lubie étrange attendrit l'Ange -
porte dans le cœur une affection toute particulière pour les petites créatures - c'est qu'il aime follement les insectes.

ces êtres là sont de grands incompris. insignifiants et pourtant un coup d'œil suffit à provoquer des grimaces écœurées chez ceux qui voient mal. redouté par les ignorants ces derniers gardent alors leurs distances, imaginent aux abeilles comme aux tarentules des défenses redoutables - alors que ces bestioles en manquent cruellement, si ils savaient. observe les Cicadas et tu verras - elles n'ont qu'un exosquelette que deux doigts suffisent à écrabouiller ; c'est sans efforts.
des carapaces débordantes de vulnérabilités -
et Ange les aime follement, s'amuse à les dénicher en remuant ciel et terre pour regarder de plus près.

au cœur de la bibliothèque papillonne un spécimen - vole maladroitement plutôt. Jiwon
a l'air d'avoir perdu des écailles - cette fameuse poudre qui reste entre les doigts lorsqu'on se risque à toucher les ailes. une œillade et ça se sent, qu'on l'a manipulé maladroitement
et Ange se demande souvent dans quels jardins
de quelle manière
on t'a réduit en charpie.

et c'est toujours avec soin qu'on s'approche, quitte à provoquer les faux-pas, à l'ondée du visage rien ne froisse les airs d'une douceur éthérée - empruntés à quelqu'un qui aurait du cœur. à moitié. car le sien est enclin à balancer du coté des faiblesses
aujourd'hui ce seront les tiennes.
cille à peine, Ange qui se fait marcher sur le pied - un insecte ça ne fait pas mal - on pourrait chasser du dos de la main mais aujourd'hui ça survole les livres en compagnie d'un congénère bien moins vivant. on voit souvent des spectres veiller sur les insectes - la silhouette intangible quitte rarement Jiwon, on le sait.
mais Ange est dénué de mauvaises intentions - lui, on ne peut plus l'aider depuis longtemps.

plutôt l'inverse non ?

et comme pour saisir les choses à travers tes regards il se penche au dessus de ton épaule, y pose presque le menton - si près des étoffes nouées autour du cou - pour lever les yeux vers les étagères où s'alignent les ouvrage. l'expression concernée de ton visage sur le sien, sans se défaire du sourire.

je t'ai vu t'agiter au milieu des rayons, tu cherches quoi ?

réveille la curiosité morbide
moi ne t'en fais pas
j'ai déjà trouvé.

aucune oscillation - les battements d'ailes assurés
cillent à peine
c'est plein de fierté ce spécimen là
et comme les papillons on laisse voler - lance les mots que tu veux Jiwon,
Ange n'a peur ni des silences ni des remontrances
rattrape au vol les gens dans leur entièreté, peut-être un peu trop au goût de certain
notamment lorsqu'il réplique sans filtre aucun

je doute que tu sois du genre à demander spontanément qu'on te rende service.

tu fais si peu de bruit
si discret, Jiwon, il n'y a que les esprits pour te prêter main forte et Ange observe tandis que tu t'adresses à eux dans une langue qu'on ne comprend pas.
oh ce n'est pas la première fois qu'on ne saisit pas ce que disent les gens, c'est quotidien
on peut se passer des mots à force.

tu peux compter sur les vivants aussi.

sourire
de constater que tu réagis tout de même, l'œillade toujours aiguisée Ange peut-être la faute à son alice affamée d'imiter les autres il est attentif à chaque seconde
se redresse aussitôt en voyant que tu lui lances quelques choses
il rattrape
pour déplier les origamis chaotiques des notes que tu as prise
et il te cède ton espace vital
lui déambule distraitement tout en lisant ton écriture fine.

hm..
tu vois que t'as bien fait - on a eu le même sujet de dissert' l'année dernière je vois à quoi il ressemble ton bouquin.

et à quelques pas il relève la tête,
garde précieusement le morceau de papier
comme si c'était le plus importants des contrats
la risette doucement avide de rendre service.

si je le trouve tu m'aideras aussi ? y a un problème que j'arrive pas à résoudre moi non plus.

et Ange n'aime pas trop les équations irrésolues.

Jiwon en tête-à-tête avec les abysses - lorsqu'on le dévisage sans détour Ange se demande toujours ce qu'on voit dans les yeux bleu ciel
des flammes ou l'Eden le monde oscille toujours - tout ce qu'il veut discerner c'est que malgré les dissonances on l'aime. c'est qu'il fait de son mieux pour entretenir les harmonies tu sais, au fond tout ça c'est pour vous. son amour à lui diforme, entamé depuis l'enfance, il faut qu'il passe au travers de vos prismes et ricochent pour retrouver des airs plus complets.
et ça le fait sourire de t'entendre dire que c'est surprenant
tant on a toujours fonctionné de cette façon.

je dépends beaucoup plus des autres que j'en ai l'air.

avant de chasser les doutes, balayant l'air d'un mouvement de poignet comme si ça pouvait suffire à annihiler les craintes.

rien de très compliqué, t'en fais pas.

réprime le moindre tressaillement des battements d'ailes - ça fait presque toute une vie qu'on conçoit le fait que les arracher est inacceptable,
on n'embête plus les papillons depuis qu'on les voit voler dans les hautes herbes des patios où on a grandit, Jiwon, alors il ne faut pas s'inquiéter
Ange ne cloue pas au sol - rien que dans les vitrines pour observer.
et il se détourne sans plus de cérémonie, l'indice du livre convoité froissé il vient passer en revue les rayons adjacents - comme si les classements ne répondaient pas à la logique que tu as Jiwon il cherche là où l'on ne penserait pas forcément regarder.
paisible tandis qu'il observe les tranches des livres, repère les ordres alphabétiques d'abord avant de s'accroupir pour atteindre les étagères les plus basses, où il cherche désormais la couleur de la couverture qu'on connaît bien.
et finalement
éclat satisfait d'avoir l'œil aiguisé
Ange sort le bouquin des rayons, se relève en détaillant comme si c'était la clé pour quelque chose de plus grand
avant de reporter le regard sur toi.

c'est historique mais ça traite surtout de la socio-politique de l'époque, pour ça que tu trouvais pas du coté des livres d'histoire.

et c'est entre ses mains quelques secondes
de trop
mais Ange tient toujours parole
et il te tend l'ouvrage sans hésitation aucune, l'expression conciliante.

des fois la logique des vivants est un peu étrange je te l'accorde.

il trouve aussi.

observateur observé, inverse les rôles une seconde il est sous verre et vous surplombez, comme deux spectres, le cœur de l'un qui bat encore, ça parle une langue étrangère et tire sûrement des conclusions comme face à un rat de laboratoire au comportement surprenant.
Ange est sage comme une de ces images immuables qu'on a calqué sur son visage pour complaire à tous les dogmes des autres - décalque des mimiques sacrées pour être sûr d'être encadré
la crainte universelle, on la décrypte
dans les intonations de voix et les expressions inquiètes
et toujours toujours des risettes paisibles pour répondre
c'est le langage que l'on connaît.

c'est bien le bouquin que tu cherchais ? je suis sûr que c'est le bon mais je peux me tromper - je suis humain tu sais.

joue sur les mots, s'amuse à préciser comme si soulever les manques les supprimait - c'est créer des flous rassurants en effaçant les frontières. un humain ne rappellerait pas qu'il est humain mais un humain comprendrait très bien que l'on se méfie de ses semblables
c'est très humain le sarcasme Jiwon tu es cynique toi parfois c'est très humain ça aussi
on est pareil tu vois.
et on a signé un contrat.

tu parles comme si t'avais signé un pacte avec le diable.

elle est angélique, la mélodie des rires d'Ange qui baisse pudiquement les yeux comme si on avait peur de déranger - de perturber les envols fébriles, pas de geste brusque lorsque les papillons se posent c'est si volatile, ces instants là - on fait mine d'hésiter
chercher les mots au sol alors qu'ils sont déjà tout trouvé dans l'esprit
inscrits depuis la première fois qu'on t'a vu, ce que l'on veut savoir
Ange lève un regard innocent vers toi - c'est sans penser mal.

je me demandais pourquoi tu te cachais.

porte le bout des doigts sur sa propre gorge
effleure les absences de tissus c'est comme toucher les étoffes qui couvrent toujours ton cou par procuration, on voudrait tendre la main mais ça abîmerait les ailes déjà esquintées et Ange esquisse des risettes plus naturelles
de celles qu'il a face aux choses qu'il trouve belles

pourquoi tu dissimules sous le tissus - qu'est-ce que tu caches ? c'est parce que tu as honte ? tu as peur des regards ? je comprends pas, ça donne juste envie de voir, je pense que si tout le monde voyait ça les fascinerait - ça les ferait frissonner, en fait je pense que ça les impressionnerait vachement - je comprends pas pourquoi tu prends jamais l'avantage Jiwon
explique-moi.

montre-lui.

la bonne conscience voudrait que les joues se teintent de camaïeux coupables mais Ange reste impassible la peau diaphane - une atroce innocence jamais entachée par les regrets
d'avoir osé blasphémer à haute-voix.
risette esquissée imbibée de bon sens

forcément que c'est pas de la fierté - c'est comme avoir laissé des gens te graver leur nom dessus. c'est dégradant. carrément humiliant.

tu vois
on peut comprendre ce qui te traverse l'esprit
à défaut d'être traversé par les sentiments des autres on suit
les raisonnements, pour aboutir à des résultats similaires
tirer les mêmes conclusions que toi, Jiwon.
mais Ange - expérimente
emprunte des sentiers différents, mués de sentiments dissonants ils se passent de toutes les conventions, et pourtant
on se comprend Jiwon.
Ange te comprend - pourquoi ne veux-tu pas saisir ses schémas à lui aussi ?
c'est un itinéraire si reposant, où il pousse d'autres sortes de ressentiments dans les fossés qui les bordent, on y avance - paisible - il s'avance,
se place debout devant toi il regarde, imagine
et ce n'est pas du dégoût qui ourle les lèvres d'Ange,
courbées de clémence c'est comme si rien qu'une moue suffisait pour s'expier des hostilités.
il n'est pas un ennemi - jamais
au fond, Ange ne déteste personne.
les gens qu'on exècre on veut les voir souffrir et lui n'a plus ces envies-là depuis les insectes amputés dans les jardins. on veut voir vivre comme on le désire,
quitte à être intrigué des métamorphoses lorsqu'on est face à la morosité.
la tienne fascine, on se demande
ce qu'elle pourrait renfermer.

t'as vraiment pas envie de les garder sous les yeux ces marques-là ? au cas où. pour te rappeler.

moi à ta place, je les mettrais bien en évidence. histoire de pas oublier ce qu'on m'a fait. de pas oublier qui me les a fait.

on se doute que ce ne sont pas des accidents, Jiwon.

tu les détestes - parce que c'est des souvenirs de toi faible au possible. quand tu feras payer les responsables tu les trouveras tout de suite moins laides.

tu ne veux pas, Jiwon ? montrer cette part de toi,
on rêverait de l'apercevoir au creux de tous les secrets que tu renfermes.
haussement d'épaules - car on ne conçoit pas
de demander grand chose. et parfois Ange force d'ouvrir les chrysalides
effleure de curiosité morbide -
tend la main pour passer le bout des doigts
sur le velours autour du cou qui couvre les balafres.

moi je les trouve déjà belles.

résonne d'une sincérité sans pareille
dénuée de mimétisme
c'est ses expressions à lui.

tu refuses de partager avec ton prochain, Jiwon, ravises toute envie de transmettre les mots c'est une forme d'altruisme égoïste et ça Ange peut comprendre, même s'il n'est pas d'accord avec ta manière de faire. le velours effleuré comme les ailes relâche, car trop toucher empêcherait l'autre de reprendre son envol - on n'a pas de poudre sur les doigts, rien fait de mal - ramène les bras le long du corps et laisse Jiwon tranquille. laisse parler et tique sur certains mots. à défaut de tes expressions - elles sont toujours trop sereines - Ange collectionne tes phrases comme des joyaux. elles brillent sourdement de ressentiments, il est sûr. c'est accepté, intégré, digéré, tellement en dedans que c'est presque enterré, Jiwon. tu vis avec tout simplement. mais Ange a vu. tu peux cacher, un papillon ébréché ne vole jamais tout à fait comme les autres.

et il s'amuse de te voir t'agiter au cœur de tes phrases, tu y enchaînes les interrogations avant d'y répondre aussitôt toi-même. exhibe même les preuves au grand jour pour souligner les propos de traits blancs - la peau bariolées d'estafilade
provoque le mutisme presque solennel
avant de réveiller des sourires presque dévots.

oh tu n'es pas si lâche que ça Jiwon. si tu l'étais, tu n'en aurais pas autant.

tu ne respirerais peut-être plus. aussi marqué et toujours vivant, c'est être tenace que de se tenir debout malgré l'état de la carcasse. on ne la regarde plus dans les yeux - Ange, trop occupé
à chercher les réponses quelques parts sur les bras mis à nu
incline la tête, pensif.

je n'en sais rien, de ce que je trouve beau là-dedans. ça l'est tout simplement - je voulais les voir, j'aime bien voir ce genre de chose c'est assez fascinant. c'est là que je comprends mieux les autres.

c'est universel d'avoir mal Jiwon - on a beau manquer de larmes il n'y a pas besoin du lacrymal pour exprimer les souffrances. parfois lorsqu'il est seul sans qu'il sache pourquoi Ange se retrouve les bras chargés de pleurs. incapable de savoir où est-ce que l'on a trouvé toute cette tristesse il épanche dans les oreillers jusqu'à ce que ça passe et s'y endort paisiblement. sans cicatrice il saigne, amputé de quelque chose à vie.
personne pour se venger, alors c'est le monde entier qui prend.
mais toi non, Jiwon, on te l'a dit
le regard bas sur les avant-bras révélés à l'ombre des bibliothèques, Ange observe sans un mot les cartes de toi tracées à même la peau. on ne pourrait pas lire à haute-voix ce qu'il y a d'écrit Jiwon, c'est ton histoire c'est ton langage
mais Ange tend la main
pour survoler du bout des doigts
comme si la prose des balafres était en braille.

je te comprends.

alors comprends-moi un peu aussi.

ce n'est pas grave Jiwon après tout à la source d'Ange il n'y a que les paroles à boire. la plupart des expressions - si ce n'est les dernières au moment des questions - ce ne sont pas les siennes, il a emprunté. et sur sa peau, contrairement à toi, il n'y a rien à lire. les séquelles invisibles car il n'y a eu personne pour les infliger, tant elles font partie intégrante de ce que c'est, Ange. alors c'est normal
que tu n'aies qu'une vague idée.
oublie donc ceux qui voient mal
au travers des primes déformés - Ange les méprise.

moi ça ne me dérange pas alors tu vois - ces gens là se sont complètement planté.

lui est venu te chercher, non ? c'est que tu es le genre de choses après lesquelles il court. les cicatrices il te les rend, cesse de les survoler du bout des doigts il laisse tes avant-bras tranquille - on les a déjà suffisamment atteint. et lorsqu'il t'entend formuler des théorèmes tu fais revenir les sourires, Jiwon on aime les répliques
qui commencent par "si" et ponctuées d'un "alors" - oui si c'est comme ça
Ange est alors inconditionnel
pour les conditionnelles.
la question n'est pas de savoir si tu pourrais.

tu voudrais, Jiwon ? me comprendre.

c'est ce que sous-entend l'interrogation, on veut être sûr
même si Ange est déjà convaincu. c'est désinvolte,
rythmé d'un haussement d'épaule et il se détourne pour regarder distraitement ailleurs comme s'il réfléchissait sérieusement à la problématique. observe des chiffres invisibles retraçant vos équations.

je t'ai rendu service et t'as répondu à ma question.

c'est comme si on avait signé un contrat valable une fois
tu as vu comme c'est simple avec Ange - c'est souvent
une question d'échange.
alors qu'il a des urgences de dérober d'arracher, il fait de son mieux pour jouer le jeu
rester fair-play, il préfère. de cette manière on vit correctement avec les autres tout en s'amusant de la façon qui nous plaît le plus. donnant-donnant.
et le regard se perd sur les étagères à coté de vous, pensif Ange s'y appose doucement, appuie l'épaule comme si c'était fatiguant de rester autant debout face à toi, Jiwon
vers qui il relève une étincelle de regard tout à coup, la risette presque candide.

tu n'as qu'à me demander à ton tour ce que tu ne comprends pas, et je te dirai. tu me devras une autre explication du coup. et ainsi de suite - tu me confies un secret, je t'en confie un aussi

quelque chose qu'il cache lui aussi par exemple - oh ce n'est pas sur la peau mais c'est bien si bien dissimulé tu sais
on peut continuer les équivalences, Jiwon
si tu le veux.
on s'amuse bien avec toi.

les règles du jeu énoncées à voix haute, interdisent de s'entourer de troubles - pas le droit de broder des étoffes de jolis mots pour ravir Jiwon on ne se drape que de vérité. et Ange que la sincérité électrise, acquiesce désinvolte car on est impatient de pouvoir en apprendre plus sur toi.

je dis toujours des choses vraies !

et ce n'est pas la faute d'Ange si les gens appellent "la Vérité" tout ce qui sonne juste à leur cœur. on peut dire ce que l'on veut - même les plus ingénus se plaisent à rougir aux flatteries de temps à autre.

mais tu ne fais pas tout à fait partie des autres, Jiwon. entre deux eaux jusqu'à la réalité même, toi aussi tu oscilles entre visible et invisible. et c'est peut-être pour ça qu'Ange se risque à t'approcher - on devine une absence de frontières similaires. que dirait le monde pour te dissuader de faire un pas vers lui ?

la tête s'incline à peine tandis que Ange chasse un regard pensif, les mains dans les poches, il considère la question et s'applique à imaginer la psyché étrangère. et puis bien vite, retrouve le sourire tant c'est évident.

parce que c'est trop facile pour moi d'imiter les autres, et que personne ne sait à quel point j'utilise ce qui ne m'appartient pas.

les expressions, les mimiques, les airs quels qu'il soit. des larmes aux sourires on compose avec une palette infinie et toujours on pioche les couleurs qui vont le mieux au portrait d'Ange que l'on souhaiterait admirer de tout notre cœur. toi Jiwon tu veux les teintes sans trompe-l'œil, et l'idée lui va.

mais t'en fais pas, aujourd'hui je fais avec ce que j'ai.

et il y aura peut-être des vides sur la toile. ça ne fait rien, Ange même s'il lui en manque, est pleins d'émotions tandis qu'il a enfin le droit d'être curieux comme il le veut.

tu n'en as jamais marre de faire des efforts pour les autres alors qu'ils ne méritent pas grand chose, Jiwon ?