Par où commencer ? Nulle part, elle n’a rien, pas de famille, pas de proches, pas de lien. Orpheline dès sa venue au monde, elle n’a fait qu’enchaîner les familles d’accueil. Une fille à problèmes que personne ne voulait garder. A tel point que le seul endroit qui ne l’a pas jeté à la rue se trouve être l’académie.

D’un autre côté, comment blâmer les familles qu’elle a traversées. Son passage laisse rarement peu de traces derrière elle. Son Alice, incontrôlable provoque bien souvent bien trop de dégâts pour qu’une personne rationnelle ne tente sa chance plus longtemps avec un tel enfant. Depuis toujours elle n’a jamais rien eu bien à elle. Que ce soit des jouets ou des contacts, elle finissait par tout casser, tout foutre en l’air, que ce soit volontairement ou non d’ailleurs. Mais alors pourquoi une enfant aussi problématique a pu obtenir autant de familles prêtes à l’accueillir ? Parce qu’elle n’a jamais baissé les bras tout simplement. Malgré tous les rejets qui ont parsemé son existence elle n’a pas cessé de sourire et de montrer sa joie aux autres. A croire que c’était sa stratégie à elle pour trouver une nouvelle chance auprès de nouvelles personnes.

Alors qu’elle commençait à s’habituer à cette vie pleine de rebondissements, du moins de son point de vue d’enfants en bas âge, son problème d’Alice ne tarda pas à se révéler plus contraignant, attirant l’attention de l’académie au passage.  Elle épia une conversation entre l’un de ses « nombreux » père adoptifs et l’un des représentants de cette dite académie avant d’y faire un séjour prolongé.

L’homme qui était devenue son paternel l’espace d’un instant avait perdu de sa superbe pendant la courte semaine suivant l’arrivée de leur nouvelle fille, sa chevelure auparavant noire de jais penchait maintenant vers une broussaille désordonnée et grisâtre. Le nouveau vieux semblait à bout en écoutant à moitié le discours digne d’une des meilleures propagandes politiques du commis de l’académie. Il lui fit d’ailleurs un signe avant de prendre la parole, non sans le couper au passage tandis qu’il déblatérait son texte appris sagement par cœur au préalable.

-Je…je me moque de tout ça, je veux juste qu’elle parte…qu’elle arrête... qu’elle arrête de… que tout ça s’arrête.

Le jeune commis, bien que contrarié de ne pouvoir poursuivre son formidable discours théâtral, ne laissa pas pour autant tomber sa représentation et il ne tarda pas à lui répondre.

-Je suis justement là pour ça. Pour faire en sorte qu’elle ne vous cause plus d’ennuis, à vous n’y à personnes d’autres. Pour qu’il n’y ait plus de problèmes avec tout… avec elle.

Pas la peine de poursuivre, vous vous doutez bien qu’il n’en fallut pas plus pour convaincre le pauvre bougre. L’homme en costume emmena donc la jeune Ashley vers un endroit plus radieux, ou alors un endroit incassable. Quoi qu’il en soit, elle n’avait définitivement plus aucun lien avec l’extérieur à présent. Au moins ça facilite les adieux comme ça pas vrai ?
On pourrait penser que cette conversation qu’elle avait entendu aller la marquer à jamais, qu’elle se sentirait coupable ou que des remords viendraient la ronger pendant plusieurs années. Mais ce n’était pas le cas, elle voyait dans cette académie, quoi que ça puisse être, une chance de tout recommencer, d’être enfin en mesure d’apprendre à dominer son Alice.

Elle ne tarda pas à comprendre que la vie était loin d’être aussi simple. Au cours de toutes ces années, elle n’a jamais appris à le contrôler, au final, elle est toujours incapable de conserver ou de bâtir quoi que ce soit.

Au départ, une étincelle d’espoirs subsistait, pour la première fois de sa vie, elle était dans une sorte d’école avec d’autres gens comme elle. Ce qui était une première et surtout, un moyen de maîtriser cette grosse épine qu’elle se traîne depuis sa venue au monde. Mais sa faculté de domination sur son Alice frôlant le 0 ne faisait que la tirer vers le bas, un simple éternuement ou accès de colère pouvait provoquer la pagaille parmi tous les objets métalliques du coin. Autant dire qu’elle n’était pas toujours la bienvenue.

Au moins et il faut le reconnaître, elle est loin du côté rebelle et toujours à chercher des ennuis, elle manque juste de chance et la seule chose qu’on peut sincèrement lui reprocher, c’est son cruel manque de maladresse vis-à-vis de son Alice.

Ce qu’il y a d’incroyable avec Ashley, c’est que peu importe le nombre de fois que la vie lui remet un bon coup de réalité bien dans la gueule, elle se relève toujours souriante, comme si de rien n’y était, prête à poursuivre son chemin, curieuse à l’idée de voir jusqu’où ce dernier va l’emmener. Heureuse de pouvoir poursuivre la route.

Reste à savoir qui finira par flancher en premier, son optimisme ou la réalité.