Candida Candidore (PV TEAGAN)

Invité

ft. Teagan Kwok

Résumé.

Candida Candidore

Feuilles tombantes sur des mains levées, feuilles tombées sous les pieds... les pieds...

Ça ne marchait pas.

Blake baissa lentement son petit carnet, les yeux toujours fixés sur la scène devant elle. Élèves allaient et venaient devant elle. Certains couraient, conscients d'un examen proche (et par proche, entendons là quelques minutes), d'autres allaient au gré du vent, marchant un peu sans but aux alentours. D'autres, comme elle, étaient en train de profiter un peu de leurs environs, quoi qu'eux utilisaient leurs portables.

Blake permit au doute de subsister encore, puis décida de se lever. Si jamais la muse de la poésie ne l'avait pas enlacée, alors cela signifiait que cette dernière était ailleurs. Une tragédie que ce ne soit pas dans le parc, mais Blake avait du temps devant elle, et puis, d'une certaine façon, chercher sa muse était en acte poétique en soi n'est-ce pas? Et puis, il y'avait un peu trop de monde. Elle se sentait étouffée alors qu'elle était à ciel ouvert.

Blake opéra une énième petite opération sur son écharpe, en l'enroulant juste un peu plus, et se mit en route, emportant ses affaires avec elle. Quelque part en elle, elle se disait que son petit get-up pour l'hiver, avec la bouche cachée et le bout du nez un peu rouge, avait quand même un air vachement dramatique. Brièvement, elle contempla la prise d'une pose discrète, au cas où, puis elle se dit qu'il serait sans doute mieux d'alimenter son imaginaire, et pas celui des autres.

Le voyage vers une autre partie du parc, moins occupée, fut silencieux mais eut l'avantage d'être rapide.

Blake pourrait juste rentrer dans son petit dortoir, et écrire au chaud, mais dans les faits, elle sentait qu'elle s'ennuierait bien vite, et puis, le froid faisait bon conseiller. Il nourrissait ses vers aussi bien qu'il la faisait grelotter, en dépit des précautions vestimentaires prises. Et, du point de vue de la poète, un petit sacrifice comme ça était acceptable. Un petit coup de froid se soigne rapidement après tout.

Et enfin, sortir quand il fait froid, c'est un peu chaotique. Bim.

Une fois son petit débat intérieur conclu(mais pas encore clos. La petite voix qui lui disait de revenir ne cessera bien qu'une fois que Blake sera de retour au dortoir), Blake leva les yeux, rivé sur le ciel. Hm... gris. Gris.

Gris, je fonds en ton être. Gris, je te trouve couleur bien piètre.
Gris, je ne suis guère ton amie. Gris, tu n'es que couleur sans vie.
Gris, je te vois partout. Gris, quel est ton atout?
Gris, tu n'es point noir. Gris, tu n'as aucun savoir.
Gris, tu n'es point blanc. Gris, tu n'est pas avenant.

Blake lit son petit poème, secoua la tête, et se massa un peu le front. Que c'était du poème de bas arts! Avec un écrit pareil, les seuls livres qui se souviendront d'elle seront distribués en maternelle.

Un peu plongée dans ses pensées, Blake n'entendit presque pas le petit bruit, assez proche de sa position, semblable à de la musique. Mais point de la vraie musique, comme défendrait un puriste. Plus un tune très... niais. Comme une chanson que jouerait une chaîne de télé réalité alors que le couple s'embrasse, unis dans leur narcissisme et leur pathologique manque d'embarras.

Curieuse, Blake inspecta, trouvant rapidement la source du bruit : un téléphone. Mais bien évidemment, l'appareil ne jouait pas le programme (qu'elle percevait à peine), pour son propre plaisir, n'étant point doté des capacités cognitives nécessaires pour cela. Le possesseur du téléphone, après, semblait être le spectateur du film, regardant silencieusement les évènements dramatiques à l'écran.

L'ignorer aurait été facile, mais, dans son désir d'inspiration, Blake ne pouvait guère accepter une source de bruit ambiante, surtout une si... distrayante.

Elle reconnaissait le générique en fait, et ça l'embarrassait un peu.

Pour rapidement se débarrasser de cet embarrass avant qu'il ne puisse devenir majeur, la jeune fille s'approcha silencieusement du garçon, se posant près de lui et bondissant une fois bien posée, tel un tigre qui bondirait sur un frais lapin... si le tigre chassait le lapin, bien évidemment.

Les mots de l'amour sont doux, mais puisse tu considérer que des oreilles autres que les tiennes soient en mesure de capter. Je ne puis que préconiser l'acquirement de technologie pour que les propos du coeur puissent atteindre le tien, et non, par inadvertance, celui des autres.

Traduction : Tu fais vachement du bruit poto quand même.

Invité

Comme envie de se retrancher dès que l’occasion se présente, dès que les présences amies ne se trouvent plus dans les parages. Comme envie de tromper le cours de ses pensées. Mais dans les bâtiments ou à l’extérieur, Teagan n’a pas le sentiment d’échapper à l’atmosphère pesante. Alors, en stratégie numéro un, il a changé certaines de ses playlists, a finalement créé un autre compte privé sur lequel sont regroupées des chansons feel good. Aux sonorités plus pop que ce qu’il écoute en temps normal. Et puis de temps en temps, il faut réprimer l’envie de chantonner quand elle émerge. Elle qui a la sale manie de toujours se réveiller au mauvais moment.

Mais ce n’est pas la seule.

Sac qui bat dans son dos, Teagan traverse les grands parcs à un bon pas. L’important, c’est garder le même rythme jusqu’à que ce qu’un sentiment de tranquillité l’habite.

Et quand il répond présent, il suffit de se laisser tomber dans un coin. Soupir, coup d’œil au téléphone. Un mail est tombé entre temps ; l’adresse inconnue à ses yeux lui fournit une réponse à la question qu’il aurait pu se poser. Si le destinataire d’origine, il risque d’attendre peut-être encore longtemps. Alors, Tea se contente d’un bref signalement.

« Je suis pas sûr de savoir pourquoi j’ai reçu ce mail, mais envoi à la mauvaise personne. »

Peut-être qu’il s’agit de quelqu’un de sa promo. Peut-être qu’il s’agit de quelqu’un qui s’amuse à récupérer des adresses et à faire des envois au petit bonheur la chance. La raison et la motivation de la personne ne changent rien à sa décision prise. Suppression de l’email. Et l’incohérence disparue, Teagan reprend sa petite vie.

En ce moment, c’est regarder de tout et de rien pour se vider l’esprit. Certaines séries trempent dans la mièvrerie jusqu’au cou, les retournements de situations déclenchent des haussements de sourcils, mais ça fait le boulot. Il est bien trop occupé à râler pour penser à la réalité.

Les scènes s’enchaînent. Y a personne à côté proximité, alors Teagan monte un peu le son. Ses oreilles sont libres de casque ou d’écouteurs. Pour une fois.

Soudain, une voix. Il sursaute, lâche un « Ah » suivi d’un « putain » très spontané. Petit mouvement de recul. Froncement de sourcils. Pendant qu’il écoute, une expression décontenancée se fige sur ses traits. Il pense avoir saisi le message.

— … Désolé ?

Pourquoi est-ce que certaines personnes ne peuvent pas s’empêcher d’embrouiller les autres ?

— Et rectification, c’était pas un message du cœur. Elle venait d’apprendre que son mari la trompait avec une prof qui était en réalité la demi-sœur cachée de l’héroïne.(pause) C’était juste pour resituer la scène.