Samuel a fait un rêve étrange, cette nuit-là : avant qu'on vienne le chercher. Seulement, en était-ce vraiment un ? Il était de ceux qui font s'entremêler les songes et la réalité. Il était de ceux qui vous prennent si fort aux tripes qu'ils sembleraient presque vous arracher les entrailles.


Il s'en souvient dans les moindres détails, Samuel, de cette forme sombre qui s'est penchée au-dessus de lui pour venir lui murmurer de rassurantes paroles à l'oreille, de cette main froide qui a caressé doucement sa joue. Les mots se sont fait révélations, la silhouette se reflétant sur les murs blancs de sa chambre d'enfant n'était pas humaine. Elle transcendait tout ce que l'Homme n'avait jamais connu.

La main glacée abandonna sa joue pour son front. Il n'a pas peur, Samuel. Cette présence fait se gonfler son cœur d'espérance. Il faut promettre à la bête qu'il fera n'importe quoi. Il faut se laisser prendre. Et pas un seul instant Samuel n'hésite ou ne regrette, pas même quand les griffes acérées de la main reposant sur son visage angélique tailladent sa peau pâle et sans imperfection. Le sang a coulé longtemps sur les draps. Il les a tâchés jusqu'à infiltrer le matelas.

Qui peut prétendre savoir ce que la créature est exactement venue murmurer à Samuel au creux de son lit ? Pas moi. Il a refusé de me le dire. Qu'en penses-tu, toi ? N'était-ce que l'esprit désespéré et en quête de réponses d'un enfant malheureux qui lui joue des tours ? Y avait-il bien quelque chose dans la chambre de Samuel ? Maintenant, demande-toi pourquoi au petit matin, le visage du garçon porte la marque dont la bête l'a gratifié.

Ils sont venus le chercher. Les gens lui posent des questions, ce matin-là. L'a-t-on battu ? Il les ignore, répondant seulement par un rire gêné. Ils ne tireront rien de lui.
Cette marque est un cadeau, il le sent. Elle le destine à faire de grandes choses.

Il avait tout juste huit ans, Samuel. Il a oublié les hurlements de sa mère alors qu'on l'éloignait d'elle. Ils s'étaient cachés si longtemps... Voilà qu'il marche enfin vers l'accomplissement d'un dessin plus grand ; et la voix lui murmure à l'oreille que c'est juste.


Comme si de rien n'était, Samuel s'acharne dans son œuvre ; agité par ses révélations nocturnes. Ça finira par marcher. Il lui a dit, comme à chaque fois qu'il vient vers lui. Il le soutient. Alors, les entailles sont toujours un peu plus profondes. Et les pleurs de douleur se sont tus depuis longtemps.