— J'dédicace ce moment au beau-gosse que j'suis. —
Elle brille. La belle montre accrochée au poignet. Tournant légèrement autour de ce dernier dans un geste agile. Un léger sourire habillant le coin des lèvres sur ce visage basané. L'air assuré placardé sur les traits. Comme d'ordinaire, tu erres, Zane. Le dos droit, la démarche nonchalante et quelques mots agréables adressés à ceux qui croisent ta route. C'est l'heure du défilé au réfectoire. L'heure de pavaner devant les jeunes femme en devenir qui ne te connaissent pas encore. Celles qui pourraient avoir de l'intérêt. Celles qui pourraient occuper une nuit. Rien qu'un instant de chaleur à s'offrir. À se partager. Des heures éphémères qui se terminent bien assez tôt pour être oubliées. Un passe-temps agréable pour un jeune homme en pleine possession de ses moyens. Avec un sourire charmeur travaillé sur des années. Tu te la joues, Zane. Rien qu'un brin. Rien qu'un peu. Fier d'être beau aux yeux de la plupart des gens. Arborant les manchettes encrées, la veste sur l'épaule. Amusé. Serein. Stupide. Pour une fois, le crew ne suit pas. Il n'est pas encore arrivé. Les trois potes débiles qui errent autour de toi. Là où tu te sens le plus gamin du monde. Retombant en enfance. Retrouvant les souvenirs de ces dernières années. De ta grande sœur qui n'est plus là. Des rencontres, des amitiés. Les vrais. Les bros. La famille forgée au fil des années. Ils ne sont pas là pour te voir pavaner. Pour admirer la confiance débordante qui suinte de chacun de tes pas au milieu de la foule. Presque roi, un brin prince. Quelques mains s'égarent sur des épaules. Quelques sourires en retour à leur homologue. La même rengaine chaque jour. Et finalement ton regard croise sa silhouette.
Carla, Carla, Carla. La petite souris. Fuyant à présent le chat.
La belle Carla. Elle est venue vers toi. Plusieurs fois. Cherchant la séduction. Peut-être plus. Mais Zane tu sais que tu n'as pas besoin de courir pour avoir ce que tu désires. Si cela ne dure qu'une nuit, tu ne prends pas le temps d'essayer. Tu laisses le monde venir à toi. Alors tu n'as pas cherché à l'attirer d'avantage. À présent, il y a de la distance. Elle s'est fatiguée ? Qui sait. Tu n'es pas bien doué pour l'évaluer. Suivant des instincts primaires sans réfléchir. Sans se prendre la tête. Tu n'as pas le temps pour les détails, Zane. Et pourtant, cela t’ennuie à présent. Que ses orbes ne se posent plus sur toi. Que son regard ne te suive pas. Un brin narcissique. Un poil gamin. Savourant de plaire, refusant l'oublie. Refusant qu'elle ne te considère plus comme quelqu'un et non seulement une ombre passagère de l'académie. Refusant d'être seulement un autre élève random. Tu veux qu'elle te regarde. Attisé par cette envie irrépressible de planter ton regard dans le sien, tu t'avances. Ne pouvant guère la perdre de vue avec ton mètre quatre-vingt-onze. Elle est entourée lorsque tu débarques dans son dos. Enroulant, comme à ton habitude, un bras autour de ses épaules. Un sourire en guise de bonjour à ses amies bien mignonnes. « Salut, ça faisait un moment, hum... tu me présentes tes copines ? » Carla. Carla. Carla. Ne détourne pas les yeux. Tu te penches légèrement pour abaisser le regard. Pour confronter ses yeux clairs. Cet air satisfait étirant la mâchoire. « Soit pas radine, partage avec moi. » un chuchotement à son égard. Pour ne pas choquer les demoiselles qui vous font face. Pour ne pas les faire fuir alors que tu ne fais que t'amuser. Comme toujours. « J'me sentais un peu seul en plus. Tu devrais compatir. Mange avec moi et... évidemment vous pouvez aussi venir mesdemoiselles ! » léger sous-entendu accentué d'une mine exagérée de drama queen. Parce que rien n'est à prendre au sérieux. Tu risquerais de te faire peur si c'était le cas.
Il faisait chaud dans le réfectoire. Presqu’entièrement plein, bruyant, agité. Elle aurait préféré prendre quelque chose à emporter, rapidement, et se barricader dans sa chambre avec une bonne playlist. Elle souffle. Déjà, son groupe d’amies avançait vers les plats dédiés aux trois étoiles et major. Sans rien dire de plus, Carla les suivait, les yeux vagues. Pensive, elle se servait, sans faire vraiment attention à ce qu’elle mettait sur son plateau. Ça n’avait pas grande importance.
Machinalement, elle s’asseyait à la table qu’elles avaient l’habitude d’occuper. Leur table. Proche d’une fenêtre, pas trop collée à une autre, assez grandes pour que toutes puissent s’y assoir. Si l’on s’amusait à faire un rapide tour de table, l’on serait rapidement déçu du manque de diversité parmi les convives. Toutes assez jolies, plutôt populaires, bien maquillées et coiffées, bonnes élèves, dans les petits papiers de leurs professeurs et d’Agatha Windsor, trois étoiles - au moins -. Elles étaient de ces gens là qu’on envie, qu’on jalouse, qu’on aime en secret, dont on craint un peu la désapprobation, celles dont on attend peut être que la vie comble le fossé qui les séparaient des autres et sont on espère aussi, méchamment, que leur arrogance leur jouera un tour à l’avenir. À cette table, rires et piques légères fusaient ; quelques petites tensions persistaient toujours un peu entre certaines d’entre elles, elles qui restaient malgré tout des jeunes femmes de leurs âges. Les potins des unes sur les autres ou des autres qui méritaient leur attention s’échangeaient à toute vitesse, prompts à lancer quelques rumeurs qui mourraient aussi vite qu’elles étaient nées. Carla au milieu de tout ça, écoutait, riait, souriait, chuchotait à l’oreille d’une voisine, grignotait plus qu’elle ne mangeait avec cette nonchalance classe dont les filles de sa trempe avaient le secret. Elle faisait abstraction de tout ce qui entourait ce microcosme doré, du bruit des couverts qui s’entrechoquent, des conversations bruyantes de ceux qui élèvent la voix pour se sentir exister.
Et soudain, sa voisine d’en face lève les yeux et se tait presqu’aussitôt. Elle fronce les sourcils, regarde Carla, donne un coup de coude à celle qui est assise à côté d’elle, l’air de dire regarde, ça va être marrant. Elle met du temps, à percuter Carla. Trop occupée à bavarder. Elle ne se rend pas compte que progressivement, les conversations s’éteignent et que les regards se rivent sur lui. Lui et son bras, massif, qui l’entoure. Elle aussi, se met à froncer les sourcils. L’odeur lui dit vaguement un truc. Pas quelqu’un qu’elle a laissé glisser entre ses draps ; ceux là, elle s’en rappelle. Mais presqu’aussitôt, sans qu’elle n’ait eu le temps de faire un mouvement, il se met à parler. Sa voix le trahit, et elle reste pantoise, un instant. Elle lui en veut, terriblement. Maintenant, et alors qu’elle n’en demandait pas tant, elle allait être source principale de ragots, pendant deux semaines. Au moins. Se détachant sèchement ment de cette drôle d’étreinte, elle poussait d’une main, fermement, son bras.
- Bonjour Zane, pourquoi tu ne te téléporterais pas vers une de tes malheureuses conquêtes ? Elles t’ont toutes recalé ? » Lâchait elle, du bout de ses lèvres crispées en un sourire de circonstance. Surtout, elle ne devait pas croiser son regard. Elle n’avait pas envie, de plonger ses yeux à nouveau dans les siens. De se risquer à croire qu’à nouveau tout les deux ils pouvaient jouer à ce drôle de jeu, auquel elle avait mis fin brusquement. Et d’un autre côté, elle avait envie, de jouer, de le regarder, de le défier d’essayer. De ne pas être passive, de marbre face à lui et ses amies qui observaient la scène avec attention, pour ne pas en louper une miette. Alors elle soutient son regard, et détend les traits de son visage. Tant pis.
- Moi, radine ? C’est plutôt toi, pleutre, même pas capable de leur faire la cour sans que je ne te tienne la main ? Lui répondait elle sans chuchoter. Hors de question qu’elle perde la face devant ses amies. Peut être qu’il s’en irait. Au moins qu’il la laisserait tranquille, et qu’en racontant quelques bobards, elle arriverait à changer de sujet et sauverait tout à la fois son honneur et sa tranquillité. Hélas. Il continuait, en s’adressant cette fois ci à toute la tablée, attendrissant. Il relançait l’intérêt, innocemment. Sourire narquois, la voisine de gauche de Carla se décalait légèrement, poussant leurs amies sans ménagement. Certaines fronçaient les sourcils, d’autres souriaient déjà, de plus belles, comprenant la manoeuvre.
« Voyons… Mérovich c’est ça ? Installe toi avec nous pour manger, on vient à peine de commencer ! » Déclarait-elle, tandis que Carla la fusillait du regard.
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Sujet: « Taquineries abusives. » ↳ Carla. 
