Les couloirs étaient agités, de peur, de cris, de plaintes aussi et Sinead, en passant dans le coin au hasard de ses pas sentait grimper en elle comme un étrange sentiment. Un mauvais pressentiment, pas si difficile à deviner lorsqu'un enfant paniqué vous sautait presque dessus en vous suppliant de faire quelque chose. Elle n'avait pas tout comprit mais l'essentiel était là. Dispute. Bagarre. Fille. Garçon. Feu.
Danger.

Elle s'était approchée rapidement des lieux du délit, constatant avec une surprise certaine mélangée à une bouillasse désagréable d'horreur et de peur ces deux enfants, vous, entourés par de si belles flammes qu'elle en resta figée de stupeur un moment. Le temps d'une seconde, peut-être deux, avant que son corps ne réagisse brusquement, prit d'un sursaut lorsque la petite -la victime visiblement ?- se mit à hurler. Un enfant qui fuyait la percuta à cet instant et sans qu'elle ne parvienne à le contrôler, son maigre passé vint s'encrer en elle plus fort que jamais. ... Tiens ? À côté d'elle tout brûlait, et c'est lorsqu'elle constata de plus hautes flammes encore qu'elle comprit de quoi il s'agissait. Une amplificatrice. Ou quelque chose qui y ressemblait.

À ce train là, même en courant elle arriverait sans doute trop tard.
Elle ne voulait pas, ne voulait plus, arriver trop tard Sinead.
Jamais.

« Barrez-vous putain ! Restez pas là c'est dangereux ! hurla-t-elle aux petits effrayés qui les entouraient. »

Il y avait ce bouquin dans ses mains, un livre de cours souple mais résistant qui soudain n'y siégeait plus. Tout en courant à s'en crever les poumons vers vous, elle l'avait lancé sur le garçon qui lui tournait le droit. Un joli strike de la tranche en pleine tête dont elle aurait été fière si les conditions avaient été différentes.

« Toi ! s'exclama-t-elle en attrapant le garçon par les épaules pour le tourner vers elle. Écoute-moi et calme toi. Tout va bien, ok ? »

Sinead tentait d'être rassurante et malgré la panique certaine dans sa voix, on sentait la douceur qu'elle tentait d'y inculquer. Ça ne lui ressemblait pourtant pas, mais elle n'avait pas d'autres solution pour t'empêcher de faire une catastrophe. Une main vint se loger dans tes cheveux qu'elle caressa doucement du bout du pouce tout en continuant à te parler.

« Tu ne peux pas régler tes problèmes en incendiant tout le monde alors s'il te plaît, si tu peux contrôler tes flammes détruis-les. Tu peux faire ça ? Après on discutera. »

La petite avait crié quelques mots qu'elle avait écouté sans prendre la peine d'y répondre, pas qu'elle ne le voulait pas seulement elle n'y parvenait pas. Ce n'était pas de sa faute. Qui donc créait cet incendie ? Le petit lui avait répondu à son tour, après qu'elle ait tenté la douceur pour apaiser une situation déjà trop emmêlée. Allez vous faire voir.

« Pardon ? »

Ok.
La poigne sur ses épaules s'était perceptiblement resserrée, une bien piètre démonstration de la colère qui grandit soudain en elle. Cet enfant semblait mal assuré, et pourtant, à mesure de sa colère les flammes ne cessaient d'augmenter. Bientôt elles iraient lécher le corps de la jeune enfant au sol et le leur aussi. Leurs corps à tous les trois brûleraient bien trop vite si elle n'arrêtait pas tout ça maintenant. Un vent de panique soudain dans son coeur la fit serrer encore plus ses doigts sur les épaules d'Elyas, tandis qu'elle réitéra sa demande, haussant le ton bien plus haut que lors du premier essai.

« Tu arrêtes ça TOUT DE SUITE ! Si t'arrêtes pas je t'assomme et je te garantis que tu veux pas que ça arrive. Alors tu la boucles et tu m'éteins ce feu EST-CE QUE C'EST CLAIR ? »

Plus que de la crainte, cette situation mettait ses nerfs à rude épreuve et sa colère ne faisait que croître à mesure que les secondes défilaient.

Dans tout ce chaos elle ne s'entendait plus ni penser ni respirer, et à te voir aussi perturbé elle se dit que peut-être elle était allée un peu fort. Néanmoins tu semblais avoir calmé ta colère et c'était là tout ce qu'elle espérait pour pouvoir, si la chance vous souriait, vous sortir de là aussi indemnes que possible. Vous me faites- pas-.. peur. Dans d'autres circonstances elle en aurait rigolé, un sourire étira d'ailleurs très légèrement ses lèvres avant de disparaître comme son espoir dans les tourments. Elle aurait dû y penser bien sûr, tu n'étais qu'un enfant et à ton âge il était plutôt exceptionnel de maîtriser son alice à la perfection. Ceci dit, il allait falloir trouver quelque chose car déjà l'air devenait de plus en plus étouffant, et vos issues étaient toutes cernées.

Elle s'agenouilla alors, t'incitant à en faire de même tandis qu'elle toussait. Son regard se porta ta camarade dont elle s'enquit de l'état, la rapprochant d'elle puis passant une main qui se voulu douce dans ses cheveux, pour tenter de la rassurer.

« Ça va aller, souffla-t-elle en toussant. »

Ou pas, mais vous feriez comme.
Elle s'était ensuite tournée vers toi, Elyas, réfléchissant aux mots qui pourraient t'aider à contrôler juste assez ton alice pour vous permettre de vous échapper.

« Imagine dans ta tête que ta main est un extincteur, commença-t-elle, la voix étouffée par la fumée inhalée. Respire une fois pour te détendre. Ferme les yeux, concentre toi. Inspires de nouveau, doucement. Et tu relâches tout en direction du feu. »

On lui avait expliqué lorsqu'elle était enfant que les alice de type élémentaire se maîtrisaient souvent mieux avec des mises en situation mentales. Elle espérait qu'Elyas soit en état de réfléchir sans paniquer en tout cas.

« Il nous faut juste une ouverture, une seule petite pour nous échapper. Ces flammes ne te brûleront pas. »

Sauf si tu t'attardes trop en peurs et en regrets.
De nouveau elle s'était tournée vers toi, jeune Eulalie, sa main n'avait pas quitté tes cheveux.

« Est-ce que ton alice fait encore effet ? »

Elle aimerait entendre un non, un peu d'espoir. Quoique ce soit qui ne lui fasse pas plus regretter d'avoir laissé son téléphone dans son appartement en partant ce matin. Personne n'était censé l'appeler et elle n'avait pas prévu d'appeler au secours. Qui répondrait de toute façon ? Même en criant au feu personne n'avait répondu.