médaillon

- Hm, pas envie ce soir, ce sera sans moi.

Cette réponse, il l'avait déjà entendu des centaines de fois.

Ben ne prenait jamais part aux activités collectives de la classe. Il se contentait simplement d'en être l'un des élèves mais restait soigneusement à l'écart de toute intégration profonde. Un simple salut était suffisant aux yeux du jeune homme. Pourquoi pas bavarder pendant la pause-déjeuner, si tant est que le comité est restreint. Plus de cinq personnes et Ben perd toute envie de prendre part à la conversation cependant. Une donnée à prendre en compte pour approcher le sauvage sans le faire fuir. Une donnée qui n'échappe pas aux sens aiguisés d'Oliver, qui fréquente Ben depuis suffisamment longtemps pour mieux comprendre ses bizarreries.

Ses premières observations l'ont conduit à considérer Ben comme un gars grossier et insensible. Très déconnecté de la réalité et totalement en-dehors de tout groupe social. Il s'est avéré cependant qu'il est avant tout très indépendant et qu'il ne compte pas sur la compagnie des autres pour se ressourcer. Sa tolérance pour les relations humaines est même limitée. Il aura fallu deux années à Oliv pour correctement cerner ces limites et ces phobies. Ben en a. Tout comme il cache des secrets ; jamais son pote ne l'a entendu parler de sa famille, de ce qu'il s'est passé avant l'académie. Comment a-t-il découvert son pouvoir ? Que s'est-il passé la première fois qu'il l'a utilisé ? Autant de questions qui n'ont jamais eu de réponses jusqu'à présent.

Ce matin-là, Ben esquive la soirée karaoké prévue par la classe dans les jours qui suivent. Oliver fait tout pour le convaincre de venir ; après tout, il pourra s'en venir et s'en aller quand cela lui plaira et personne ne le forcera à chanter. Il pense même, sans le révéler à son ami, qu'une fille de la classe a des vues sur lui et qu'elle pourrait saisir l'occasion pour l'aborder. Dans les faits, cette idée lui paraît plaisante ; il plaint cependant la pauvre nana qui a jeté son dévolu sur le Ben. Il n'y a pas de créature moins impassible. Rien ne s'affiche sur son visage. Lorsqu'il refuse l'invitation de l'un des gars de la classe, il ne réagit pas à leur déception affichée, leur scepticisme face à ce camarade qui fuit le groupe. Il n'a jamais eu aucune synchronie avec un autre être humain.

En plus, ce jour-là, une idée fixe occupe tout l'espace dans sa tête : Ben a déjà oublié qu'après les cours, il a promit de rejoindre Oliv pour une partie de basket. Il a oublié quantité d'autres choses depuis la matinée : sa trousse, ses clés, son écharpe et ses écouteurs. Son humeur en est devenue maussade dès les premières heures. C'est à peine s'il entend les plaintes d'Olivier ; d'habitude, il prête davantage d'attention à son pote chouineur mais aujourd'hui, il est parasité par une émotion étrangère. Etrangère car cette émotion n'est pas la sienne. Elle lui évoque une peur inconnue, d'une nature très différente de toutes les peurs qu'il a pu connaître dans sa vie jusqu'à présent. Celle qu'il a ressenti, celle qui le hante depuis son réveil n'a rien à voir avec ses expériences passées ; elle est bien plus viscérale, pernicieuse et virulente. Il en a mal dormi. Un sommeil tout sauf reposant, de ceux où vous vous levez encore plus épuisés qu'au coucher.

Maudit médaillon.
Il aurait du se douter que ce cinglé ne lui avait pas donné un bijou anodin...