(fb) Et on chasse les chimères • Maria

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Every Time We Live Together We Die A Bit More

notes : and here we go

Jusque-là, Teagan avait toujours trouvé un certain attrait aux énigmes. Démêler le vrai et le faux. Comprendre la logique des actions et d’un point de vue. Maintenant, il s’interroge sur sa décision de suivre une piste sur un coup de tête. Ce fichu besoin de savoir s’agrippe à lui. La charogne se nourrit de ses interrogations, et elles ont commencé à s’entasser depuis ses discussions avec loveamerica. Ou love. Jamais il n’aurait imaginé que cet échange aurait pris autant de place. Mais lui parler s’était avéré facile. Et le piège de la facilité s’était refermé sur lui. Il sentait ses crocs plantés dans ses faiblesses.

Il lève son téléphone. Comparaison de la photo affichée sur l’écran et de la réalité. Décor qui correspond. Angle similaire. Et s’il en croit l’heure, la mise en ligne est récente. Son regard balaie les alentours en quête d’une silhouette féminine, double de celle affichée en partie sur le compte.

Laisse tomber. Tu perds ton temps.
Ouais, mais maintenant que t’es là, tu vas pas te barrer, non ?

Ce serait bien s’il pouvait confirmer certaines théories. Comme celle que love est peut-être déjà en couple. D’où l’enveloppe de mystère la drapant. Les autres possibilités ne manquent pas, mais ce serait plonger dans un fatalisme qu’il repousse. Sa confiance en les autres est un fil fin qui ne demande qu’à être coupé. La corde lisse menace de glisser entre ses doigts, malgré ses efforts pour se sortir d’une certaine façon de penser.

Tant pis, si ses illusions l’aveuglent. Qui a chuté une fois, peut bien s’enfoncer une seconde fois.

Claquement de langue contre le palais. Un. Deux. Trois. Il arrête. Ses doigts courent sur le clavier. Son message sera simple. Direct. Là tout de suite, il n’a pas le cœur de la prendre en défaut. Ou le prendre en défaut. L’idée que love soit un adolescent lui a traversé l’esprit à un moment. Une consolation reste : peu chance de tomber sur Roger, 45 ans, chauffeur routier lorsqu’il s’agit de l’académie.

hey love, ça va ? je voulais te voir, t’es pas du côté de la fontaine ?

Message envoyé. Pas de regret. Si seulement, ça pouvait être toujours aussi simple. Mais non, les doutes le cueilleront ce soir. Quand, dans le silence de sa chambre, son esprit réécrira le cours de sa journée. Quand les mots justes s’imposeront d’eux-même et que les silences n’ayant pas eu lieu le hanteront.

Oser, puis douter. Douter, puis se détester. Se détester, puis se punir. Avec le temps, il a appris à se connaître.

Si seulement, il arrivait à comprendre les autres. Pour le moment, l’heure n’est pas au visionnage des épisodes passés et il s’approche d’une élève, assise sur un banc, le nez dans un livre.

— Excuse-moi, est-ce que je peux te déranger une minute…

S’ensuit une brève description basée sur les maigres informations qu’il a pu récoltées. Qu’y a-t-il de pire ? Chasser une chimère ou un fantôme ? Il n’a pas la réponse à cette question.

Invité

et on chasse les chimères

Elle a les yeux rivés sur la voûte céleste, depuis des heures. Elle ne sait pas ce qu'elle regarde.

La stratosphère ? L'illusion optique derrière laquelle dort le paradis ? On t'a bien dit qu'il était là-haut, qu'il n'attendait que toi. Et toi aussi tu n'attends que lui : la dernière boîte dans laquelle on va t'enfermer, après la pension catholique, l'académie, et ton cercueil - si tu en as un. Au bout de ta vie, tu ressembleras enfin à ton premier prénom, Matriochka. Matriona n'en est que le dérivé, l'excuse derrière laquelle ton père a caché son manque d'imagination ; mais la vérité, c'est que tu n'es que ça, le reflet d'un jouet en bois qui avait l'habitude d'appartenir à sa petite-soeur.

Tu es ronde comme le jouet, creuse aussi.

La dernière petite poupée, la soeur de ton père l'avait perdue - la tienne, tu l'as rangée, à sa place : dans la poche de poitrine des costumes ringards que ton père enfile pour traverser le quartier des putes en rentrant du boulot. Dans son sommeil il répète qu'il ne s'y laissera pas prendre. Tu le crois, il est hypocondriaque ; pour autant, il n'a jamais changé de trajet.

C'est quelque chose que tu aimes chez lui.

La paresse avec laquelle il se vautre dans le vice sans jamais y répondre - car il ne sait pas donner, il ne l'a jamais fait, alors il ne perdra pas son âme non plus dans ces jeux de chat. Il porte à l'apogée de la création humaine l'intégrité de sa personne, ce tout qui le tient ensemble, qui plaît aux femmes. C'est à cause de ça qu'il déteste qu'on le contredise, c'est aussi pour ça qu'il ne comprend pas qu'il puisse être surclassé dans l'affection de quelqu'un d'autre. Il préfère penser que l'offenseur n'existe pas plutôt de considérer l'offense - et comme ça, il t'ignore depuis des années.

Tu es la rayure au miroir, Matriochka.
La sienne, celle de plein d'autres.

Et tu aimerais tous qu'ils aient le même ego, parfois - surtout lui, surtout King. Mais il ne croit pas assez en lui-même pour ignorer tes silences, alors aujourd'hui il te cherche. Hier c'était pareil, avant-hier aussi. Il le dit de temps en temps, qu'il aimerait te voir - en vrai. Mais tu ne sais pas vraiment ce qui est vrai, Love, alors tu ne sais jamais quoi dire. Et comme tu ne sais pas quoi dire, tu mens. Encore et encore, et encore. Ce serait facile d'en déduire que tu le fuis car tu as peur de décevoir l'image qu'il a de toi, avec ton corps obèse, tes amitiés dégénérées. Mais ce n'est pas le cas. Tu n'as peur que d'une chose, Maria. Qu'il pense que tu vaux plus que ça, le jour où ça arrivera.

Car la dernière poupée est vide, et tu n'as jamais menti - sur ce que tu es.

Mais les gens, si souvent, n'aiment que ce qu'ils veulent aimer.

hey, sa va. plu la, reparti dormIr. power nap.

Halloween