime affront dans sa déchéance déjà annoncée, amorcée depuis des années, dès sa naissance ce serait trop, mais un temps pas si loin que ça. alors son cerveau il l'a tourné retourné dans tous les sens chercher l'erreur de calcul dans son existence méthodique, calculée, tout sous son contrôle et pourtant tout qui lui échappe.

Laëstiel
Gwendoline
Galène aussi, un temps.
Juno.

Juno-Bianca Rhodes.

alors il sourit, avant de se lever du lit de sa chambre de deux étoiles (( ça aussi, il faudra le régler, il s'en doute )) d'attraper sa veste d'uniforme impeccablement repassée, la seule chose qui trahissait son absence totale de cours aujourd'hui, c'était ses cheveux en bataille, d'habitude impeccablement rangés en désordre contrôlé.

Il dévala les escaliers pour se rendre vers les salles de cours, et un peu essoufflé, il sortit son smartphone de sa poche pour trouver un peu d'avance sur le planning de la reine des abeilles - la seule à avoir connaissance et soif du contrôle du monde, comme lui.

sauf qu'elle, elle est en haut.
lui est au sol, tout seul.

alors quand son joli minois se démarqua de la foule d'élèves pressée de sortir, il s'avança vers elle la démarche assurée, creusait le sillon entre leurs deux ambitions et la majesté en demi-teinte pour seule ombre : pour finir par lui barrer la route, doucement, mais fermement.

« t'as une minute ? » il s'entendait tout seul, ordonner puisque demander ne suffirait pas - là aussi, quelque chose n'allait pas, et ça le piquait cette fois. alors il se racla la gorge, détourna le regard pour le rediriger plus doucement vers elle « hum... j'ai besoin de te parler, s'il te plaît »

il passa sa main dans le dos de Rhodes, l'entraîna à l'écart des autres indiscrets « Anaël Quinn, ça te parle ? Il traîne autour de ma soeur et je veux m'assurer que c'est un gars bien. Comme j'ai pas trop de nouvelles en ce moment je suis obligée de venir te voir. » la voix sifflait, rude, grave, impérieuse - comme d'habitude

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Beaucoup de choses allaient de travers, mais avec les récents événements et sa nouvelle place au sein de la section Nova, Juno avait le sentiment de reprendre les rennes ; le contrôle ; elle avait ré-organisé tout ça qui s'était effondré et avait à nouveau érigé des frontières entre ses émotions et le reste. Ainsi il n'y avait plus que l'immense château où elle était reine, sa souveraineté sous l'étendard auto-proclamé.

Lorsque Stelian s'imposa à lui, elle était alors armée - stable - et s'apprêtait à une nouvelle bataille, décidée à ne rien lui laisser.
Mais Stelian n'attaqua pas ; il lui demandait. Elle avait haussé un sourcil, vaguement intriguée par la sensation de paix que son alice lui procurait, et avait suivi le mouvement, de son pas habituel : avec ses talons qui faisaient un bruit infernal.

« Ouais, Anaël. »

Elle haussa les épaules. Elle avait retourné ça dans tous les sens le jour où Laëstiel lui avait appris qu'il existait quelque chose entre eux. Elle avait même...
Ah, valait mieux pas y penser.

« Il a ma bénédiction, si c'est ça que tu veux m'entendre dire. »

Mais une chose échappait peut-être à Stelian, un détail cependant : Laëstiel lui appartenait à elle, ni à Anaël ni à Stelian. Il n'en avait jamais été autrement.

« Dis-moi, tu t'inquiètes pour ta sœur ou tu t'inquiètes d'être abandonné et seul ? Tu sais très bien qu'elle ne risque rien. S'il s'avérait qu'un mec lui brisait encore le cœur je serais là pour lui briser les genoux. Et son cœur aurait plus rien à craindre car ça l'aura réparé. »

Et c'est toujours comme ça que ça avait fonctionné.
Laëstiel ne pouvait pas s'effondrer, jamais complètement, parce qu'elle était la pièce maîtresse du jeu de Juno et qu'elle mettait tout en oeuvre pour la garder sur l'échiquier.

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— Stelian commença par lever les yeux au ciel - évidemment, Juno-Bianca Rhodes brandissait les armes aussi bien que lui ((mieux que lui, en fait)) et maintenait ses positions bien à l'abri, gardée de toute attaque sournoise, qu'elle eût été directe ou indirecte.
Majesté Rhodes, sans aucun doute.

Il s'apprêtait presque à tourner les talons, rageur et violenté dans son égo par la bénédiction toute accordée, partir se terrer dans son antre comme la bête qu'il devenait - jusqu'à ce qu'elle le rattrape, in extremis, sans le savoir.

« pardon ? c'est pas parce que tu lui as donné l'absolution que je vais faire confiance à un merdeux qui sort de nulle part, ne confonds pas tout » le voilà, l'égo heurté, saignant, tout dévêtu dans sa colère et sa haine du monde entier « c'est certainement pas lui qui va me faire me sentir... seul et abandonné »

alors il mima un rictus, baissa sa voix devenue presque criante ((de vérité)), s'appuya sur le mur du couloir et baissa ses yeux sur la longue chevelure rousse, narquois « tu me sembles bien sereine, pour quelqu'un qui vient de voir s'immiscer un moins-que-rien entre sa bien-aimée et elle » comment faisait-elle, pour maintenir ce contrôle permanent ? « moi je perdrais rien, je suis son frère après tout, je serais toujours plus important pour elle » l'auto-persuasion, encore et encore, fracassante et hurlante, qui semblait bien mensongère dans la plénitude de leurs confidences.

« toi en revanche... t'es que sa meilleure amie. Tu ne crains vraiment rien ? » et c'était la tentative d'inverser les rôles, la laisser en position de faiblesse pour ne pas voir qu'il était juste en dessous, depuis ce soir-là.

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Juno ne s'était senti ni menacée, ni insultée. En fait elle n'avait rien senti du tout, et avait laissé les menaces glisser, les avait regardées passées dans l'eau, elle assise au bord de la rivière. Elle avait penché la tête, et avait regardé Stelian, un peu intriguée.

Le jeu auquel il jouait semblait s'effondrer, n'était-il plus maître de rien ? Elle avait hoché la tête.

« Qu'est-ce que tu cherches ? »

Car de toutes évidences, il n'avait pas trouvé. C'était elle, Juno, qui avait passé tous ses repas et ses soirées aux côtés de Laëstiel. Pas Stelian, pas Anaël. C'était elle qui était l'oreille des confidences. C'était elle qui était l'étreinte qu'on recherchait quand tout allait mal. Elle n'avait strictement rien à prouver - et son alice ne s'était même pas offusqué. Juno était toujours reine, et Stelian ne l'avait même plus fait vaciller - pas même un peu, là où auparavant il la faisait trébucher systématiquement.

« Tu es vraiment venu me parler pour me dire... ça ? »

Elle haussa les épaules, un peu lasse.

« Je ne sais même pas ce à quoi tu t'attendais, pour être honnête. »

Qu'est-ce que tu es vraiment venu chercher auprès de moi, Stelian ?

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— là où il y avait du narcissisme, de l'ironie, des manigances de tout style il n'y avait plus que de la fureur, de la solitude, le courroux de celui qui s'empêchait de vivre en attente de son heure, celle qui ne venait pas, même après ce soir-là.

Ce soir-là ça tournait en boucle dans sa cervelle, des petits termes anodins utilisés par le commun des mortels, celui dont il croyait s'échapper depuis tout petit, depuis que Stelian était gosse, ce bambin arraché à une vie sans hostilité, aimé choyé par les vrais - ceux qui partageaient son sang et ne lui inspiraient aucun sentiment contradictoire, cruel, indécent.

Ce soir-là, c'est la vérité qui lui a éclaté en pleine gueule, en prenant la forme délicate de Laëstiel et Anaël, ensemble.

« prends pas ce petit ton condescendant avec moi, Rhodes... » ça aurait pu continuer, délibérer dans des vacuités belliqueuses et sans grand gain à la sortie ((gagner, encore, toujours, sa vie en perpétuel match, son honneur comme enjeu stupide)) « tu ne vaux pas mieux que moi »

il recula d'un pas, deux en fait, et la menace de toute sa grandeur sur elle, celle injustement octroyée parce qu'il est un homme, ses traits crispés, les poings serrés ((tiens donc)) mais le dos toujours droit, les mots qui sortaient les uns derrière les autre avec une rapidité rare, instable « tu n'as pas plus de contrôle que moi sur la situation » il se rendait compte de l'absurdité des accusations, ça saignait tellement que même lui ne pouvait y réchapper, et pire encore, le confort de la conversation d'avant, banale entre lycéens - adolescents « tu fais rien pour reprendre le dessus et ça m'étonne de toi »

((ça le dégoutait))

« je pensais que t'étais reine, t'es en train de perdre un joyau de ta couronne » les fiertés, les parures, les politesses perfides, il y avait plus grand chose de tout ça « dégage Quinn du paysage »

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Juno avait penché la tête, curieuse. L'entendre témoigner de toute cette rage ne le ressemblait pas, et tout à coup le jeu devenait intéressant. Elle avait esquissé un sourire, et ses deux mains vinrent attraper son col pour le faire redescendre un peu vers elle. Elle le tenait fermement, et avait planté ses deux yeux dans les siens, rapproché leurs visages et parla moins fort, mais d'une voix plus acide.

« En fait ce n'est pas moi qui dois me sentir menacée, n'est-ce pas ? »

Un ricanement sordide avait vrombi dans sa gorge. Elle le maintenait près d'elle, où il était interdit de fuir - du regard.

« Tu te sens menacé et tu cherches à ce que je le sois aussi pour faire le travail à ta place. »

Elle se sentait si victorieuse, en ce moment.

« Laisse-moi te dire une chose, Stelian. »

Elle avait susurré près de son oreille.

« Anaël est mon ami. Tu comprends ce que cela signifie ? Il fait partie de mes cartes, lui aussi. »

Et lâcha finalement son col, en haussant un sourcil.
Anaël, Laëstiel ; ils étaient tous les deux entre ses mains, et jouaient leur rôle à la perfection. Ils avaient même réussi à lui offrir Stelian sur un plateau.

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— quand Juno-Bianca s'était saisi de son col, Stelian avait dégluti, pincé les lèvres, froncé les sourcils, tout ça en rythme anarchique à l'unisson de son palpitant, si bien qu'il s'était surpris lui-même à en avoir un qui battait trop fort depuis tout ce temps.

leurs souffles s'étaient mêlés dans une torpeur érotique, mais elle était victorieuse, et alors avait arraché toute dimension sensuelle à cet échange si identique à celui partagé près du gymnase - celui qui l'avait débouté en premier lieu, il fallait bien le dire.

elle s'éloigna, il reprit position, rajusta sa veste d'uniforme sans la quitter ((la mépriser)) du regard, passa sa manche sur ses lèvres - il avait tout repris des gestes adolescents de son âge, ça le rendait soudain plus humain, plus naturel, comme si l'aîné de fratrie morbide et sadique laissé pour mort, remplacé par un Stelian au coeur dysfonctionnel et débordant ((quand même pas)

« un ami ? te fous pas de ma gueule, c'est juste un pion de plus que t'hésiteras pas à sacrifier quand t'auras un intérêt à le faire » il avait relevé les yeux, mais une tache rouge, minuscule sur sa manche avait basculé son attention sur le tissu - il s'était mordu la lèvre, par la surprise de leur accolade ((un assault dont il était sorti vaincu)) « je ne me sens pas menacé »

presque les mêmes mots, dans le même ordre, la conviction en moins « en fait c'est ça ton secret, c'est que tu n'aimes personne ? Ça te permet de garder la main sur tout » ça sonnait comme une révélation, mais malgré tout ça, Stelian ne hisserait jamais Juno-Bianca en rôle de sainte : ils étaient tous deux pêcheurs, mais l'un des deux avait une place privilégiée en Enfer « ni Laëstiel, ni Dwight »

puis le sourire revint, toujours sardonique, un peu plus sincère

« je suis même pas sûre que tu t'aimes toi » il remit ses vêtements en place, une nouvelle fois, tic maniaque, une tentative de reprendre le dessus - et se rappela de comment il avait fait tout ce temps, passa une main sur le visage de Juno, trop doucement pour que ce soit signé, mais ça avait quelque chose de tranquille, serein - pas si désagréable que ça

alors il retira sa main aussitôt, avant d'ajouter une seule remarque ayant eu pour but de la faire trébucher
lui tout seul, il manquait de perdre pied « je ne perdrai pas le contrôle »

sans sommation, mais sans menaces non plus

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Juno était lasse. Pas de lui, mais d'elle-même. Lasse car elle ne trouvait plus de joie, plus de satisfaction, ni à gagner ni à contrôler. Il avait raison.

« C'est vrai. »

Et il était le seul à qui elle pouvait le dire ; se confesser. Elle avait relevé légèrement le menton, et baissé les yeux vers le côté. Ça ne lui ressemblait pas de détourner le regard, mais il ne s'agissait pas là d'une fuite, plutôt d'un abandon.

« Je n'aime rien, ni personne. Et je me persuade de m'aimer moi-même pour combler les béances de ma propre estime. Ce n'est pas tant que je ne m'aime pas, Stelian. Je me hais. »

Sa voix était devenue sèche et elle avait relevé ses yeux pleins de condescendance vers lui. Il n'y avait aucun apitoiement dans sa voix, aucune tristesse. Rien que sa voix froide - glaciale.

« Je me hais comme je hais tout le monde. Et je contrôle tout ce et ceux qui m'entourent pour ne jamais les laisser m'atteindre. »

Elle haussa un sourcil.

« Es-tu content de le savoir ? Es-tu content, maintenant que je l'ai dit ? »

Elle haussa les sourcils.

« Crois-moi. Tout ça m'est égal. Je suis lasse. »

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— il était prêt, fin prêt à la prochaine riposte, celle qui ferait mal à coup sûr, quand bien même elle était vaine sans aucun sens et se perdrait dans l’Histoire de ce qui liait depuis le début Stelian O’Cesair et Juno-Bianca Rhodes. Profitant des quelques secondes de répit silencieux, Stelian s’était réarmé, sur le qui-vive, prêt à dégainer la prochaine tirade qui ferait pas vraiment mal mais qui aurait le mérite d’avoir été.

Il n’en était rien.
Elle s’inclinait avec toute sa royauté, ça n’avait rien d’inélégant ou de risible, au contraire, il y avait grâce et élégance.
alors il se retrouvait là, les bras ballants, encombré de toute sa guérilla intérieure qu’il venait exorciser entre ses bras - et ça, c’était une grande claque.
démuni, riant de sa propre situation avec un soufflement moqueur, la main devant ses lèvres et le regard étrangement serein - il ne se permettrait pas de se moquer d’elle.

« tiens, j’aurai tapé juste cette fois ? » devant leur ridicule, le comique de situation, la répétition ne fonctionnait plus alors il retrouva une certaine gravité sur ses traits, baissa le regard vers elle et rangea ses mains dans ses poches « t’as gagné. »

il se coupa lui-même, réfléchissait à ce qu’il eut été juste d’ajouter « je suis en train de perdre le contrôle.» ((la perdre, elle)) ça n’avait rien d’hilarant, là non-plus ((mais c’était pas braiment pathétique pour autant )) « mais moi, j’ai rien pour me retourner. Je me retrouve comme un con » on étaient deux cons, finalement - on rime à rien « c’est pas la haine des autres, qui fait qu’on arrive à s’entendre » la haine de nous, mais est-ce que ça valait la peine de le dire à haute voix ? les œillades étaient suffisantes « mais toi, tu continueras à briller, quand bien même on t’aurait pas retrouvé ce soir-là »

là, l’aveu de faiblesse

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Elle l'avait regardé.
Simplement.

Où il n'y avait plus de leurs façades, leurs jeux, où il n'y avait plus rien sinon eux qui se regardaient. Et dans le silence, les aveux, dans le silence, ils n'avaient plus besoin de rien. C'était cette haine viscérale qui les rongeait profondément, c'était tout ça d'eux qu'ils témoignaient sans rire - se moquer - sans rien.

Sans une remarque.
"Je témoigne de toi" et c'était tout.

Elle avait accepté, tout accepté de lui, et jusqu'à toutes les faiblesses qu'il lui offrait finalement. Juno avait élevé sa voix qui n'avait plus rien de froid ou d'acide ; qui était juste simple - neutre - ne portant plus que l'identité de Juno (celle qu'on ne voit pas, celle qu'elle ne montre pas).

« Là. »

C'est là ; c'est ça.
C'est ça que je veux, ces sensations qui me prennent, m'attrapent.
C'est ça ; cette sincérité, cette authenticité qui n'existe que lorsqu'on se voit.

C'est ça que je cherche.

Et Juno a avancé d'un pas, a avancé ses deux mains qui glissèrent à son cou puis à ses joues.
Le gracia d'un baiser doux, simple, chaste. Avant de le quitter, reculer d'un pas.

« C'est pour ce Stelian, celui-là »

Aucun sourire, mais quelque chose au bout des doigts qui s'arrachaient à lui.

« Pour celui-là que je veux bien ressentir. »

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— dans leur échange bref, Stelian ne sut pas immédiatement si c'était la douceur du contact, l'aspect inattendu du don de soi qui n'était pas si désagréable, ou simplement la plénitude de ceux qui désarment enfin, pour quelques minutes, pour s'abandonner à leur humanité refoulée.

Alors il ferma les yeux, sans se saisir de Juno pour autant - lui laissant toute la liberté de maintenir ou rompre les sensualités ; alors quand il releva la tête et trouva son visage sans la façade habituelle, il esquissa un sourire fin, accompagna d'un soupir faussement victorieux.

« hum, si j'avais su, je serais venu plus tôt » il baissa les yeux en riant, passa une main gênée dans sa nuque et jetait des coups d'oeil aléatoires autour d'eux « je suis pas persuadé de vouloir être cet homme-là, tu sais » c'était assez merveilleux au sens premier du terme, de le voir revêtir les habits de la confession, des confidences intimes, une miséricorde inaccessible quelques jours en arrière - devant Rhodes, et c'était là la seule à pouvoir l'entendre.

et puis en cherchant dans ses traits une quelconque approbation, il s'aperçut qu'elle venait de lui donner, d'une autre manière - ça lui faisait un peu peur « qui l'eût cru ? c'est devant toi que je me montre le plus misérable »

comme une manière de dire merci qui n'aurait été comprise par personne d'autre, il fit un pas vers elle et saisit son visage, déposa un baiser aussi chaste et amoureux qu'il le pouvait sur sa joue ((pas sur ses lèvres, il aurait fait affront)) et revint à sa place calmement - merci il n'avait pas besoin de le dire non plus « j'espère que tu garderas le secret » parce que Stelian serait toujours Stelian, à la différence que ces mots n'étaient pas une quelconque mise en garde - un échange de regards complètement surprenants, d'un autre monde

le leur

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C'était le cœur au bord du vide que Juno avait finalement trouvé que le vertige était une sensation aussi acceptable qu'une autre ; dont la saveur ne rendait ni amer ni malade, mais simplement plus vivant.

Le vertige qui la prenait chaque fois qu'on parlait de sentiments.
Prise de ce vertige-là, Juno était restée silencieuse, mais bien présente, son existence toute reflétée dans ses yeux. Elle était comme dans la découverte de ce qu'elle était réellement, et se délectait de ces sensations nouvelles qui étaient moins décevantes et meurtries qu'elle l'avait supposé.

C'était à croire qu'elle était un monstre qu'elle avait fini par ne plus vouloir se connaître. C'était à croire qu'elle ne trouverait en elle-même que désolation qu'elle s'était totalement rendue imperméable.
On pouvait ainsi dire qu'il avait sauvé une Juno plus véritable.

« Misérable, dis-tu ? »

Elle hocha la tête. Ce n'était pas le terme qu'elle aurait employé, mais ça lui allait bien, pour une fois, d'accepter cette condition.
Misérables. Ils l'étaient sûrement.

Elle releva ses yeux lentement vers lui, esquissa un sourire.

« Dès demain cet échange n'aura jamais existé. »

On continuera de faire semblant, même si tout cela n'a aucun sens.
Juno était assez douée pour faire comme si de rien n'était. Assez douée pour être de marbre et de glace.
Alors si en plus il lui demandait ?
Lorsque Juno tenait un secret, elle le tenait si bien qu'il finissait même par disparaître. Car s'il n'y a pas de secret à garder, impossible de le révéler.

Et bientôt Juno-Bianca redeviendrait la Juno d'autrefois. Celle qui piétine plutôt que celle qui embrasse.
Et il ne pourrait s'en prendre qu'à lui-même.