De nuage en marécage
T'es un bon Dieu d'Être Humain. Et comme t'es un Homme, bah il y a des choses que tu détestes. Tu détestes les chialeurs, les pleurnichards. Tu détestes les bourreaux, ceux qui s'en prennent à plus faible, les hypocrites et les connards. Tu détestes les tomates, la soupe de betterave et la tequila. Tu n'aimes pas trop la danse ou le tennis, mais tu t'en sors encore un peu. Comme n'importe qui, il y a des choses que tu refuses de faire, et il y a celle que tu n'as pas le choix d'exécuter.
T'es le surveillant en chef, celui qui supervise un peu les surveillant mais qui t'occupe aussi de distribuer les mauvaises nouvelles. Et ça arrive, de temps en temps, que tu convoques un étudiant pour lui apprendre une histoire pas très agréable.
Ce soir-là, tu fignolais le planning de la semaine suivante lorsqu'un coup de fil te fis sursauter. T'as décroché en baillant à t'en arracher la mâchoire, aboyant un "Allo ?" presque aimable. Quand la voix à l'autre bout du fil t'avais appris que la mère de Teagan Kwok avait été victime d'un AVC et qu'elle était actuellement à l'hôpital dans un état critique, t'avais senti ton sang ne faire qu'un tour.
Eh merde.En raccrochant, tu avais réfléchi à la meilleure manière de lui annoncer ça. Teagan était un gamin que tu aimais bien. Tu lui donnais des cours de boxe de temps à autre, pour qu'il puisse se défendre s'il en avait besoin. C'était un truc que t'aimais bien dans le fond, enseigner. Mais tu ne pourrais pas en faire un métier complet.
T'avais commencé par le chercher dans sa chambre, mais il n'y était pas. Alors t'étais retourné à ton appartement et t'avais envoyé un SMS. Conscit, suffisamment pour qu'il s'inquiète et te rejoignes au plus vite, pas assez pour lui annoncer la nouvelle par message.
Dans le même temps, t'avais commencé à préparer du thé, parce que tu avais bien conscience de la situation dans laquelle tu étais. Et que, quand le plus jeune allait arriver, tu pourrais pas lui proposer de boisson chaude si elle n'était pas prête.
Tu n'as pas attendu longtemps, une demi-heure grand maximum. Quand t'as entendu les coups à la porte, tu as ouvert et tu t'es écarter pour qu'il puisse entrer.
Salut. Ton air est grave et, même si tu avais voulu, tu n'aurais pas pu paraître plus serein. Ton salue est à peine audible puisque Teagan te parle par dessus, il te demande de but en blanc ce que tu as besoin de lui dire. Tu l'attrapes par les épaules et l'entraîne dans ton salon, le poussant sans forcer pour qu'il s'asseye, il va avoir besoin d'éviter la hauteur.
J'ai reçu un appel de l'extérieur tout à l'heure. Ta maman à été admise dans un hôpital à Londres. Elle s'est effondrée dans un supermarché, elle a fait un AVC. Je n'ai pas les détails mais on m'a dit qu'elle avait eu de la chance que les gens autour d'elle réagissent rapidement…Elle est dans un état critique mais ils ont jurés de me rappeler au petit matin pour m'en dire plus… Tu ne sais pas quoi dire de plus. Tu n'as jamais eu beaucoup de tact, ni même de talent pour envelopper les mauvaises nouvelles. Tu préfères être cash et franc, quitte à te prendre des coups, plutôt que de minimiser. Tu t'installes près de lui, les coudes sur les genoux, l'observant doucement en silence. Que dire de plus après ça ?