apologie de la douceur - ce soir la torpeur est agréable j'ai pas envie de m'en méfier
ça veut pas dire que je rétorque amen à tout de toute manière j'ai la foi en rien mais là tout de suite je crois un peu en nous tellement c'est chaotique quand nous faisons la fête je me dis de toute façon imbibés d'éthanol les souvenirs seront d'un flou suffisant
suffisamment trouble pour que demain sur mon visage on n'écrive pas Xanadu mais un mec un type un voyageur
quelqu'un de passage qui s'est imprégné une heure ou deux, bu un verre ou deux, dit un mot ou dix et puis qui s'éclipse sans que personne retienne
c'est ça que je cherche c'est ça que je veux -
qu'y est pas d'adieux, jamais.

attrapé au vol
moi je pensais direct elle répond escale
arrête toi donc viens là où ça brille (de sourires) repars avec un souvenir
qu'elle dit - c'est une inconnue en tailleurs qui a tendu la main j'allais survoler volatile partir explorer d'autres ciels parce que celui qui surplombe s'enflamme, comme les ampoules avant de claquer le soleil vire orangé cramé et ébloui j'avais envie de voir tomber la nuit ailleurs, cigarette au bec nez en l'air chasseur d'étoile, une flasque de 'sky dans la poche arrière. obligé de baisser les yeux sur la fille de l'air.
elle me fait rire avec ses marqueurs, debout devant elle j'observe on dirait une gamine qui réclame qu'on vienne voir comme elle dessine bien - regarde tout ce que je sais faire ! j'ai vu passer les chef-d'œuvre t'inquiète
et puis ce serait risquer de repasser même si c'est pas grand chose sur la peau déjà
désabusé je hausse un sourcil, filtre entre les dents pour avoir les mains libre et je relève les manches de la chemise lâche, sous le cotton blanc des tâches (d'encre)
c'est sous-cutané (tatoué), alors les feutres indélébiles c'est pas ça qui me fait peur.

c'est pas une question de prix et j'doute pas de ta fibre artistique mais tu vois bien que j'ai plus trop d'place.

et je détourne le regard sur l'effervescence abandonnée qui se porte bien, qui cherche pas où on a bien pu passer je me dis qu'au fond errer ailleurs ou bien dans les parages c'est du pareil au même. pris d'hésitation, à l'annonce de correspondance, c'est comme dans les trains,
rester ou descendre sur le quais
pour deux minutes d'arrêt est-ce qu'on a bien le temps de se permettre de flâner - ah mais elle promet une accalmie de qualité c'est même elle qui l'a dit c'est presque juré.
alors va
c'est bien parce qu'on ne sait pas à quelle heure on repartira pour de bon.
soupir résolu je sors la bouteille dérobée et la pose à côté d'elle avant d'adopter les coutumes de la région, je fais comme elle je m'assois en tailleurs sans trop regarder dans les yeux encore, la cigarette entre les lèvres je peux pas parler tout de suite je vérifie d'abord qu'on remarque pas l'absence d'un contenant d'alcool sur les tables au loin - mais non, comme nous tout le monde s'en fiche
et je me pose pour de bon
dévisage l'inconnue comme il faut tandis que je me débarrasse du bâillon, récupère le poison entre le pouce et l'index pour expirer des souffles toxiques - amusés.

tu dessines vite ?

la bouteille entre elle et moi je m'en empare pour faire craquer le bouchon scellé - jamais entamée encore c'est un peu comme fêter une occasion de l'ouvrir maintenant.

vite et bien de préférence. quand y aura plus rien à boire je me barre.

et comme pour fêter l'accord tacite - va pour jouer le carnet de croquis malgré les pages déjà encrées - je prends une gorgée
avant de replacer à côté de nous, toujours à portée.

sers toi s'tu veux - ça fera passer le temps plus vite par contre !

passer le temps c'est bien ça que tu veux, nan ?
je me demande quel nom sera calligraphié sur les traits de ton visage demain.

qu'est-ce qui te passe par la tête
quand tu passes par la mienne tu traverses sans regarder
pas le temps d'être prudente - on a un avion à prendre
et les carambolages que tu crées
me font marrer moi aussi
ok va pour Speedy

salariée de la société Crush, annonce les consignes de sécurité en attendant les décollages - le soleil se couche bientôt impatiente-toi tu sais bien que les pistes ferment la nuit on ne s'envole pas de minuit à cinq heures du matin - Crush
en cas de crash indique les sorties de secours, oh pas besoin
c'est la première chose que je regarde quand j'arrive quelque part et puis là tout de suite c'est étrange c'est comme sentir qu'on n'en aura jamais besoin. j'offre le bras qui ne tient pas la cigarette et reviens porter le filtre aux lèvres, observe les doigts qui effleurent la peau et la mine du feutre qui survole
esquisse un sourire d'avance

fais toi plaiz' pour la forme du visa.

avant d'intoxiquer les poumons
l'avantage de l'épiderme de faux-papier
si tu rates y aura qu'à recommencer et puis à toujours voyager seul si la destination déçoit suffit d'effacer. enfin
si tu t'appliques peut-être que je reviendrai pour un duplicata du dessin et je me l'imprimerai pour de bon sur le bras, Crush.
et l'encre n'imbibe pas encore, plane au dessus de moi je regarde intrigué avant de hausser un sourcil
en entendant la proposition.
étouffe un rire entrecoupé à la fumée, je pose modestement ma main sur le plexus solaire pour me désigner - avoue que Monsieur ça ne va pas trop à ce que tu as sous les yeux
laisse tomber.

allons Speedy pas de ça entre nous
appellez-moi Xanadu pour ce soir et puis demain on se lancera un traditionnel "c'est quoi ton nom déjà ?" comme tout l'monde.

sans plus de cérémonie
sur les jambes en tailleur le coude qu'on ne tient pas vient se poser sur l'un des genoux, bâtonnet empoisonné entre l'index et le majeur je viens poser le menton dans le creux de la paume et incline doucement la tête -
profiter des paysages c'est quand on vagabonde seul.

si l'offre est valable aujourd'hui seulement ce s'rait dommage de passer à coté.
à quoi on joue du coup ?

l'urgence provoquée par l'idée de rater les occasions
c'est vraiment fourbe comme argument de vente tu sais ?

retourne les sabliers et voit filer le temps
érige des halls de terminal et au centre la grande horloge elle a la forme d'une bouteille et plutôt que des grains les secondes se boivent liquides. les jeux pour faire passer les heures je connais tu sais celui là je le connais bien, je crois que dans les trains on a soufflé un millier de questions puis un millier de réponses
et on a jamais fait le tour des mystères
jamais fait le tour du monde en entier
infinis, les voyages, alors
on fait bien de délimiter les itinéraires,
tracer des cartes sur la peau et se quitter
quand on n'arrivera plus à lire ce qu'y a marqué.
deal, c'est un jeu universel ça.
qu'on comprendrait dans toutes les langues.

alors on commence on se lance, pas encore dans le vide on prévoit juste, esquisse les premières lignes des sentiers que l'on aimerait bien emprunter et puis, les suivre on verra,
on verra.
il faut déjà s'informer des provenances,
demander
t'as combien d'heures de vol dans les pattes
combien d'images, comme des souvenirs, qui se cachent
sous les vêtements.

ah - j'ai perdu le compte des escales Speedy
c'est tellement momentané ces moments-là
et les aéroports se ressemblent tous -
pour ça qu'il faut prendre l'initiative de dessiner quelque chose d'un peu plus percutant. le regard qui se lève vers le jour déclinant, le temps de compter, visualiser les péripéties
qu'on a vécu et puis noté soi-même
à coup d'encre et d'aiguille.
hm... une dizaine... dix. dix tout juste,
pas plus pas moins.
s'étendent coté droit du poing jusqu'au cœur, en passant par l'épaule et des détours sur les flancs. coté droit parce qu'on est gaucher et qu'il n'y a que là que ce serait lisible. c'est des prénoms et des endroits, des symboles et des chiffres,
des dates, qui existent aussi dans la mémoire.
les gens qu'on a laissé quelque part, ils restent dans l'épiderme.
et je regarde, les courbes que laisse le feutre que tu tiens sur ma peau, je me dis que ça va encore ça part à l'eau,
je ne sais pas, je n'ai pas envie
pas tout de suite
de passer à onze.

j'ai même pas posé ma question encore.
la bouteille à portée, je récupère, sans boire tout de suite
c'est comme arrêter les secondes.
toi Speedy,
ça fait combien de temps que tu tournes en rond ici ?
que tu joues les hôtesses de l'air malgré qu'on soit bloqué sur le tarmac à durée indéterminée. depuis quand
tu voyages plus ?
et sur l'interrogation, je porte le goulot à la bouche,
ravale l'impatience des décollages dans une gorgée de liqueur.