à la grâce de

TROIS ÉTOILES Messages : 151 Classe : E.

à la grâce de
cassandre & ange

Cassandre n'avait plus trouvé le sommeil. Chaque fois qu'elle fermait les yeux, elle pouvait voir les gouffres immenses sous ses pieds devenir de plus en plus vertigineux. Au fond de son cœur assoiffé, angoissé, se creusait un vide et d'effroi elle avait cherché à le rendre plein ; quitte à le remplir de peurs et de pleurs, elle ne voulait pas affronter tout ce rien qu'elle ne connaissait pas.

La déchirure était intense à l'intérieur de Cassandre, qui perdait petit à petit conscience de ce qui l'avait depuis toujours blessée. Cassandre refusait de voir ce qui lui avait fait si mal, refusait de retourner derrière pour comprendre ce qui faisait ses insécurités.

Alors ce soir-là encore, elle avait fermé les yeux, s'était abandonnée aux creux d'un autre, avait cherché à travers son regard une façon de s'aimer un peu elle-même. Elle voulait voir son reflet comme si elle était lui et qu'elle se regardait.

Cassandre voulait s'aimer elle-même.

Elle avait partagé ses draps ce soir-là encore, et s'était noyée d'un amour sans amour, de baisers sans tendresse, de caresses sans considération. Puis il était parti, et Cassandre les jambes nues glissant sur les couettes de son lit défait, regardait avec dépit l'état de sa chambre. Elle s'était levée vers son miroir et avait haït ce qu'elle y avait vu.

Cassandre décoiffée et dénuée d'amour, Cassandre dont le maquillage s'était étalé au bord des lèvres, témoin de chaleurs partagées mais insipides, Cassandre se trouva maudite. Elle détestait ce qu'elle voyait, Cassandre frustrée, Cassandre aveugle, Cassandre malade.

On avait toqué à la porte. Elle s'était retournée, et se dépêcha d'enfiler un t-shirt et une culotte, se précipita pour ouvrir.

« Cassidy c'est to- »

Le souffle fut coupé immédiatement lorsque la silhouette qui se dessina dans l'encadrement de la porte était celle de Ange.

Elle cru que son cœur manqua un battement.

« Ange.. Qu'est-ce que tu fais là ? »

La question lui sembla stupide, et elle se racla la gorge comme pour lui dire qu'elle n'attendait pas de réponse. Elle s'était mordu la lèvre, et n'avait plus osé relever les yeux vers lui.

« Je... »

Ne veux plus te voir.
Elle aurait voulu lui dire.
Tu me fais du mal.
Mais elle n'y croyait pas, ou ne voulait pas en tous cas.

Elle regarda derrière elle, et hésita.

« Ange, on est pas ensemble, tu sais, tu dois pas.. tu n'es pas obligé de venir me voir. »

TROIS ÉTOILES Messages : 139 Classe : e

à la grâce de
cassandre ✚ ange

Ange suit des sentiers de corolles rouges ce soir, c'est comme deviner où l'on s'aime sans lui. à ses pieds toujours des pétales de roses indiquent où aller et vers qui. et fouler ces tapis-là c'est tout ce qu'il peut faire. car à peine se risque-t-il à y plonger les mains pour s'emparer que ça lui fane entre les doigts. les fleurs séchées ne sont pas au goût de tous après tout ça manque de vie, ce sont des bouquets de beauté aux artères où le sang s'est tarit et forcément c'est un peu terne. mais Ange s'efforce de composer des arrangements qui plairaient. des mélodies qu'on apprécierait quand même - il en existe bien ! de la musique sans âme.

il y a des jours où l'on redoute. le préfixe est important car ce ne sont jamais des remises en question. simplement que l'on souhaiterait parfois avoir la confirmation que tout ceci n'est pas qu'une grandiose mascarade. que ses sentiments sincères ne sont pas que des gangrènes - comme lorsque l'agacement qu'il ressent en voyant Asmodée provoque des retours de frappe obligatoires, ou bien lorsque sa présence morbide engendre les obsessions glauques de Fika. est-ce possible d'être porteur sain et d'étreindre sans envenimer les gens ?

Ange voulait aimer les autres

et Cassandre était la seule à toujours trouver un espace dans sa chambre pour y exposer ses chrysanthèmes à lui - une place dans son cœur pour Ange et sa maladie.

dans les encadrements déjà on dérobe, debout là on ne cherche même pas à s'emparer des souffles encore qu'ils se volatisent à la vue d'Ange
dont le regard cille au vue des accueils de Cassandre. observant un instant le désordre derrière elle le temps qu'elle y retrouve les mots, et il y revient vite en entendant les phrases s'effiler. on la laisse trébucher sur la manière de formuler sans faire de commentaire. le cœur devrait rater une marche en l'écoutant contredire l'évidence de sa présence - dire qu'on n'est pas ensemble - mais ce qui ternit l'étincelle de ses iris ciel c'est autre chose.
Ange tu ne dois pas...
(coupé court par Cassandre)
... me regarder
m'approcher
me parler
exister sous mes yeux.
on a déjà entendu ces débuts de répliques - Ange est satisfait qu'elles se passent de point à la ligne venant de Cassandre. ah - l'on est quand même ennuyé par l'absence d'airs aux anges de le voir rendre visite ! ça ne fait rien, l'enthousiasme éteint on peut se servir des cendres.

vu qu'on n'est pas ensemble je me sens jamais obligé, Cassandre.

d'habitude c'était Cassie, mais l'on prononce en entier sans amertume, toujours cette pointe de sucre dans la voix. et c'était peut-être un peu piquant lorsqu'Ange pose l'épaule contre l'encadrement, les mains dans les poches il fait mine d'admirer distraitement le chaos que c'était chez Cassandre.

mais bon, c'est quoi le soucis - c'est parce qu'il y a trop de désordre pour recevoir ?

as-tu suffisamment comblé de vie les lieux pour que, mortifère, l'on n'y ait plus sa place ? il songe en haussant un sourcil, aucun reproche, rien qu'une hypothèse.

je repasse plus tard si tu veux.

sous-entends dis-moi "reste"
ou bien "reviens"
mais "va-t'en" ponctué d'à tout jamais
on n'est pas sûr de pouvoir l'entendre ce soir.

TROIS ÉTOILES Messages : 151 Classe : E.

à la grâce de
cassandre & ange

Elle avait regardé derrière elle le lit en pagaille et le reste. Le problème n'était pas que quelqu'un venait de passer sous ses draps - au creux d'elle - mais plutôt qu'elle avait échoué à effacer le sentiment immonde qui la prenait chaque fois à la gorge quand elle cherchait à l'oublier. Évidemment, qu'elle avait échoué. On n'effaçait pas une addiction ainsi, pas si vite, pas si facilement, pas alors que tout à l'intérieur criait à vouloir de lui encore.

Encore.

Les mots s'étaient perdus à ses lèvres, elle avait tenté d'y mettre de l'ordre - dans sa tête - mais rien n'y fit, rien de concret ne sortait.

« Non, enfin oui, non, Ange, attends. »

Tout allait trop vite, et Cassandre ne se laissait jamais de temps. Mais le temps, il en avait rongé tellement, qu'elle n'était plus sûre d'en avoir à donner.
Elle secoua la tête. Ce n'était pas le temps qu'il lui avait volé. C'était le cœur, la confiance, la vérité, l'instinct. Il lui avait tout pris et avait remplacé par des toiles de faux, des mélodies superficielles et irréprochables dans les faits.

Il ne le m'aimait pas, elle le savait. Il ne l'aimait pas, pourquoi s'accrochait-elle ? Il ne l'aimait pas, pourquoi devrait-elle le retenir ? Il ne l'aimait pas, il ne devrait pas être dérangé, si elle venait à disparaître. Il ne l'aimait pas, alors pourquoi diable était-il là ?

Alors désireuse d'y croire, Cassandre s'était persuadée une fois encore.

« Je ne suis pas sûre de... Je ne crois pas que tu... »

Impossible à dire.
Elle voulait se convaincre.
Il l'aime, il l'aime, il l'aime.

« Ok, stop, laisse-moi.. Deux minutes, d'accord ? »

Elle avait fermé les yeux, serré les mâchoires. C'était difficile, de ressentir toute cette détresse, alors qu'il était là, et qu'il faisait sonner toutes ses angoisses comme des absurdités. Il la regardait paniquer comme si elle n'avait aucune raison de le faire. Il témoignait de sa fébrilité et à faire semblant de ne pas la comprendre, il la rendait dérisoire - risible - injustifiée.

« Ne pars pas. »

Je t'aime alors aime-moi.
Ce soir.

« Reste. Tant pis pour le désordre. »