Fiona a les mains chaudes chaudes chaudes et un sourire qui l'est tout autant.
Le regard doux, les gestes légers, pleine d'attentions tendres et d'encouragement, de compliments rosés, de petits rien qui font toute la différence les jours les plus gris. L'inébranlable calme et l'allégresse d'un lac foré par le soleil. Fiona est populaire, évidemment, elle connaît tout le monde, ou presque, parle à tout le monde, ou presque, a de bonnes notes, est polie avec ses professeurs, aide ceux dans le besoin, écoute les langues qui veulent se délier, extravertie et facile à aborder, Fiona peut parler de tout sur tous les sujets.
De belles relations pétillantes et aussi éphémères que ces papillons qu'elle adore.

Fiona n'aime vraiment personne.
Elle ne déteste pas vraiment personne non plus.
Fiona est vide, tout simplement.
Ces compliments sont creux, mais pas hypocrites. Ce n'est pas un mensonge. C'est une excuse. De la pitié. Parce qu'elle ne peut pas le penser, et qu'elle s'en sent désolée. Alors elle le dit. Elle n'y croit pas, mais ce n'est pas grave, ils sourient, c'est bien, qu'ils sourient, il faut bien que quelqu'un le fasse sincèrement, après tout.
Elle se dit qu'elle est cruelle. Elle l'est peut-être un peu. Elle joue sa vie comme une partie d'échec. Quel rire, quel sentiment, quel mensonge placer, à quel moment, comment survivre, comment faire durer le rêve, le conte de fée, la belle image dorée du réconfort qu'elle incarne.
Une farce.
Elle ne s'en indigne plus.
Pour quelqu'un qui n'a jamais eu de lien réel et solide, tout peut bien rester fiction. Et pourtant elle y rêve encore. Une belle histoire d'amour. Une amitié qui traverserait tout. Elle se trouve étonnamment fleur bleue pour quelqu'un d'aussi détaché. Et toujours insatisfaite de l'insipide réalité.
Elle n'est pas aromatique.
Elle rougit rien qu'à l'idée du mot idylle.
Elle n'est pas une sociopathe.
Elle arrive à ressentir de la colère, de la mélancolie et du dédain, alors pourquoi pas le reste.
Elle n'est pas un monstre.
Pas plus que les autres.
Alors elle devrait pouvoir y arriver.
Aimer quelqu'un.
N'importe quoi.
Être prête à tout risquer.
N'importe qui.
Quelqu'un.
Même elle-même.
Et jamais rien.
Prétendre l'amour pour l'apprendre.
Rien.
L'indifférence.
Le dégoût.
A la fin, de la pitié.

Et un vomi bienfaisance automatisée coule le long de ses lèvres alors que ses pensées se meurent sur sa langue.
Fiona a les pieds froids, froids, froids et un cœur qui l'est tout autant.