recroquevillé de courbatures sous un abri de nature
c'est sentir tout son corps éreinté prêt à s'abandonner
aux étreintes des racines noueuses.
à l'ombre d'un chêne du grand parc dans des vêtements de sport - un manteau jeté sur les épaules - Liu observe les doux rayons d'hiver se faufiler dans les percées de feuillage pour venir éclabousser ses bras. croisés autour des jambes ramenées contre lui ils tiennent les genoux contre le buste et assis là il pourrait laisser les somnolences l'emporter - on n'a plus envie de se battre.
ah qu'est-ce qu'elle fait
qu'est-ce qu'elle fait - serait-elle
tombée sur un os en chemin ? ou bien sur la piste d'un autre parfum que le sien. les paupières se ferment sur les regards cernés, des tranchées sombres creusées sous les yeux à même la peau diaphane. rêver d'elle c'est toujours des aventures vaporeuses, on la voit bienheureuse à gambader et on l'imagine sur des sentiers qui mènent à soi,
et l'on pourrait attendre des mois lovés dans ces nuages
c'est les images qu'on a d'Amara - jamais drapée de censure.

de fourrure plutôt
c'est la matière qui tire des songes Liu tressaille, rouvre au cœur du sursaut les regards sur la créature enthousiaste qui s'est frayée un chemin jusqu'à contre lui et oblige à décroiser les bras pour accueillir le meilleur ami des humains - c'est la compagnie canine qu'on préfère et qui parvient à insuffler de la vie au spectre frêle. Amara, elle est là ! réveille les rires lorsqu'elle embrasse le visage à sa manière, celle des copains chiens contents de voir un autre copain.

aah-Ama ! justement je rêvais de toi et tout à coup t'étais là-aarrête tu me baves dessus

gloussements intimidés - toujours - et tout à coup ce n'est plus du velours sous les doigts mais tout un corps et rien qu'une écharpe, qu'on observe de la même façon la douceur à l'identique. et Liu sans faire de reproches à Amara à découvert, se redresse à peine - la nudité inopinée on a l'habitude, on a tout prévu sauf les joues qui s'enflamment - se défait du manteau couvrant ses épaules pour les poser sur les siennes en bredouillant.

ils ont annulé tout le monde est malade, hm je verrai si je peux avoir les clés de la salle ce soir m-mais du coup on peut prendre le goûter dehors ?

le manteau sur elle on ne l'empêche pas de s'installer - jamais troublée la vision d'Amara on fait trop confiance pour paniquer même si elle s'approche près, juste peur qu'il lui arrive quelque chose aussi exposée - et Liu tend le bras pour ramener son propre sac vers eux. ouvre en un éclair la fermeture pour défaire une brique de lait - orangée et pas rosée - il y plante une paille avant de venir la porter à la bouche d'Amara sans plus de cérémonie, lève les yeux vers elle pour l'observer prendre la première gorgée.

fraise y avait pas j'ai pris pêche -
t'aimes ou t'aimes pas ?

Amara la douceur édulcorée, des paroles à boire comme les boissons sucrées. paille entre les lèvres Liu prend quelques gorgées tout en écoutant les répliques qui fusent. toujours comme ça Amara c'est vivre dans tous les sens quitte à laisser les vêtements derrière soi elle s'éparpille Liu accueille
parce que c'est plein de vie.
brusqué de positivité c'est les seuls assauts qu'on accepte, jamais agressé. après manger ou bien pourquoi pas maintenant, elle peut bousculer son emploi du temps, on a le cœur qui palpite face à tant d'énergie mais elle est douce cette panique-là.

c'est toi qui va choper un rhume Ama' t'as sûrement couru partout et là tu refroidis d'un coup ça va pas.

la brique de lait presque vide posée à coté des sacs, c'est pour tendre les mains et Liu incline la tête tandis qu'il s'applique à couvrir comme il faut le poitrail, là où ça respire vulnérable au froid.

on peut rester un peu dehors si tu veux, si tu tombes pas malade ok, ou rentrer maintenant c'est comme tu veux
comme tu veux..

les doigts délicats viennent renouer comme il faut l'écharpe autour du cou
renouer comme il faut avec Amara il veut bien faire -
la culpabilité sourde encore d'avoir été vulnérable en secret.
il y pense tu sais, à chaque fois que l'on se voit
à l'heure du goûter,
tous les rendez-vous manqué à l'époque où l'on avait peur que tu discernes plus encore que les cernes. rien que ça aujourd'hui
et tu vois quand même.
les doigts encore légèrement serrés sur les mailles rouges de laine ils s'y referment tout à coup car elles s'approchent,
tu t'approches Amara c'est toi toute entière qui vient pour entourer Liu comme l'écharpe autour du cou,
lorsque tu passes les bras autour du sien il tremble une seconde tant ça contraste de température et n'ose plus bouger, tient l'étoffe au creux des paumes, submergé par l'étreinte.
et les cils papillonnent une seconde avant qu'on ne détourne le regard, le visage à moitié dissimulé contre le creux de ton épaule
c'est un abri qui avait manqué.

... je cache rien Ama' je te promets.

ça c'était avant mais c'est fini c'est fini
bien sûr qu'on est amis - même si Liu a raté des occasions d'en être un bon en faisant des secrets. tu n'as pas été fâchée à un moment Amara ? en silence Liu espère.
doucement on lâche le tissus et fait attention où l'on met les mains - elles sont froides et tu es beaucoup à découvert Amara - on vient les passer dans ton dos pour s'y agripper, montrer qu'on a une prise alors tout va bien.

je dors jamais beaucoup tu connais.

tu connais bien ce que c'est
de ne pas tenir en place
d'avoir les pensées qui semblent jamais se reposer.
là c'est paisible alors les yeux on peut les fermer un peu.

qu'on soit dehors ou à l'intérieur tant qu'on prend le goûter tous les deux je suis content tu sais.

on a décliné tant d'invitations
Liu pourrait se couper du monde mais toi non,
on ne veut plus contrarier.

une forme de danse tout en silence c'est une chorégraphie aussi d'exister en la présence de l'autre - en ta présence les pas sont simples à esquisser Amara tant c'est naturel on n'a pas peur de trop exister jamais trop de bruit jamais trop de place juste ce qu'il faut
juste Liu qui frisonne en chœur et qui suffit à donner un peu de chaleur - si ça peut repousser le froid il peut te tenir plus longtemps encore
mais trop longtemps et l'on risquerait de frémir sans l'autre les jours suivants. alors à la fin du mouvement
les doigts serrés sur l'étoffe du manteau Liu délie doucement, d'autres entrelacs synesthésiques -
odorat
tu sens les jardins la prairie et le sucre
d'ailleurs tu as des brins d'herbe dans les cheveux encore une fois Amara,
il vient de voir
et Liu les défait du bout des doigts - le saccharose c'est sûrement la faute à ce qu'on a bu -
toucher
volatile de tes inspirations qui cherchent des réponses contre la peau elles font frissonner les rires.

un peu des deux, j'ai du savon à la fleur d'oranger. t'es vraiment forte à ce jeu-là.

souvent on change de parfum pour voir si tu reconnais
toujours tu retrouves sa piste. des contorsions pour tendre le bras sans troubler les synchronicités, l'impression que les cœurs battent aux mêmes tempos paisibles, Liu voudrait que l'on reste encore un peu en harmonie.

tu fais un peu galérer Ama' c'est bien parce que tu dois rester en bonne santé.

à l'aveuglette on cherche dans l'herbe à coté -
les doigts finissent par se refermer sur la lanière du sac convoité et il ramène à toi, se redresse rien qu'un peu pour que les affaires te parviennent plus facilement. les regards recommencent à se faire fuyant il fait mine de s'atteler à ouvrir la fermeture éclair pour que tu puisses piocher des vêtements, Amara
on a froid pour toi et puis on a toujours un peu peur quand il n'y a rien pour protéger les corps - des craintes sourdes du temps où l'on a trop souvent fini sans armure.

je tiens le manteau le temps que tu t'habilles si tu veux..

pour que toujours tu restes à l'abri.

rien d'indécent Amara jamais d'offense lorsqu'on te voit. c'est juste qu'on a tellement conscience du corps et de la fragilité de l'armure parfois que Liu ne peut pas s'empêcher de vouloir le protéger du froid. mais pas que. toute agression extérieure on redoute toujours un peu tu sais. et il est frêle, et ses bras ne suffisent pas. alors le regard est bas le temps que tu t'habilles, serein, rien que le bruit du froissement des vêtements. jusqu'à ce que tu autorises à relever les yeux vers toi.
il a le cœur qui papillonne comme à chaque fois qu'il voit quelque chose de joli, Liu
esquisse un sourire timide en voyant Amara se lever.
les jambes un peu courbaturées mais on est souple, titube à peine lorsqu'il fait de même en reprenant la brique de lait et les sacs au passage, le sien et puis le tiens, on a deux épaules ça ira.

on va prendre le goûter au chaud à la salle de danse on sera tranquille !

Amara donne envie de vivre un peu plus fort un peu plus grand, d'être moins chancelant lorsqu'on est en dehors des zones de confort,
et Liu tend la main sans laisser de suspens, pour saisir sa main à elle, entremêle les doigts et entraîne dans la danse. en avant.
quand il ne tremble pas il pétille, tu le connais.
et tandis qu'on se met en marche pour traverser les parcs et regagner les bâtiments Liu détaille les tenues, la tête inclinée il observe la manière dont tombe le tissus.

j'aime bien les pulls oversized aussi
il est joli celui là en plus, il te va bien.

acquiesce, pour confirmer. avant de se feindre d'une risette plus amusée, la main libre vient éclipser comme souvent lorsque Liu se sent trop sourire, c'est pour cacher pudiquement.

il te va mieux qu'à Bene tu devrais le garder.

d'habitude c'est un peu vouté qu'on avance, il n'y a que lorsqu'on danse qu'on se tient droit mais marcher à coté de toi c'est en confiance. Liu a le menton levé tandis qu'on se ballade tranquillement sur les sentiers des jardins bien entretenus, les alentours ne font plus trop peur, on ne fixe ni le sol ni ses pieds mais les paysages plutôt
et c'est comme respirer comme il faut
se sentir léger
volatile un peu pensif, Liu inspire doucement.

hm - des fois j'aimerais bien m'habiller comme toi Ama...

songe tout haut car tout bas il n'y a pas besoin, avec toi
rien que des songes au subjonctif qu'on n'a pas l'intention d'accomplir car
ça en ferait rire certains.

le cœur palpite de s'imaginer battre au diapason de pas martelant le macadam au centre-ville - les pas d'Amara et Liu nos pas à nous - oh
Liu s'y voit bien. s'y voit déjà. on commandera des bubbles tea immenses pour s'hydrater tout le temps qu'on y passera et puis les boutiques que tu préfères tu lui montreras lesquelles c'est. Liu les connaîtra sûrement déjà mais on aura jamais osé y rentrer à moins que tu l'y emmènes. et dans les rayons on choisira des tenues identiques, et dans les miroirs au moment des essayages, ce sera comme exister en quatre exemplaire en comptant toi et lui et puis vos reflets. sûrement qu'on s'amusera comme toujours et même plus encore.
sous le poitrail frêle et plat au possible, le seul relief ce sont les os. dessous ça s'agite de papillonnements impatients, entrecoupé d'appréhension fébrile.
Amara, les retours. on entend déjà les rires. tu dis tout haut et puis avec des gestes que tu décrocheras des poings mais Liu redoute. les ricanements t'atteindront quand même, en plus du flair tu as une bonne oreille et forcément que tu les entendras ces horribles mélodies. Liu n'est plus trop sûr de vouloir s'aventurer à Central Town et bredouille sous les sourires dissimulés.

on pourrait faire ça, il faudra que je vois, après les cours y a le club puis le week-end c'est le moment où tout le monde va en ville, alors hm, peut-être, on verra quel jour..

peut-être qu'on ne le verra jamais nettement ce jour-là, on manque de courage, c'est difficile à avouer. aujourd'hui déjà en clair, et puis demain plongé dans des flous rassurants. Amara a toujours les mots qui font rougir d'autre chose que de honte, et les doigts de Liu qui ne tiennent pas les siens viennent frotter l'une de ses joues empourprées.

mignon - ah, j-je dirais pas ça.

et l'étreinte de la main d'Amara sur la sienne repousse un peu le brouillard, en entendant ses conseils sur les jeans slims et leur incompatibilité avec la danse on se sent de sourire encore au creux de la paume
interrompu dans le mouvement par elle qui voit tout
même ce que Liu ne remarque pas tant c'est inconscient.
pas de cachette pour les risettes, elles chancèlent
rattrapées au vol par Amara qui les dessine elle-même.

je le cache pas ! ... je le cache ? ...

à un pas des retours à températures plus confortables, devant la porte des bâtiments, il s'arrête et réalise
qu'Amara a raison, on se cache souvent
même avec elle - alors qu'on avait dit que non, plus maintenant. alors la main sur la poignée Liu retrouve des inspirations plus assurées
pour pouvoir lever un sourire solaire comme ceux qu'on fait à l'abris des regards, là c'est sous les yeux d'Amara. et on contredit complice.

tu vois ! je le cache pas.

un autre plus paisible, avant de se remettre en mouvement. passer à l'intérieur où il fait meilleur pour commencer, et entraîner Amara sur les itinéraires que l'on connait par cœur. les yeux fermés on pourrait suivre les étapes. l'accueil tout d'abord, à quelques détours de couloir, on continue.

mais c'est sympa, Amara, c'est... on ira les acheter, les vêtements en double, j'ai envie de dire promis. même si en dehors des magasins je suis pas encore sûr de les porter... rien que les avoir ce sera chouette.

dit plus doucement presque murmuré au moment d'arriver au comptoir auquel on pouvait emprunter les clés des salles des clubs. sans lâcher la main d'Amara pour oser dire à haute-voix qu'on aimerait celle de la salle de danse, Liu demande sans trop lever les yeux mais au moins c'était audible. le temps que le surveillant aille cherche dans le bureau d'à coté il lève tous les regards vers elle - tous ceux qu'on n'accorde pas aux autres vers Amara. dévisage sans un mot le temps de rester sage au cas où l'adulte de l'accueil reviendrait
mais comme souvent à tes cotés Liu se met à étouffer des rires légers.

scuse, je -
j'imagine d'avance les essayages et ça me fait marrer.

tant on sait que ce sera décomplexé, sûrement n'importe quoi ce qu'on choisira sur les cintres, et comme les goûters qu'on retrouve il a hâte.

Amara comme un reflet amélioré, Liu ne saurait pas expliquer mais à tes cotés les images sont toujours nettes et ce que tu renvoies il accepte. accueille, tous les mots toutes les lueurs, les ricochets de sourires que tu lui retournes, il lui semble alors que les siens ne sont pas si vilains. ça, et puis les rires, tu les trouves jolis.
oui, tout ça sera mémorable Amara,
car le présent avec toi l'est déjà.

le rose ça lui irait trop bien à Bene en plus ! avec ses cheveux clairs ça lui filerait grave un bon teint.

main dans la main rien qu'à deux à avancer dans les couloirs, tintement des clés au rythme des pas on peut dire tout haut ce qu'on pense tout bas. des jumeaux qui se confient des secrets, c'est qu'on a juré de ne rien se cacher Amara et Liu lorsqu'il promet c'est pour de vrai. on n'en veut plus, des mensonges, même ceux par omission. alors sur la lancée, il ajoute, songeur.

et puis à force d'être assortis devant lui, ce sera plus simple devant les autres. je sais pas, hm.. j'aimerais bien qu'on fasse ça.
ce serait trop cool qu'on s'en fiche et qu'on s'habille pareil quand on veut.

qu'on s'excuse moins d'être comme on est
c'est ce que tu conseilles, Amara, et Liu écoute attentif.
si Bene est d'accord, on sera peut-être même tous en rose.

l'idée fait sourire tandis qu'on arrive à l'entrée de la salle de danse, un arrêt devant la porte close du refuge, Liu déverrouille sans lâcher ta main, les airs plus sereins encore lorsqu'enfin on entre. comme rentrer chez soi.
trouve l'interrupteur à l'instinct tellement on vient tous les jours
et un à un les éclairages au plafond éclaboussent
de lueurs claires les lieux dont tout un mur est couvert de miroirs.
en voyant vos deux reflets aux doigts entrelacés Liu se dit qu'on sera sûrement jolis comme vos rires le jour où l'on portera des tenues identiques.

et finalement arrivés à destination on peut délier la prise, lâcher doucement la main d'Amara pour aller poser les sacs contre le mur uniforme le plus proche. déchargé, Liu s'assoit alors en tailleurs pour rouvrir le sien et déballer toutes les victuailles qu'on a prévu en sachant qu'on se retrouverait.

tu préfères quoi Ama' ?? j'ai les goûters qu'on a tout le temps mais avec une étoile c'est pas fou du coup l'autre jour au club j'ai donné des rabbits à Moïra et elle m'a ramené des melon pan !

sur le sol on étale, comme pour présenter toutes les possibilités, avant de lever les yeux vers toi.

je lui ai dis de les prendre nature, t'inquiète.

Liu sait que tu n'as pas le droit au chocolat.

toujours vous deux entre Liu et le monde effrayant on ne voudrait jamais quitter la lumière d'Ama et Bene et les suivre toujours comme une ombre - c'est eux l'étincelle
il suffit d'imaginer Bene avec des coiffures insolites et Ama assortie à soi et tout de suite ça pétille dans les prunelles,
un millier de petits astres de petits feux qui brillent au coin des yeux au coin des lèvres, ça fait tinter les rires clairs de Liu qui s'émerveille
comme tout semble possible à vos cotés.

ouais... ! puis si les rageux disent quand même quelque chose bah on ira leur mordre les mollets.

même Liu ira planter les crocs malgré les dents moins aiguisées que vous, si tu le fais je le fais
le courage à ton nom Amara.
va pour tout à la fois.

des papillons dans la cage des os
battent des rythmes de douce euphorie,
parce que tu dis qu'on est premier à toutes les occasions si ce n'est la course et puis parce qu'on se sent entier avec toi Amara il n'y a pas une seule moitié que l'on cache, toujours on partage
et c'est rare alors c'est précieux.

ahh- c'est pas vrai Ama', à la bagarre aussi c'est toi la meilleure, tu sautes le plus loin, et t'escalades le plus haut - tes cheveux ils sont bien plus beaux et puis, même quand t'es pas humaine c'est toi la plus douce.

qu'est-ce qu'on ferait sans toi
pour réveiller son cœur.
ça frémit sous la peau et fait monter le rouge aux joues, incontrôlable comme les sourires indélébiles ils débordent jusqu'aux regards - oh, on aime tellement vivre quand tu es là qu'on pourrait en pleurer. submergé Liu c'est toujours trop d'émotions bâillonnées il en déborde et ne sait plus trop où on en était, observe toutes les victuailles sans savoir où commencer - les doigts sont fébriles lorsqu'on déchire le papier des emballages.
et puis rituel, on entame, c'est comme mordre dans un nuage prêt à faire pleuvoir du sucre, des ondées de saccharose sur le palais les yeux se ferment et la tête s'incline tellement c'est bon.

... je pourrais mourir là tout de suite ce s'rait pas grave.

à ton tour Ama ! les paupières se rouvrent et Liu te tend aussitôt le gâteau, le place entre tes doigts sans te laisser le choix.

tiens sinon j'vais tout manger !

c'est faux, évidemment que le reste c'est pour toi
et il époussette le sucre resté au creux des paumes, oscille d'un coté et puis de l'autre incapable de tenir en place l'hyperactivité contagieuse.

moi je pense, quitte à s'habiller tous pareil et faire des tresses à Bene après les relookings on devrait aller faire un karaoke tous ensemble !

vivre pour de bon un de ces jours
ce serait bien.

tressaille au diapason - Liu se redresse aussitôt pour surplomber en voyant tousser comme jamais ça chasse les risettes pour remplacer par une expression inquiète.

Ama' ça va ?? t'étouffe pas il reste encore pleins de trucs à manger.

ah si on était le meilleur on viendrait aussitôt à la rescousse, probablement qu'on saurait comment font les secouristes et qu'on ne serait pas figé apeuré à redouter le chaos de tes souffles.

et quand ça repart après quelques gorgées de lait,
Liu s'autorise à respirer de nouveau lui aussi
expire rassuré et se laisse aller à s'allonger à tes cotés
le dos épouse le sol impeccable de la salle aux miroirs
éclaboussé des lumières, on lève les yeux vers elles
comme si l'on regardait le ciel avec toi, Amara.

souvent on fait ça dans l'herbe lorsque le temps est accueillant et plus petits tu te souviens Ama' ? qu'on trouvait ensemble des formes extravagantes dans les nuages
s'élève alors ta voix, pour accomplir les prophéties
tout ce qui nous passe par la tête on peut se le dire
et Liu retrouve des sourires au creux des questions farfelues.

le chocolat... c'est difficile à décrire à quelqu'un qu'y a jamais goûté, y a pas grand chose qui ressemble. hm... c'est genre, comme du glaçage, mais plus solide, et ultra sucré, qui fond sur le palais, et le cacao, c'est vraiment particulier, c'est... c'est giga réconfortant comme goût.

quelques secondes à songer les sourcils froncés et puis,
une pensée qui attendrit les expressions.

peut-être que du chocolat blanc t'aurais le droit Ama' ! c'est pas du vrai chocolat mais du coup tu risques rien ça te donnerait une idée !

et Liu silencieux après ça, s'obstine à chercher tout ce qui pourrait avoir les mêmes fragrances mais ce serait comme décrire le goût du café ou du caramel - il y a des saveurs en un seul exemplaire sur Terre et c'est probablement le fait qu'il n'existe aucun équivalent qui les rend aussi uniques et extraordinaires.

tant qu'on n'a pas essayé on ne peut pas savoir
et si l'on n'essaye pas alors on ne saura jamais.
c'est ce qui fait penser tout à coup
à ce qu'on ne connait pas.

dis Ama', ça goûte quoi d'être une fille ?- pffr-

et Liu pouffe de rire, s'étouffe presque à ravaler la question prononcée n'importe comment il s'éparpille amusé - pas qu'on considère les filles au même niveau que le chocolat, au contraire
c'est à la fois un univers inconnu et qui pourtant
lui parle tellement.
à se demander ce que ça pourrait être,
Liu retrouve des airs plus paisibles,
le regard toujours rivés sur les lueurs au dessus de vous.

je veux dire... je sais pas
des fois je me dis, j'aurais préféré en être une. Liu ça irait à une fille en plus.

et comme sous un soleil artificiel
les yeux se ferment et l'on pousse des soupirs tranquilles.

peut-être que ça aurait été plus simple.

moins mouvementé
d'être elle plutôt que lui.

alors c'était compliqué des deux cotés, et plus compliqué encore à l'entredeux. certes on n'avait pas les entrailles qui souffraient une fois par mois, mais l'on souffrait quand même parfois. et Liu avait beau être un garçon, se faire battre ou se battre avec soi n'avait jamais résolu les conflits qu'il portait en dedans.

il y a des jours où l'on ouvrait les yeux désespéré qu'ils soient ornés d'autant de cils, où l'on serrait les poings d'avoir les doigts aussi fin et les épaules trop étroites. et puis d'autres où ce n'était pas trop petit mais trop grand qu'on se sentait, et il avait envie de briser sa carrure trop anguleuse pour y dessiner plus de courbes.

hm, je vois... puis y a les soutif' aussi j'y aurai rien compris, les tailles avec des lettres et des chiffres à la fois, on dirait les maths au lycée.

soupir, ah - Amara, en fait le soucis c'est qu'aucune des deux cases ne convient à Liu. seulement qu'aujourd'hui, personne ne reproche à une fille de porter des pantalons, alors que si lui se mettait à porter des croptops de temps à autre, tout à coup ça dérangeait beaucoup de garçons.

peu importe, tu dis.
et le fait que tu t'échoues sur les plages du poitrail de Liu fait remonter les sourires à la surface - et il referme les bras sur toi lui aussi. parce qu'il a moins de mal avec son corps lorsqu'il existe auprès du tien.

et toi t'es l'humaine la plus belle que je connaisse Ama'...

au moins l'on pouvait se dire humain tous les deux, et c'était déjà ça. c'était même bien, car on avait alors quelque chose en commun, et Liu aimait se dire qu'on existait dans la même case que toi.

les cheveux cascades, ils tombent jusqu'au cou de Liu et ça fait frissonner alors, il lève une main pour ramener quelques mèches derrière ton oreille. c'est toi qu'on regarde désormais, et plus les nuages imaginaires au plafond de la salle.

tu danses avec moi aujourd'hui ?

c'est comme prendre le goûter - c'est plus amusant à deux.

j'ai écouté un morceau l'autre jour, y a trop moyen d'y caler un tango - si tu veux je te montre comment les danseuses elles font de trop beaux renversés !