Stoïque, stoïque, stoïque, rester stoïque, immobile, et peut-être qu’au bout d’un moment, elle disparaîtra, elle sera invisible. Peut-être qu’il ne la verra plus, peut-être qu’il l’oubliera et qu’il ira tourner autour de quelqu’un d’autre.
Putain de moustique aquatique !
Et elle ferme les yeux, priant intérieurement que cette nouvelle technique “si je ne le vois pas, il ne me voit pas” va fonctionner. Mais non. Rien. Il insiste. Il s’en fout qu’elle fasse tout son possible pour l’ignorer. Il comprend pas le message silencieux. Il fait ce qu’il veut. Son prénom qu’il ne cesse de cracher avec cette même putain d’énergie. À croire qu’il est monté sur pile peu importe ce qui se passe. Il a sa mécanique et elle a la sienne. Depuis le temps, il devrait le savoir qu’il y a incompatibilité. Teddy, elle a le sang-magma qui gonfle son coeur comme une éponge avant l’explosion. Elle a sa carapace à fleur de peau et d’épines qui dénude ses nerfs autant qu’elle fait souffrir les autres.

C’est ce qui provoque ses fameux regards sniper. Comme un de ceux qu’elle décoche à l’instant, plus qu’agacée, envie de meurtre évident. Elle aurait fait mouche si l’écran de son téléphone ne s’était pas fichu dans la ligne de mire. Elle s’en fout du chat trop mignon et badass. Mais heureusement que Robin a vite éloigné l’appareil sinon il finissait encastré dans son front.

– J’m’en cogne de tes excuses à la con !

Volontairement, elle avance vers lui, heurte son épaule pour le dégager de son espace vital.

– Tu te mêles toujours de ce qui te regarde pas ! Qu’est-ce t’as ?! T’es tellement en chien que tu te raccroches au moindre truc pour essayer de te faire des potes ?! C’est pathétique.

Pire que Colline ptain.

Et oui elle gratte dans la crasse sans s’en rendre compte, la provoc’ en deuxième langue.
La petite bête qui cherche la merde. C’est naturel, inconscient. Tout ça parce qu’elle n’a pas eu ce qu’elle voulait hier.

Enfantillage bancal.

Comme un nerf exposé dans une dent cassée. Teddy a largué ses mots coups de poing, assommé Robin, au moins un peu. Elle voit bien qu’elle l’a poussé dans des sables-mouvants, qu’il était pas prêt. Il a rien demandé, c’est vrai. Mais elle peut pas s’en empêcher, depuis qu’elle est ici, y a plus rien qui tourne rond. Elle s’est rendue compte combien elle est monstre… combien le père Devray l’était aussi. Et qu’ils en ont troqué un pour un autre. Fichue académie, fichues règles, fichus gens. Ils font tous partis du problème. Elle a l’impression d’être coincée dans une eau dégueulasse, stagnante et que rien ne fonctionne comme elle le voudrait. Y a toujours quelqu’un pour s’mettre sur son chemin.

Hier c’était Gabrielle. Aujourd’hui c’est Robin.
Lui est sa facilité à lui taper sur le système. Presque pire que Colline.
Hier, il s’est interposé, a tué le feu dans l’eau.
Aujourd’hui, c’t idiot lance la goutte d’eau de trop.

–Wowo depuis quand t’as un cerveau ?! Est-ce que tu sais au moins ce que c’est que les règles ?

Il la cherche aussi hein. Si jamais on demande, c’est de la faute à Robin.
C’est un crétin sexiste en plus de sa connerie habituelle ?! Déçue. Il aggrave son cas putain !

Et elle sait aussi que sa rage ne résiste pas à la sienne. Elle n’a jamais compris pourquoi leurs prises de bec dégénèrent aussi facilement. Mais Teddy lance presque toujours les hostilités. Son monstre fait le premier pas. Robin fait le second, jusqu’à la collision. Colères ricochet. Et elle sait aussi que ce n’est jamais la dernière altercation… Que leurs démons finissent toujours par parler pour eux.

–Si j’veux arrêter le volley, j’arrêterais ! Si j’veux éclater la tête de Gabi par terre, j’l’éclaterais ! Les mots en cascade tombent en rafale. Rythme staccato dans les oreilles comme la pompe qu’est son coeur. L’adrénaline s’échappe. Si j’veux pas porter cet uniforme, je le porterais pas ! Température qui grimpe. L’air qui se fait la mal. Sa force qui afflue à mesure que sa colère s’fait brasier. L’alice activé. Elle ne réalise pas qu’elle a arraché la manche de sa propre veste. Si je veux démolir cette académie, j’le ferais aussi ! Ça bout dans ses veines. Et elle ne réalise pas qu’elle a tapé du pied et que le sol s’est fissuré à l’impact alors qu’elle a pas lâché Robin des yeux. Ciblé. Si j’veux m’énerver, j’m’énerverais !! C’qui les entoure a disparu. La tension a pris l’contrôle, et elle, elle perd le sien. Fixée sur lui dont elle a dévoré dangereusement l’espace vital en à peine quelques secondes. ET JE N’AI PAS... UNE-GROSSE-TÊTE !

Et ce n’est pas le coup de boule qui a suivi qui plaide en sa faveur.

Ouais ok. Torts partagés.