Ma vie ? Ma vie n'a rien de passionnant. J'suis un môme qui aurait pu grandir avec une cuillère en argent dans la bouche. Mon père est un type « bien ». Le genre de mec qu'à gravit les échelons à la sueur de son front pour créer une entreprise florissante. Génial. Du coup, il a épousé une bonne femme qui lui servait de potiche, une nana dix ans plus jeune que lui avec un sourire Colgate et un pois-chiche à la place du cerveau. Pourtant, j'avais un lien avec ma mère, bien plus qu'avec le paternel. Mais bon, quand on vous enlève à votre famille à trois ans, c'est compliqué d'être lié avec ses parents. Alors bon, j'ai un peu été tenu à l'écart. Enfant, j'étais déjà le genre caïd des bacs à sable. J'étais le gamin débile qui emmerdait les autres. Celui qui était un peu trop chiant. Celui qui traumatisait. Ouais, j'étais le bourreau des gamins. Jusqu'à ce que j'en ai traumatisé un peu trop. On était au niveau lycée et j'avais grave envie de l'emmerder H24. Sa tête me revenait juste pas. Sauf qu'il a pas supporté. Avec du recul, je sais que j'étais complètement con. Avec du recul, je sais que j'étais complètement con. C'est pour ça qu'aujourd'hui, j'suis assez catégorique avec les gamins qui sont trop brutaux ou qui savent pas où ils mettent les pieds. Parce que quand le môme que j'ai malmené à tenté de se suicider à cause de mes conneries, j'ai pris conscience que je devrais peut-être pas faire ça. Que je devrais faire attention. Alors non, je suis pas devenue subitement quelqu'un de bien. J'ai essayé de réparer ce que j'avais fait en m'occupant de lui. C'est tout. Et maintenant je veille l'air de rien sur les autres. Parce qu'ouais, j'ai pas envie d'avoir des morts sur la conscience. C'est pas pour ça que je suis super prévenant et que je suis à l'écoute.

Bon après j'ai fini mes études, j'étais pas un mauvais élève, pas un bon non plus. J'avais des facilités et surtout dans la maîtrise de mon alice. Sérieux, j'adore cet alice. J'ai l'impression de me créer des amis. Bon pas vraiment des amis, plus des larbins. C'est tellement pratique quand la canette de bière débarque d'elle-même ou que j'ai pas besoin de courir pour arrêter un élève qui essaie de faire le mur. Je crois que j'insuffle un peu de mon âme dans ces objets le temps d'un moment, du coup, ils sont aussi capricieux que moi. Bref, j'adore cet alice et du coup, je le maîtrise quasiment parfaitement.

A la fin de mes études, j'ai intégré l'académie en tant que surveillant. J'avais aucune envie de rejoindre la société du paternel et j'avais pas du tout envie qu'on joue la parfaite petite famille. Ca n'a pas plu à mon père. Alors la dernière fois que je l'ai vu, c'était lors de l'enterrement de ma mère. Elle a fait une dépression et s'est bourrée de calmant. Elle en a pris un de trop. C'était pas un suicide, mais elle a quand même fait une overdose. Du coup, j'suis venu dans leur maison pour m'occuper de ses affaires. Parce que lui n'avait pas le temps. Alors en rangeant les papiers, j'ai découvert des lettres qu'elle avait écrit à ma grand-mère 20 ans plus tôt. Des lettres dans lesquelles elle avouait qu'elle avait "vendu" mon frère jumeau parce qu'elle ne voulait pas s'occuper de deux enfants. Ca voulait dire que j'avais un frangin perdu dans la nature. Et qu'on s'était probablement côtoyé à l'académie. Je supposais alors que c'était un faux-jumeau, puisque je suis à peu près sûr que j'aurais reconnu ma tronche si je l'avais croisée. Et rajoutez à cette nouvelle, un mot qui disait que mon père… N'était pas mon père. Abandonnée à son triste sort, ma mère avait fini par trouver un amant, un homme dont elle n'a jamais nommé le nom. Inutile de vous dire que je l'ai eu un peu mauvaise. Tellement mauvaise que je me suis vengé sur mon père en lui balançant tout à la gueule. Si bien qu'il m'a viré de chez lui. Je dois pas me planter si je dis aujourd'hui qu'il n'y a aucune chance pour que je figure sur son testament. Oh, je peux comprendre hein. De toute façon, il n'en a jamais rien eu à foutre de ma gueule donc bon.

Enfin bref. Après ça, je suis revenu à l'école pour bosser et depuis, j'en suis jamais parti. Enfin si, j'ai pris des vacances ici et là pour voir le monde, mais dans le principe, j'ai pas quitté l'académie. Parce qu'au fond, c'est le seul endroit où j'ai jamais été chez moi donc je vois pas l'intérêt de partir. Depuis que j'ai commencé en temps que surveillant, je me suis taillé une réputation de pire surveillant. N'était pas mon père. Parce que hey, j'parais trop cool comme ça donc tous ces morveux veulent être proche de moi - et en soi ça pourrait arriver - mais quand ils s'y croient trop, je me fais un plaisir de les faire redescendre sur terre.