Petit message avant lecture:

Si vous êtes venu chercher un conte de fée ou une histoire à raconter à vos enfants avant d'aller se coucher, passez votre chemin. À moins que vous ne soyez de gros enfoirés ayant pour but de traumatiser votre progéniture bien sûr. Oui oui, ça existe.

Je suis née dans un quartier assez pauvre de Belfast, jusque là, rien d'anormal. Sauf que voilà, mes parents voulaient un garçon, je vous laisse imaginer leur gueule quand il m'ont vu sortir avec le mauvais truc entre les cuisses. Ma mère voulait un ptit garçon, sûrement pour compenser de son père qui l'avait abandonnée quand elle était petite, et mon père avait dit oui pour un enfant comme il aurait dit oui pour un chien, chat, ou quelque autre animal de compagnie, pour avoir la paix et qu'on en parle plus. Je suis sûre que vous imaginez le genre de climat qui m'attendait.

Figurez-vous, c'était le genre de personnes qui profitaient d'avoir des aides pour s'acheter leurs clopes plutôt que de prendre soin de leur gosse. Le genre qui s’embarrasse d'un putain de bar dans lequel on va faire travailler la ptite parce que, putain, c'est pratique quand même, on a pas à la payer. J'ai donc passé une partie de mon enfance à découper des fruits pour les cocktails dans l'arrière salle, heureusement que les serveurs étaient cools avec moi. Il y en a certains qui m'apportaient des cadeaux, c'est comme ça que j'ai eu mon premier appareil photo d'ailleurs, c'était plutôt sympa. D'autres essayaient de m'ouvrir à la culture, à la lecture et à tout ce dont mes géniteurs se foutaient royalement. J'imagine que m'exploiter était plus important pour eux que de m'éduquer... J'alternais donc entre les cours et le bar, mes nuits étant courtes et souvent assez agitées pendant des années.

Partie sensible:

Super, j'imagine que vous l’aurez compris, mais c’était ça mon alice. Certains se téléportent, certains manipulent le feu, les plantes, l’eau, certains se transforment en animal. Moi, j’ai plus mal. Et vous savez le meilleur ? J'ai aucun contrôle sur cette merde.

Je sais, quelques uns se diront sûrement que c’est cool de pas avoir mal non ? C’est pas agréable comme sensation t'façon, je vois pas le problème. Ah ouai ? Et comment tu sais si tes en train de te brûler sans douleur ? Comment tu sais si t'as un os cassé sans douleur ? Tu saisis ? Non ? Comment tu fais pour comprendre que quelque chose est pas normal si tu ne ressens pas la douleur que ça t’inflige ?

J'ai dû attendre mes 14 ans pour sortir de ce calvaire. Une énième soirée, une énième nuit, sauf que ce jour là, je pouvais ressentir ma douleur. C’est un peu une roulette russe. Tu te réveilles le matin et tu te rends compte qu'aujourd’hui, t'auras mal, tu vas sentir tes bleus, fais attention à pas te cogner parce que tu vas le sentir. Pourquoi ? Aucune idee. Parfois, une fois par trimestre je dirais, mon alice se désactive. J'ai bien essayé, à maintes reprises, de le désactiver, mais rien n'y fait.

Partie sensible:

Mais bon, revenons à cette soirée où, encore une fois, ce fils de pute comptait encore venir faire son affaire. Mais je ne voulais pas le sentir. Non, ça n'arriverait pas. Alors je me suis débattue, comme j'ai pu. Je ne saurais pas vous décrire comment les choses se sont passées exactement, mais ce dont je me souviens, c'est sa chute dans les escaliers. J'ai eu cette impression que cela durait des heures, comme si le temps se ralentissait pour que je vois bien les derniers instants de vie de mon paternel. Eh bien, une mort à la hauteur de sa vie je dirais. La nuque brisée après avoir tenté de commettre un acte ignoble. Ne sachant quoi faire, je fonçais dans ma chambre et ramassais quelques affaires, quelques vêtements, quelques babioles, même pas des choses auquelles je tenais, juste les premiers trucs qui me tombaient sous la main. Ma mère allait rentrer, elle fermait le bar, il fallait que je parte avant.

Je me suis donc retrouvée à courir dans les rues de ma ville, sans savoir où aller, sans savoir quoi faire. Mais très vite, j'ai repensé à cette académie dont mes parents m'avaient parlé en découvrant mon alice. Et par parlé, j'entend qu'il menaçaient de m'y envoyer à chaque fois qu'ils avaient quelque chose à me reprocher. Maintenant que j'y repense, je ne sais pas trop pourquoi j'avais peur de cela. Tout était mieux que la maison. Peut-être que l'Académie n'était pas aussi horrible que ce qu'ils m'avaient décrit ? Peut-être qu'ils tentaient juste de m'effrayer ? Peut-être qu'ils pourraient m'aider à maitriser ce don de merde que j'avais ? Ouai, tant d'espoir pour pas grand chose.