« Putain de téléphone de merde, t'arrêtes de ramer putain ? »

Le geste agacé, Chandresh repousse son téléphone, qui tombe de son genou jusque sur la moquette – chute amortie, il ne se précipite pas pour le récupérer. Il observe, du coin de l’œil, la page qui peine à charger sur son modèle trop peu puissant pour afficher autant de données à l'écran.
Il soupire, mordille son stylo puis, de dépit, lorsque son appareil affiche une nouvelle fois une erreur réseau, il renonce et referme la page.

« Vas-y, prête ton tel, le mien me casse les couilles j'sais pas c'qu'il a, c'est relou de ouf. »

Le parler sans élégance, c'est le caprice qui s'exprime tandis qu'il lève deux prunelles quémandeuses en direction de sa camarade de galère – Jessie, alias l'étrange partenaire qui parvient à raviver en lui les ultimes braises d'une motivation en voie d'extinction. Installé à même le sol, le bord du lit de son amie en guise de dossier, classeur et feuilles volantes sur les genoux, livre d'histoire grand ouvert par terre et bordel éparpillé – moins d'une heure passée penché sur le sujet de leur exposé et il n'en peut déjà plus.

Enfin, la technologie semble compatir à son sort – la page maudite charge, et il marmonne quelques mots presque inintelligibles tandis qu'il parcourt les lignes d'un regard distrait.

« Mille huit cent un... royaume unifié de Grande-Bretagne... ouais, ouais... mille cinq cent quarante-cinq par une union personnelle... voté le deux juillet dix-huit cent... Oh putain mais ça me casse les couilles. »

Le portable, il le rend à sa camarade sans achever sa lecture. Son classeur il l'écarte pour se relever, il s'étire en soupirant – ses articulations craquent au fur et à mesure, comme déjà engourdies.

(Oh, comme l'ennui ronge ;
oh, comme la rage gronde).

« Vas-y, j'en ai marre, pause, musique ! »

Bouteille d'eau dans une main, l'autre fouille dans ses playlists, presque comme fébrile. Il lance la lecture aléatoire – aux premières notes il reconnaît. Satisfait, il pose son téléphone sur le lit et se désaltère – l'air de rien, il dodeline de la tête ;
quelques secondes plus tard les basses le kidnappent – il fredonne sans tout à fait réaliser.

« How many secrets can you keep? 'Cause there's this tune I found that makes me think of you somehow and I play it on repeat... – hey, tu m'fais une place ? »

Il s'installe sur le lit, presque en tailleur – les chaussures abandonnées depuis longtemps à l'entrée de la chambre.

« J'aimerais être n'importe où plutôt qu'ici à bosser sur l'Acte d'Union de dix-huit cent, sans déc. C'est quoi le délire des profs là ? C'est moi où ils ont vraiment décidé de nous pourrir nos trois prochaines semaines d'existence genre le seul sens de notre vie c'est bosser pour trois notes pourries ? »

Il soupire et se laisse tomber à la renverse – une seconde, le monde tourne, et celle d'après il fixe le plafond puis ferme les yeux.
Comme il est las, Chandresh, de cette école qui se persuade qu'une misérable étoile suffira à lui donner l'envie d'apprendre.