Noël était passé. Toutes les festivités, ou presque, étaient finies. Mais pas pour Gina. L’enthousiasme était resté au creux d’elle, comme toujours. Le jour sacré passé avait laissé une odeur de joie plus fulgurante que jamais. Alors Gina avait codé un jeu. Une distraction enfantine, un peu ridicule et bien trop arriéré pour les prouesses actuelles. Mais la jeune fille y avait pris du plaisir et désormais, Gina tenait quarante-huit heures entre ses mains. Une petite disquette qui contenait quarante-huit heures de sa vie, pour deux petits niveaux de jeu. De simples pixels qui avançaient et sautaient sur des lignes, comme un mario cassé avec un décor piqué sur le net.

Mais aussi cassé que ce jeu puisse paraître, un sourire lumineux ourlait ses lèvres. Elle avait fini cette futilité et maintenant, Léo pouvait venir jouer avec elle à nouveau.
Tendre enfant. Gina l’avait trouvé et l’avait gardé contre son coeur au creux de ses bras. Elle n’était alors qu’une enfant elle-aussi mais cet amour protecteur était resté, il avait envahi son coeur un peu plus chaque jour. Léo était devenu ce frère au fil des saisons et Gina était son exemple parfait. Tout criait le narcissisme de Gina. Elle aimait Léo mais son amour était celui pour son admiration sans faille. Ce regard fier qui buvait chacun de ses mots comme la sainte parole. Gina adorait ça. Elle adorait être ce qu’elle n’était pas, n’être que l’image qu’elle n’était toujours pas en réalité. Quitte à mentir, quitte à ne jamais laisser Léo connaître l’arrière de cette armure sans fissure. Parce que jamais Gina ne pourrait supporter la déception dans son regard.

Joyeusement, elle avait aménagé sa chambre pour accueillir l’adolescent : de gros coussins au sol, devant un ordinateur et la console. Comme un cocon autour du désordre ambiant. Tout n’était que fouilli. Comme Gina, comme ses cheveux, comme sa cervelle. Elle était bien incapable de tenir un lieu rangé, c’était plus fort qu’elle, comme si son pauvre cerveau se refusait à l’ordre, angoissé du vide éternel. Mieux valait combler les trous pour s’associer à ce cerveau encombré. Mais pour Léo, Gina créait toujours leur bulle. Léo l'adoucissait plus qu’elle ne l’était, il faisait courber la pierre dure, l’obtus caractère de l’étudiante pour le changer en compréhension, en une douceur plus vive encore que sa chaleur. Pour sa compagnie, comme pour celles de rares personnes, Gina faisait plier son désordre aux règles de l’ordre.
Et assise sur un des coussins, elle avait attendue l’arrivée de Léo, observant le plafond.
 

A peine les trois coups avaient-ils raisonné que la porte s’ouvrait et Gina souria tendrement. Il y avait une tendresse qu’elle n’avait pour nul autre lorsque Gina se levait pour entourer Léo de ses bras, pour lui sourire et déposer un baiser contre son front jeune et lisse. Douceur et chaleur toujours pour Léo. Toujours de l’amour, toujours un regard plus tendre. Léo était et serait toujours un enfant à ses yeux. Un enfant qu’elle aimait, un enfant qu’elle chérissait et aurait voulu garder au creux de ses bras toujours. Léo était ce frère qu’elle n’avait jamais eu et la simple pensée d’être sa famille l’émouvait toujours. Machinalement, dans une routine doucereuse, elle caressa ses cheveux doux, ces mèches sombres qu’elle aimait tant enrouler à ses doigts. Et un sourire plus délicat que jamais vint ourler ses lèvres.

- Mon petit Léo.. Tu as bien dormi cette nuit ?

Son sourire sincère et toujours timide après toutes ces années faisait toujours bondir le coeur de Gina. Elle aimait Léo de la manière la plus pure ; un amour intarissable qu’on entretenait pour ce qui était digne d’être une famille. Léo en était digne. Gina pensait même ne pas mériter son amour. Mais elle le gardait égoïstement contre son coeur sans lui en dévoiler les recoins sombres.

Son sourire s’étira, ses yeux brillèrent de joie pendant que le garçon dans une contemplation familière de ce lieu retrouvait ses marques. Elle retourna à ses activités en attendant, servant une grande tasse de café soluble pour elle et une tasse de chocolat pour Léo.

- Ca te va un chocolat chaud aujourd’hui ? C’est de l’instantané j’ai pas de lait chaud mais ça doit être buvable, le lait en poudre c’est pas mauvais je crois …. Faut vraiment que j’économise pour caler un micro-ondes dans cette chambre !

Effectivement, dans le joyeux bazar, sur une petite table basse, un semblant de cuisine s’était créé. Une bouilloire, des tasses, du café, du thé et du chocolat chaud occupaient les lieux ainsi que quelques bâtons de cannelle. De quoi être en paix pour travailler, même si Gina avait aussi le luxe d’avoir le laboratoire de robotique comme repaire, ce n’était pas pareil.

Toujours aussi souriante, elle s’installa sur les coussins, buvant déjà quelques gorgées du café bouillant. Bienheureuse, elle tendit la disquette pour la montrer à Léo, un grand sourire aux lèvres.

- Devine qui a fini un mario tout pourri avec des pièges rigolos cette nuit !

Fièrement, elle rit et fit un clin d’oeil à Léo.

- Il est rien que pour nous mais on peut toujours piocher dans nos jeux si tu veux !

Alors sa remarque la fit sourire. Evidemment qu’elle avait tout installé. Elle tenait à ce que tout soit parfait pour Léo, toujours. Alors elle rit tendrement et fit signe au brun de s’installer.

- Evidemment que j’ai tout installé, toujours. Allez viens jouer, tu vas prendre racine !


 

Le sommeil était interdit à Gina. Elle vivait de ce manque de repos à en perdre toute notion de la fatigue. Les vertiges, ces jambes frêles, tout était devenu quotidien et effacé par une tasse de café bien chaud. Gina fonctionnait comme ça depuis sa première nuit blanche : alors qu’elle n’avait que quatorze ans et les joues encore pleines des rondeurs de l’enfance. Elle s’était alors dit que dormir pour faire des cauchemars valait moins qu’une nuit sans repos. Il y avait trop à faire pour s’emmêler dans des draps de terreur.

Le silence de Léo était habituel. Il était plus bruyant que chez autrui. Pour Gina du moins. Léo était lisible, ils se comprenaient d’un regard. Et elle était heureuse de ce silence auquel elle pouvait répondre d’un regard heureux. Heureux de cette compréhension, heureux du sommeil paisible de son petit agneau.

Pour accompagner le chocolat, évidemment, elle glissa des sucreries. Petits gâteaux secs sucrés et autres bonbons pour combler les goûts de Léo. Voir la joie du brun lorsqu’il découvrait du sucre était sans limite. Gina pouvait le regarder manger, le regarder s’abreuver, observer son sourire et s’en contenter pour vivre. Léo était une des rares personnes dont elle avait besoin. Plus loin que son égo, il y avait sa tendresse et son amour doux pour lui, un attachement sans borne. Et elle espérait, et pensait, que Léo le savait.
La tasse se posa devant le jeune adolescent, les sucreries à côté et le sourire ensoleillé de Gina juste derrière, alors que sa main glissait affectueusement sur sa petite tête sombre.

- Oui, tu sais que je dors pas Léo, je dormirai plus tard ! Je devais vraiment finir ça, ça aurait été dommage de se coucher sans finir.

Des justifications. Gina ne pouvait pas s’en empêcher, pour rassurer Léo, lui montrer que tout allait bien, que tout était décidé, contrôlé. Gina ne dormait pas par volonté, par cette volonté de fer auquel rien ne cédait. La réalité était tout autre et seul, sa faiblesse ne cherchait qu’à fuir l’horreur et l’angoisse dans sa tête trop pleine derrière le battement frénétique de sa jambe caféinée durant les vingt-quatre heures entières.

Et chaque nuit où Léo ne trouvait pas le sommeil, elle répondait présente. Elle répondait à ses messages ou l’appelait pour lui chanter une berceuse ou juste parler à voix basse. Tout pour le réconforter. Gina aurait été prête à courir jusqu’à sa chambre à toute heure pour le serrer dans ses bras, l’arracher à ses pensées trop noires, les absorber, le laisser pur, intact, sain et sauf. Personne n’était sain et sauf à l’Académie. Ils avaient tous cette marque, cette douleur dans la poitrine et au fond de leur être face à ce creux laissé par une famille absente, par leur différence exploitée qui avait volé leur innocence. Mais Gina aurait tout donné pour offrir à Léo une enfance, cette innocence, cette douceur de vie que l’enfance donnait, avant que l’être ne réalise la dure réalité.

A nouveau, elle prit l’enfant grandi dans ses bras, caressa ses cheveux sans rien dire, un sourire douçâtre au visage. Léo était sa famille et elle lui donnerait tout pour combler ce vide qu’ils avaient.
Quand il voulut jouer à son jeu, ses mains grattèrent dans une tendresse joyeuse son crâne, dans un geste d’amour avant de devoir se redresser pour jouer et enfin voir si le jeu ferait sourire ce frère d’adoption.

- C’est pas du grand art hein, mais voilà je voulais un petit truc pour ton Noël…

Aucune modestie ne venait diminuer le travail de Gina. Elle ne parlait qu’en faits, qu’en réalité. Ce jeu n’était pas bon, ni mauvais. Il s’agissait d’une simple surprise à offrir pour encore se réchauffer le coeur et l’âme avec Léo.
Elle savait qu’il regrettait de ne rien pouvoir lui donner de tangible en retour. Mais Gina n’en avait que faire. Il lui apportait déjà bien trop par son amour, par sa simple présence. Il était un cadeau à lui seul et quoi qu’il fasse remplissait son coeur de joie. Une vraie joie malgré ce pincement coupable.

La brune alluma la console. Il fallut quelques minutes et quelques retouches à l’aide de l’alice de la jeune femme pour qu’enfin, l’écran de démarrage ne s’affiche. Et ils pouvaient enfin jouer. Sur l’écran, deux bâtonnets en pixels sur un décor plat et des plateformes tout aussi pixelisées. C’était d’une simplicité extrême, juste de quoi les distraire pendant que Gina continuait à caresser mécaniquement les cheveux bruns dans la nuque pâle de son frère entre deux rires et deux chutes dans un trou caché.
Elle agitait ses doigts sur la manette, gagnait facilement de part sa connaissance du terrain mais finissait pas craquer et laisser gagner Léo, le coeur ramolli. Elle voulait qu’il gagne tout.

- Troisième partie gagnée ! Moi je dis, ça mérite une pause pour la vieille…

Les yeux à demi clos, elle laissa ses bras emporter Léo et attira sa tête contre son épaule. Il était toujours cet enfant petit et faible qu’elle serrait contre son coeur pour le protéger, pour se calmer. Et là, son coeur s’apaisait, les mains perdues dans les cheveux de soie et ses bras réchauffant le petit corps de tendresse.

 

G ina ne pouvait que couvrir Léo d’amour. Elle éprouvait tellement de tendresse pour ce petit homme, un amour pur qu’elle n’avait connu pour personne d’autre. Si ce n’était ses chers parents autrefois. Elle ne voulait perdre cette douceur pour aucun trésor du monde.
Elle avait vu Léo tellement souffrir, si jeune et cette simple pensée lui brisait le coeur. Elle avait tout fait pour apaiser ce mal, tout recouvrir de chaleur. Alors Gina était devenue sa chevalière avec sa grande taille pour seule armure. Et tout s’était bien passé. Plus personne n’avait dérangé Léo, elle avait aimé l’enfant, elle l’aimait encore, toujours plus. Léo aurait pu être son monde que Gina en aurait été comblée.

Il y avait dans leur relation quelque chose d’unique pour elle. Il y avait quelque chose qu’elle ne trouvait nulle part ailleurs. Léo était simplement devenu sa famille. Et jamais Gina ne voulait le perdre. Elle voulait le garder au creux de ses bras, le serrer fort, garder sa tête plongée dans ses cheveux noirs. Et pour ça, jamais Léo ne devait connaître son entièreté. Jamais elle ne le permettrait. Gina était cruelle. Pas en raison de ses entrailles sombres comme elle le pensait, mais elle était cruelle à cause de ces efforts vils et froids pour repousser ceux qui osaient gratter la surface. Gina était juste lâche. Une enfant lâche qui avait bien trop peur de qui elle pouvait bien être sous le vernis.
Elle avait passé des nuits, des jours, à se torturer l’esprit maniaquement, sans pouvoir trouver ce qui clochait chez elle. Elle avait ces violentes envies cruelles, ces envies de douleur, de haine qui lui déchiraient le coeur. Elle était un paradoxe cruelle à sa propre sensibilité.

Gina caressait sa tête tendrement. Elle avait l’air pensif, elle l’était. Son cerveau était à des kilomètres d’ici, dans le vide depuis la fin de leur partie. Puis l’odeur de Léo l’avait rappelée. Elle l’avait ramenée à lui et Gina ne pût que plonger son visage dans ses cheveux, respirant son odeur à plein poumons, apaisée.
L’esquisse d’un sourire se fit entendre. Léo la faisait toujours sourire. Il l’avait prise dans ses bras lui-aussi. Ces bras qui avaient tant grandi… Ils avaient tous deux tellement grandi… Gina le serra un peu plus fort, faiblement, tendrement, comme si elle avait peur qu’il ne s’effrite entre ses griffes. Elle appréciait la discrétion de Léo, son manque de questions malgré toutes celles qu’il se posait, elle les voyait sur le bout de sa langue. Et elle ne pouvait que silencieusement le remercier de son amour. La caresse sur sa main agrandit son sourire. Gina ne disait toujours rien. Mais elle caressa la main de Léo en réponse, doucement.
Et puis il avait murmuré cette suggestion, et Gina avait battu des cils. Elle sentait sa force vaciller. Et dans un élan de faiblesse, son sourire se fit triste. Délicatement, dans un geste fébrile, elle vint poser ses lèvres sur son front, les y laissant trop longtemps pour ne pas montrer sa fatigue. Gina était tellement fatiguée. Bien trop fatiguée depuis toutes ces années. Mais elle vint quand même sourire à Léo, avec toute la joie dont elle put faire preuve, caressant la joue pâle de son pouce, ses yeux sombres plongés dans les siens.

- Je sais Léo.. Mais ne t’inquiète pas, tout ira bien..

Sa voix avait été faible. Un chuchotement qui tentait de masquer toutes les craintes. Et puis elle soupira, secoua sa tête et ébouriffa les cheveux du brun.

- La robotique, ça se fait pas tout seul ! Je serais la pire responsable si je passais pas tout ce temps à développer des trucs !

Le nuage était passé, le soleil brûlait, Gina riait.


 

Gina ne pouvait que chasser les questions, les doutes. Elle pensait savoir tout ce que Léo pourrait penser d'elle, elle pensait que ses émotions étaient une faiblesse. Alors seules restaient sous la carapace, les griffes sans pitié qui se saisissaient des curieux. Gina était un soleil ou la Cruauté même. Il n'y avait pas de juste milieu pour protéger ce qu'on cache au plus profond. Pas pour Gina.

Elle caressait les cheveux doux, les cheveux de ce petit homme qu'elle avait vu grandir, ce petit homme qu'elle aimeriat toujours plus que les autres. Gina l'aimait de tout son coeur, avec une force incommensurable. Elle l'avait défendue, toutes griffes dehors, elle avait montré les griffes, encore et encore, pour défendre son protégé, toujours. Même s'il fallait sortir le poing rageur, elle qui était une si grande masse de colère, là, juste sous cette couche chaude, elle bouillait.

La main se perdait toujours dans les mèches sombres, douce et tendre, toujours, alors qu'elle serrait ce frère qui ne lui ressemblait en rien. Il était la seule personne à qui elle murmurait des je t'aime, penchée sur lui, les cheveux fous venant taquiner la peau pâle, un sourire béat d'amour au visage. Même si elle était de plus en plus sérieuse, de moins en moins bonne à ce jeu de la chaleur, elle qui vivait dans une carapace qui n'était pas son tout. Mais pas avec Léo.

Gina espérait toujours. Elle espérait que jamais, Léo ne la haïsse. Que jamais la douleur ne l'atteindrait et que toujours ses bras l'enlaceraient. Mais Gina était rongée par son poison et une part de son âme abîmée ne pouvait que s'inquiéter de la disparition de ce lien si fort entre son doux frère et elle, brute, tout en angles et en secrets.

La discussion dévia, toujours elle déviait. Et déjà les mots tiraient vers des sujets plus doux, les sujets qui rendaient sa chaleur à Gina, toujours, une victoire sur la curiosité qui briserait un jour tout ce qu'elle avait construit.

Les bras restaient autour de Léo, le sourire s'étendait et l'étudiante déposa un baiser sur le front, le regard perdu au loin, sur ce mur trop proche.

- C'est parce que je le fais avec amour, ça le rend meilleur ptit chat

Ô amour, restes-ici, ne la quittes pas puisqu'elle mourrait sans cette douceur pour ne laisser que des épines.
 

C'était un vœu bien égoïste que de souhaiter garder cette image brillante, cette posture glorieuse devant Léo. Mais rien ne pouvait rompre le souhait de Gina. Elle resterait ce mystère pour son frère, une version en papier glacé dont il pouvait être fier, une version qui n'imposait ni crainte, ni dégoût, mais une admiration et un amour sans faille.
L'étudiante ne cessait de replier ses profondeurs pour être cette surface lisse devant lui. Jamais, elle ne souhaitait qu'il ne voit ce qu'elle était réellement. Une cruelle et vile monstruosité bien emballée dans un soleil chaleureux. Les années auraient beau passer, jamais Gina ne dévoilerait cette part d'elle. Jamais. Elle s'en était fait la promesse.

Alors elle caressait ses cheveux encore et encore, observant la pluie qui ruisselait désormais à la fenêtre dans la disparition du jour. Léo ne saurait jamais mais elle l'aimerait de tout son coeur, éternellement. Il sera le seul à ne jamais connaître ses crocs asserrés. 

A sa remarque, elle sourit. Une main ébouriffa les cheveux doux, tandis que les lèvres volaient des baisers de tendresse.

- Bien sûr j'ai mis un truc top secret dedans pour que tu m'aimes pour toujours et que tu sois toujours le meilleur petit frère de l'univers, comme toujours, mon plan diabolique fonctionne...


Un rire lumineux, Gina était toujours heureuse quand ses griffes étaient oubliées et quand elle plongeait son regard dans celui de son frère, rien de cruel ne paraissait si ce n'est cet amour mensonger.

Oh, quel bonheur quand Gina peut tenir ce frère entre ses bras ! Elle le serre contre son coeur, le garde contre elle, priant pour que jamais la vie ne les sépare.

Pourtant, elle le sent. Elle le sent, cette faille entre eux, ce gouffre qui grandit chaque année qui passe alors qu'elle continue à égoïstement garder ses secrets. Mais pour l'italienne, il est préférable qu'il lui en veuille pour ses secrets plutôt qu'il sache et la haïsse. Parce que c'est ce que pense l'étudiante. S'il sait, il la détestera.

Elle sent la douleur, lorsque l'heure de partir arrive. Gina, elle veut garder Léo encore, elle veut le garder contre son coeur encore, toujours, éternellement. Mais elle se contente de soupirer et de sourire tristement à Léo lorsque, plein d'espoir, il lui demande à ce qu'ils se revoient vite. Evidemment, bien sûr qu'elle souhaite le revoir vite. Vite, plus vite, si elle le pouvait, elle garderait son ange toujours.

Alors elle hoche la tête, répond à son étreinte, le nez plongée dans cette chevelure douce. Gina, elle se noierait bien dans les bras de Léo, elle tuerait bien pour toujours être avec lui. Parce que malgré les secrets, malgré les faiblesses, c'est elle et Léo contre le reste du monde. Un baiser sur le front, un nouveau sourire.

- On se revoit très vite oui.

L'étreinte dure, s'étire, parce que Gina ne peut pas le lâcher. Elle a besoin de le tenir encore, de l'aimer un peu plus longtemps, de lui dire encore un peu plus à quel point il compte plus que tout, le tenir à l'écart du dur monde si elle le peut. Gina le serre encore entre ses bras fatigués et elle soupire, encore, lorsqu'elle doit s'y arracher. Il y a une tristesse sans nom sur ses traits, toujours lorsqu'elle doit se séparer de lui. C'est un au revoir, un simple au revoir et pas un adieu. Mais Gina y voit l'avenir, Gina y voit déjà l'adieu et elle hait ces au revoir. Alors elle sourit. Elle sourit de toute son âme et appose une dernière caresse dans les mèches sombres.

- Allez, vas-y, je t'aime fort, prends soin de toi jusqu'à ce qu'on se revoit. Je viendrai vite te voir, c'est promis.

Déjà, les pas se font, déjà, il quitte la pièce et Gina sent le poids de la solitude peser un peu plus sur ses épaules. Oh, Léo, frère d'un sang différent, Gina s'y accroche de toute son âme, de tout son coeur et elle espère que jamais elle ne sera seule contre le reste du monde, Léo compris.